Question au Gouvernement n° 289 :
accidents

14e Législature

Question de : M. Serge Letchimy
Martinique (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 15 novembre 2012

CRASH AÉRIEN DU 16 AOÛT 2005

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Serge Letchimy. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Le 16 août 2005, 160 personnes, dont 152 Martiniquais, ont été victimes d'un crash aérien au cours d'un voyage entre le Panama et la Martinique. Depuis ce drame, les familles des victimes sont à la recherche de la vérité. Certes, ces familles ont usé de tous les recours possibles pour leur droit à indemnisation en France ou aux États-Unis. Mais lorsque l'on perd un être cher dans des conditions aussi dramatiques, aucune somme ne peut remplacer un père, une mère, une soeur ou un frère. L'argent sert à survivre, mais il ne comble pas le vide laissé par les disparus.
Ce qui peut combler ce vide, c'est la vérité, c'est la réparation, c'est en fait la justice. Et c'est cette vérité qui manque. C'est cette justice qui manque. Elles seules peuvent conclure un deuil ; elles seules peuvent éclairer le passé pour mieux se prémunir des dangers de demain face aux dérives possibles des " avions poubelles ", mettant en péril la sécurité aérienne dans le monde.
Sept ans après cette catastrophe, la procédure pénale engagée s'est enlisée, faute de moyens pour connaître les circonstances de l'accident. J'en donnerai deux exemples.
Premièrement, une injonction de la chambre de l'instruction datant de fin 2010 est restée sans suite à ce jour, faute de moyens financiers suffisants pour la traduction en français des 90 000 pages de documents ou d'expertises jugées nécessaires à la connaissance de la vérité.
Deuxièmement, deux juges d'instruction étaient prévus, compte tenu de la complexité du dossier et du nombre de pays, de sociétés et d'institutions concernés. Cet engagement n'a jamais été tenu, ce qui a rendu impossible un travail d'investigation rigoureux.
Alors, madame la ministre, en attendant que le Parlement soit saisi pour légiférer sur ce type de dérive dans le secteur aérien, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour relancer l'enquête pénale et pour que des moyens suffisants y soient alloués ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j'étais à vos côtés en août 2005 lors de la cérémonie de funérailles des victimes, et à nouveau deux ans plus tard, lors de la commémoration de ce drame. Je connais donc la douleur et la détresse des familles de victimes, mais aussi leur très grande dignité.
Comme vous l'avez indiqué, ce drame qui a provoqué la mort de 152 Martiniquais et de huit membres d'équipage colombiens concerne plusieurs pays : la France, bien entendu, mais aussi la Colombie, siège de la compagnie aérienne, les États-Unis, pour la construction de l'appareil, le Canada, où se trouve la société qui a affrété le vol, le Venezuela, enfin, où s'est produit le drame. Cela complique évidemment une procédure déjà de haute technicité, comme c'est le cas pour tous les accidents aériens.
Cependant, la vérité est une exigence ; nous la devons aux familles, sur les circonstances du drame, sur les fautes, les erreurs, les négligences et les responsabilités. Je peux vous assurer que le Président de la République et le Premier ministre s'en préoccupent, par souci de justice d'abord, mais aussi par empathie avec les Martiniquais, si durement touchés.
Pour ce qui est des 90 000 pages de documents à traduire, le coût de l'opération est évalué à 500 000 euros. Cette somme est incluse dans la dotation de frais de justice attribuée à la Cour d'appel de Fort-de-France. En ce qui concerne le pôle d'instruction, cette affaire représente effectivement trop de travail pour un seul magistrat. Je vous informe que le président du TGI a, par une ordonnance d'octobre 2012, décidé d'affecter un deuxième magistrat instructeur au traitement de ce dossier.
Pour ma part, j'ai demandé au procureur général de faire remonter à l'administration toutes les informations qui permettraient de prendre des mesures complémentaires et de tenir les familles de victimes informées de façon régulière. Nous ne rendrons pas aux familles celles et ceux qu'elles ont perdus, nous ne ferons pas revenir le sourire sur le visage des enfants, mais nous éviterons peut-être de nouveaux drames à la Martinique ou ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Serge Letchimy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2012

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