fin de vie
Question de :
M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 11 mars 2015
PROPOSITION DE LOI SUR LA FIN DE VIE
M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Olivier Falorni. Il y a quarante ans, ici même, la France accordait enfin aux femmes le droit de disposer de leur corps. Pourtant, le droit de disposer de leur mort reste encore aujourd'hui refusé aux Français.
Le débat s'ouvre aujourd'hui ; je poserai plusieurs questions. Aurons-nous en 2015 le même courage qu'a eu Simone Veil en 1974 ? Je le souhaite. Allons-nous continuer cette obstination déraisonnable, cet acharnement politique à ne rien changer, ou si peu ? J'espère que non.
M. Bernard Accoyer. Il n'y a aucun acharnement politique, au contraire !
M. Olivier Falorni. Allons-nous accepter encore longtemps cette logique hypocrite du « laisser mourir » qui ne fait que prolonger des agonies insupportables ? Est-il tolérable que des Français soient obligés, pour ceux qui en ont les moyens physiques et financiers, de partir à l'étranger pour bénéficier d'une aide active à mourir comme autrefois les femmes qui voulaient avorter se rendaient hors de nos frontières ?
M. Bernard Accoyer. N'importe quoi !
M. Olivier Falorni. Est-il acceptable de devoir s'en remettre à la clandestinité pour pouvoir partir dignement, comme autrefois les femmes s'en remettaient au secret des « faiseuses d'anges » ?
M. Bernard Accoyer. Cette comparaison est insupportable !
M. Olivier Falorni. Personne, pas même un médecin, ne doit pouvoir nous confisquer le droit de choisir nous-mêmes les conditions de notre propre mort. Je sais, monsieur le Premier ministre, que vous partagez cette conviction intime depuis très longtemps.
Mme Catherine Vautrin. Ah bon ?
M. Olivier Falorni. Alors il faut agir vraiment et maintenant, car si la vie nous est donnée, la mort ne peut pas – ne peut plus – nous être volée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste, et sur certains bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député Falorni, vous le savez, la fin de vie est un sujet délicat qui concerne tous les Français et qui touche à notre intimité. C'est donc un sujet qui, parmi d'autres, nécessite que l'on avance avec prudence. Parce qu'il doit nous rassembler, c'est un sujet sur lequel nous devons sans cesse rechercher la convergence la plus large possible.
La législation sur la fin de vie ne saurait faire l'objet de décisions brusques. Il faut laisser du temps à la réflexion, au débat et à la décision. La loi de 2005, dont l'adoption a réuni tous les groupes parlementaires, constituait déjà une belle avancée. Nous avons la conviction qu'il faut désormais la faire évoluer, car cette loi est mal connue, et donc mal appliquée.
Depuis le mois de juillet 2012, plusieurs réflexions ont été menées, notamment par le Comité consultatif national d'éthique. Vos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti ont travaillé à améliorer le cadre législatif et ont déposé une proposition de loi dont chacun s'accorde à reconnaître la qualité, proposition qui sera débattue à partir de cet après-midi dans cet hémicycle ; Marisol Touraine y représentera le Gouvernement.
Je veux le dire de la manière la plus nette : leur proposition constitue une réforme ambitieuse. Elle concerne en premier lieu le malade, dont les souffrances doivent être épargnées et les volontés respectées. Elle affirme le respect absolu des directives anticipées par les médecins. Elle consacre le droit à mourir paisiblement, dans la dignité et sans souffrance.
Je reprendrai une expression qui n'est pas la mienne : il s'agit non pas d'un compromis au sens classique de ce terme dans notre vie politique, mais d'un point de rencontre entre deux parlementaires, entre deux hommes qui, au-delà des clivages politiques, ont souhaité avancer l'un et l'autre ensemble.
C'est sans aucun doute une étape. Pourquoi ?
M. Hervé Mariton. Et surtout une étape vers quoi ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a quelques années, j'avais moi-même présenté une proposition de loi qui allait plus loin que le texte présenté aujourd'hui. À l'époque, avec des arguments que l'on pouvait entendre, Jean Leonetti considérait qu'il ne fallait pas alors légiférer.
Aujourd'hui, pourtant, le Parlement légifère, et il est important qu'il puisse le faire. Nous savons toutefois que la société, la médecine et la science évoluent.
M. Marc Le Fur. Tout est relatif…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ne cherchez donc pas querelle sur ce sujet. Je ne doute pas qu'il y aura forcément d'autres discussions sur ces questions dans les années qui viennent. Aujourd'hui, cependant, le plus important est que l'Assemblée nationale puisse se retrouver avec la majorité la plus large car sur ces sujets, je le répète, j'estime qu'il faut être capable de se rassembler, notamment à partir du travail conduit par Jean Leonetti et Alain Claeys, et de l'expérience qu'ils ont en la matière.
Chacun a naturellement le droit d'avoir des opinions intimes et politiques sur ce sujet. Au-delà des clivages partisans, toutefois,…
Mme Claude Greff. Il n'y a aucun clivage partisan !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …je souhaite que nous gardions à l'esprit l'impératif qui consiste à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Il me semble qu'il faut préserver l'équilibre du texte de la proposition de loi, et que – c'est le plus important – nous pouvons y parvenir ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme Catherine Vautrin. Nous en restons donc là ?
Auteur : M. Olivier Falorni
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 mars 2015