Question au Gouvernement n° 2897 :
énergie nucléaire

14e Législature

Question de : M. Denis Baupin
Paris (10e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 20 mai 2015


AREVA

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre de l'économie, la situation d'AREVA est catastrophique.

M. Bernard Accoyer. À qui la faute ?

M. Denis Baupin. Longtemps présentée comme un fleuron industriel, elle est aujourd'hui au bord de la faillite.

M. Bernard Accoyer. Vous êtes les fossoyeurs du nucléaire !

M. Denis Baupin. Selon le New York Times, si cette entreprise n'était pas quasi publique, elle serait aujourd'hui en banqueroute.

Mme Claude Greff. C'est vous qui l'avez fragilisée !

M. Denis Baupin. Face à cette situation, on évoque un meccano industriel perdant-perdant avec EDF, une recapitalisation par les contribuables, des prises de participation par la Chine – alors qu'on nous vantait l'indépendance française –, sans oublier les impacts sociaux et sur la sûreté.

Pour autant, on a du mal à percevoir la stratégie industrielle qui préside à ces choix. Surtout, on se demande si le diagnostic posé sur la faillite d'AREVA prend réellement en compte l'évolution du monde autour de nous.

M. Bernard Accoyer. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, constatez-vous comme nous le développement exponentiel des énergies renouvelables, la chute de leur coût, les innovations en matière de stockage, de réseaux intelligents ? Constatez-vous comme nous que, à l'inverse, la part du nucléaire dans l'électricité ne cesse de chuter – 2 % en Chine – et que son coût, lui, ne cesse de grimper ?

Mme Claude Greff. C'est ce que vous avez voulu !

M. Denis Baupin. Monsieur le ministre, vous n'allez pas proposer à Orange de relancer le minitel ! Vous n'allez pas proposer à Air France de relancer le Concorde ou les avions renifleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. C'est ridicule !

M. Bernard Accoyer. Ces comparaisons sont honteuses !

M. Denis Baupin. Dans le domaine de l'énergie aussi, nos entreprises doivent tirer les conséquences de la profonde rupture technologique qui s'opère dans le monde, particulièrement au moment où nous allons voter une loi historique pour la transition énergétique.

M. Jean-Luc Laurent. Pourquoi pas la bougie ?

M. Denis Baupin. Nous connaissons tous des entreprises qui, comme Kodak, sont mortes de n'avoir pas su s'adapter, ou d'autres comme E.ON qui ont réussi à se sauver en prenant le bon virage. La question n'est plus de savoir si la révolution énergétique aura lieu, mais si nous en serons acteurs ou victimes. Décidons enfin, monsieur le ministre, de faire de nos entreprises des champions des énergies d'avenir en sortant progressivement des énergies fossiles et fissiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Bernard Accoyer. Voilà ce que sont vos alliés, monsieur le Premier ministre !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Accoyer. Courage !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il y a plusieurs questions sur le sujet d'AREVA, et c'est normal. Alain Vidalies aura d'ailleurs l'occasion de répondre lui aussi. Mais je veux vous dire que le Gouvernement suit avec la plus grande attention la situation du groupe AREVA.

M. Étienne Blanc. Nous voilà rassurés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est un sujet sérieux ! Ce groupe rencontre des difficultés profondes qui se sont traduites par des pertes très lourdes au titre de l'exercice 2014. On le sait, AREVA souffre d'une conjoncture dégradée du marché nucléaire mondial depuis l'accident de Fukushima,…

Mme Claude Greff. Et d'une mauvaise gestion !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais aussi, ne nous voilons pas la face, de problèmes structurels importants et de problèmes de management incontestables.

Mme Claude Greff. C'est clair !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette situation dure depuis des années, il faut donc être extrêmement lucides. Cependant, je vous invite, monsieur Baupin, à faire attention au choix des mots, notamment lorsque l'on parle de faillite d'une grande entreprise comme AREVA.

Notre rôle, celui des pouvoirs publics, est de remettre le groupe sur pied car ces difficultés, que nous devons tous regarder avec lucidité, ne doivent pas faire oublier les compétences uniques des hommes et des femmes qui travaillent pour cette grande entreprise. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces compétences sont un enjeu essentiel pour la France, car nous aurons besoin d'une filière nucléaire en ordre de marche (Applaudissements sur certains bancs des groupes SRC, UMP et UDI) pour répondre aux enjeux du parc nucléaire national, dans le cadre que définit le projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte.

C'est aussi un enjeu pour répondre aux opportunités qui existent à l'international – en Chine, au Royaume-Uni ou ailleurs. C'est la raison pour laquelle, quand on est un responsable public, parlementaire ou président de je ne sais quelle structure, il faut être attentif aux mots que l'on prononce quand on parle de la filière nucléaire française, notamment par rapport au marché international.

La priorité est de retrouver les conditions d'une situation économique soutenable, et cela passe par une restructuration sociale qu'il faut avoir le courage de mener. Pour cela, le groupe a ouvert le jeudi 7 mai dernier des discussions avec les partenaires sociaux. Emmanuel Macron recevra d'ailleurs les syndicats d'AREVA le 22 mai, et François Rebsamen suit avec attention la situation du groupe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Alors on court à la faillite !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En tout état de cause, aucun licenciement en France n'est envisagé, et les sites de production doivent être préservés.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce plan de performance et de compétitivité, en cours d'élaboration par l'entreprise, est absolument indispensable. C'est un préalable à toute autre mesure, notamment financière, qui ne peut être envisagée sans s'appuyer sur un retour à des conditions économiques viables pour le groupe.

Mais le Gouvernement travaille également à la refondation de la filière nucléaire des réacteurs, car c'est la clé. Le président d'EDF a un certain nombre de propositions à faire, ce plan doit par ailleurs accompagner un recentrage stratégique, et si nécessaire des cessions correspondantes qui seront une étape importante pour assurer le redressement d'AREVA et la pérennité de la filière.

La loi de transition énergétique a déjà été votée à l'Assemblée nationale et au Sénat, et revient à l'Assemblée en nouvelle lecture. Elle prévoit un mix énergétique qui fait évidemment la part aux énergies renouvelables, qui baisse la part du nucléaire dans la production électrique, mais qui ne met en rien en cause cette filière dont le pays a besoin, pour lui-même mais aussi pour peser dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Données clés

Auteur : M. Denis Baupin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mai 2015

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