Question au Gouvernement n° 2831 :
élèves

14e Législature

Question de : M. Christophe Borgel
Haute-Garonne (9e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 6 mai 2015


FICHAGE DES ÉLÈVES À BÉZIERS

M. le président. La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Je vous demande, chers collègues, de bien vouloir faire moins de bruit : c'est très désagréable pour les orateurs.

M. Christophe Borgel. Monsieur le Premier ministre, quand on sait ce que ce mandat signifie sur le plan des responsabilités civiques, les mots manquent quand on découvre qu'un maire, celui de Béziers en l'occurrence, a décidé de ficher des enfants parce qu'ils étaient musulmans. Il l'a dit crûment à la télévision publique : « Pardon de vous dire que les prénoms disent les confessions. Si vous vous appelez Mohammed… ». Mais dans la République laïque, un prénom, un nom, une origine ne renvoient pas à une croyance.

Doit-on rappeler à M. Ménard, qui décidément s'illustre dans la pratique d'un racisme sans limite, l'article 1er de notre Constitution ? « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » C'est particulièrement vrai pour les enfants de la République.

Ce scandale intervient dans un climat nauséabond, où on assiste à un véritable concours Lépine de la formule qui stigmatisera le plus nos compatriotes musulmans : « cinquième colonne », « remise en cause de la nationalité française » (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP), « ces Français de papier qui nous envahissent ». N'en rajoutez plus !

Monsieur le Premier ministre, dans le discours, unanimement salué, prononcé en hommage aux victimes des attentats devant cette assemblée, le 13 janvier 2015, vous indiquiez : « L'islam est la deuxième religion de France. Elle a toute sa place en France. » Pouvez-vous garantir à la représentation nationale que le Gouvernement fera preuve de fermeté face aux agissements d'un maire qui a déshonoré sa fonction ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, les faits que vous évoquez sont en effet d'une extrême gravité. Ils ne peuvent que choquer au plus haut point, comme l'attestent des déclarations venant de tous les bancs de cette assemblée.

Voilà un maire, un élu à qui les citoyens ont confié de grandes responsabilités, notamment la gestion de leurs écoles, qui établit des fichiers, une classification, des statistiques concernant les élèves de nos écoles en se basant sur une religion supposée, inférant d'un prénom ou d'un nom de famille une conviction religieuse. Cette pratique n'est pas seulement illégale ; vous l'avez dit, elle est contraire aux valeurs de la République. Elle fait honte au mandat qui a été confié à cet élu.

Monsieur le député, vous avez raison : la France ne distingue pas selon le prénom, le nom, la couleur de peau, la religion. La France, la République, c'est l'idéal de citoyens qui se retrouvent autour des mêmes valeurs.

S'il fallait une démonstration de ce qu'est la gestion d'une collectivité territoriale par l'extrême droite, par le Front national, la voilà faite. À une époque où l'on voudrait tout mélanger, tout confondre, où l'on voudrait brouiller les lignes, la réalité de l'extrême droite, la voilà ! L'extrême droite n'a pas changé, elle n'a rien renié de son passé ni de ses pratiques. Quand on est républicain, on doit combattre sans la moindre ambiguïté, la moindre hésitation, ces entreprises contre ce qui fait notre unité et notre cohésion, et en particulier notre bien le plus précieux : l'école.

Alors oui, il faut condamner, mais il faut aussi agir : de tels faits ne peuvent pas rester sans conséquences. C'est pourquoi la ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a demandé à la rectrice de Montpellier de saisir le procureur de la République afin de protéger les élèves de cette commune et de mettre immédiatement un terme à cette pratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Quand il s'agit de l'essentiel, c'est-à-dire de la République, de nos valeurs, de l'avenir de nos enfants, de la concorde, de la manière de vivre ensemble, les élus de la République doivent être exemplaires. Je le dis à tous, ici, une nouvelle fois : nous avons un devoir de vigilance. La République ne se défend pas uniquement par des mots, elle se défend aussi au quotidien : il faut être intransigeant, ne rien laisser passer. Le Gouvernement sera intransigeant et il ne laissera rien passer. Il appartient maintenant au maire de Béziers de répondre de ses actes devant la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Christophe Borgel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2015

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