liberté d'expression
Question de :
M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 25 mars 2015
RESPECT DES LOIS DE 1881 ET DE 1905
M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Alain Tourret. Madame la garde des sceaux, la République repose sur deux lois fondamentales : la loi de 1905 sur la laïcité et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. L'une et l'autre font actuellement l'objet de remises en cause qui risquent de détruire le socle républicain. La loi de 1905 est une loi de liberté. Elle assure et protège contre toutes les idéologies. Chacun est dès lors en droit de revendiquer, pour le moins, la neutralité de l'État face aux différents communautarismes. Notre modèle d'intégration a trop souffert de l'abstention de l'État, alors qu'il appartient à celui-ci de faire prévaloir la laïcité comme le principe du vivre ensemble.
La loi du 29 juillet 1881 est également une loi de liberté, puisqu'elle s'appelle précisément loi sur la liberté de la presse. Cette loi n'a été que rarement remise en cause. Elle assure, rappelons-le, la prescription de trois mois et, éventuellement, en cas d'infraction aggravée, la prescription de douze mois. Elle ne permet ni la garde à vue ni la comparution immédiate. Or, sous prétexte d'apologie de telle ou telle infraction, certains voudraient remettre en cause la loi de 1881 pour transférer les délits de presse vers le code pénal général. Cela aurait pour conséquence de porter les règles de prescription de trois mois à trois ans. Or, en matière de presse, et plus qu'ailleurs, le temps efface tout.
Toucher à la loi de 1881 qui est une loi d'équilibre, déférer devant la justice tous ceux qui écrivent, tous ceux qui publient, tous ceux qui éditent, serait à coup sûr une erreur. Limiter la loi sur la presse aux seuls journalistes serait discriminatoire par rapport aux écrivains, aux syndicalistes, aux hommes politiques et aux simples citoyens. Rappelons que l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme a valeur constitutionnelle et accorde la liberté d'expression à tous les citoyens. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement compte-t-il réviser les lois de 1905 et de 1881 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous évoquez deux lois de liberté extrêmement importantes qui reposent sur les principes fondamentaux inscrits dans la Constitution. La loi de 1905 sur la laïcité nous permet de vivre ensemble, quelles que soient nos singularités, que l'on croie ou que l'on ne croie pas, quelles que soient nos origines ou nos apparences, comme le dispose l'article 1er de la Constitution. Il n'est pas question de toucher à cette loi encadrant très clairement et très précisément les conditions qui assurent la cohésion et qui garantissent la possibilité pour chaque citoyen d'exercer la plénitude des attributs de la citoyenneté.
M. Jean Glavany. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La loi sur la presse a été prévue pour protéger la liberté d'expression et la liberté d'opinion, parce qu'elles sont les conditions mêmes d'exercice de toutes les autres libertés. Elle prévoit d'ailleurs des limitations à ces libertés d'expression et d'opinion, lesquelles sont elles-mêmes strictement encadrées, notamment par une procédure spécifique. Le Président de la République a déclaré que la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les discriminations constituait une grande cause nationale pour cette année 2015. En conséquence, il importe de nous assurer que nous en sommes en mesure de combattre tous les actes ou tous les propos racistes, antisémites et discriminatoires.
Pour cela, nous avons considéré qu'il fallait regarder de près les conditions dans lesquelles les sanctions pénales étaient assurées contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations. Vous avez raison de dire que cette loi protège les journalistes, parce qu'ils sont professionnels, qu'ils sont responsables et qu'ils respectent des règles déontologiques. Il n'en demeure pas moins que nous sommes confrontés aujourd'hui à un contentieux de masse, car nombreux sont ceux en capacité de se livrer au racisme, à l'antisémitisme et aux discriminations. Nous travaillons en concertation avec les médias, les associations et les professionnels d'internet pour trouver la voie, certes étroite, qui sera la bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Auteur : M. Alain Tourret
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 2015