Nouvelle-Calédonie
Question de :
Mme Sonia Lagarde
Nouvelle-Calédonie (1re circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 11 mars 2015
LISTES ÉLECTORALES EN NOUVELLE-CALÉDONIE
M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
Mme Sonia Lagarde. Monsieur le Premier ministre, le 26 février 2014, j'interpellais votre prédécesseur sur la situation de milliers de Calédoniens en passe de perdre leur droit de vote lors de la révision des listes électorales du fait de demandes de radiations par les indépendantistes.
Jean-Marc Ayrault, avait, au nom de l'État, précisé ici même, au travers d'une lecture politique de l'accord de Nouméa, que le défaut d'inscription sur la liste générale de 1998 ne pouvait à lui seul justifier une radiation. Or, la Cour de cassation avait déjà, en 2011, avec l'arrêt Jolivel, pris une position inverse allant dans le sens des indépendantistes.
Vous avez abandonné cette position politique au profit de celle de la Cour de cassation, et ce revirement en moins d'un an a jeté le trouble en Nouvelle-Calédonie, faisant perdre à l'État de sa crédibilité.
Faut-il rappeler que les indépendantistes fondent ces radiations sur des critères ethniques et sur la consonance des noms ?
Je veux redire une chose simple : jusqu'à ce que les Calédoniens en décident autrement, la Nouvelle-Calédonie, c'est encore la République française, et les citoyens durablement installés ne sauraient être exclus de la construction du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
J'appelle mes collègues à la vigilance dans la perspective prochaine de l'examen du projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Pour réussir sur la voie tracée par l'accord de Nouméa, nous avons besoin, vous l'avez vous-même rappelé lors du dernier comité des signataires, d'un État qui s'engage de manière forte et volontaire, mais nous avons surtout besoin de clarté et de cohérence de la part de l'État. C'est précisément, monsieur le Premier ministre, ce que vous demandent les Calédoniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, la position de l'État est claire : celle du respect de l'État de droit et des décisions de justice. Dans une série de décisions rendues il y a quelques mois, à l'automne 2014, la Cour de cassation a interprété très strictement l'article 188 b de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Elle impose aux personnes installées en Nouvelle-Calédonie, au plus tard le 8 novembre 1998, d'avoir été inscrites sur les listes électorales avant 1998.
Ces décisions sont postérieures à la réponse apportée ici même par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault en février 2014. Elles s'imposent à tous, à l'État, aux élus, aux formations politiques. L'État ne pouvait pas les ignorer, d'autant plus qu'elles ont été largement diffusées depuis. Il en allait de sa crédibilité.
Aujourd'hui, la jurisprudence de la Cour de cassation étant stabilisée, la loi organique prise en application de la Constitution ne peut revenir sur ces dispositions. C'est en effet impossible, compte tenu de la révision de l'article 77 de la Constitution portée en 2007 par le Président de la République Jacques Chirac et le ministre de l'outre-mer François Baroin. Cela irait aussi à l'encontre de l'accord de Nouméa, et en particulier de son point 221, qui a également valeur constitutionnelle.
Il ne s'agit évidemment pas d'une vision purement technique de cette question de la part du Gouvernement, ni d'une quelconque manœuvre, mais de l'application normale, dans un État de droit, des décisions de justice de dernier ressort. On ne peut faire grief au Gouvernement d'avoir, à titre conservatoire, adopté l'interprétation la plus ouverte de la Constitution et de la loi organique dans l'attente de la stabilisation de la jurisprudence judiciaire.
Il appartient à présent aux commissions de révision d'examiner chaque dossier avec rigueur et objectivité, sans arrière-pensée politique.
Madame Lagarde, tout l'esprit des accords de Matignon puis de Nouméa, repose sur la parole donnée. Nous en sommes garants et moi, en tant que Premier ministre, plus que tout autre. Respectons les accords, respectons notre Constitution, respectons les décisions de justice. C'est ainsi que nous bâtirons ensemble, en cette année importante, dans la sérénité, la transparence et la confiance réciproque, l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Auteur : Mme Sonia Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 mars 2015