énergie nucléaire
Question de :
M. Denis Baupin
Paris (10e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 11 juin 2015
DÉFAILLANCES DU PROJET EPR
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.
M. Denis Baupin. Monsieur le ministre de l'économie, au moment où vous tentez de construire un mécano pour sauver ce qui peut l'être de la filière nucléaire,…
Un député du groupe UMP. Vive la bougie !
M. Denis Baupin. …il ne se passe pas une semaine sans que ne soient rendues publiques des défaillances majeures du projet EPR – le réacteur pressurisé européen. Il y avait déjà eu le béton, les soudures, le pont polaire, les valves construites à l'envers, les accidents du travail… Depuis quelques semaines, l'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, estime que la cuve elle-même pose de sérieux problèmes ; depuis deux jours, nous savons que l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, a constaté de graves anomalies sur les soupapes de sûreté.
Vous connaissez nos convictions…
M. Jean-Luc Laurent. Que trop !
M. Denis Baupin. …sur le nucléaire et sur l'EPR en particulier. Nous n'avons jamais caché notre opposition à ce projet pharaonique destiné à être une vitrine et qui tourne au fiasco industriel. Mais nous pensions que tout était fait pour garantir une sûreté maximale. Quelle n'a pas été notre surprise en lisant, dans le propre rapport de l'IRSN, que celui-ci juge la technologie retenue pour la cuve du réacteur en régression technique par rapport à celle utilisée pour le parc en exploitation. On est bien loin des prétextes imaginés ici où là, devant les difficultés de l'EPR, pour faire porter le chapeau à l'ASN ou à des normes trop contraignantes.
François Hollande, alors candidat, déclarait en 2011 être favorable à l'EPR « si toutes les règles de sûreté étaient respectées ». C'est bien la question qui se pose aujourd'hui, pour l'EPR mais aussi pour toute la filière.
On assiste à des tentatives de déstabilisation de l'ASN : certains médias, sans doute mal informés, ont évoqué une demande d'EDF au Gouvernement pour que l'Autorité soit un peu moins regardante sur la sûreté.
Monsieur le ministre, pouvez-vous donc nous confirmer que telle n'est pas l'intention de ce gouvernement, qu'il n'est nullement question de remettre en cause l'autorité de l'ASN et encore moins son indépendance qui en font une des autorités les plus respectées au monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Tout d'abord, même si c'est à moi que vous avez posé votre question, monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Ségolène Royal, retenue en Amérique du Nord pour la préparation de la COP21, et qui sinon y aurait répondu. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Je voudrais tout de même avant tout vous rappeler que la décision de construire l'EPR a été prise suite à un large débat public qui s'est tenu en 2002, dont les conclusions ont été confirmées dans la loi d'orientation sur l'énergie du 13 juillet 2005, et que le Gouvernement a ainsi autorisé EDF, par décret en date du 10 avril 2007, à construire sur le site de Flamanville, dans la Manche, un réacteur de type EPR. Fin 2012, 95 % du génie civil et 40 % des montages étaient réalisés, fin 2014, la cuve a été mise en place, et le montage du circuit primaire principal est en cours.
À l'automne 2014, l'exploitant a annoncé un retard par rapport au planning de mise en œuvre, retard lié à des difficultés rencontrées par Areva pour livrer certains équipements. Le Gouvernement a demandé des comptes et réclamé que toutes les mesures soient prises pour y remédier.
Tout ce qui est relatif aux processus de qualification fait l'objet d’une pleine vigilance de la part de l'IRSN et de l'ASN. Je veux ici réaffirmer très clairement que l'ambition du Gouvernement est bien de préserver la totale indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire et de maintenir le plus haut niveau de sûreté de notre équipement, non seulement en France mais à l'international. C'est à cette fin que le projet de loi « Croissance et activité » porte une disposition qui permettra à l'ASN de certifier des projets à l'étranger.
Mais le haut niveau de sûreté nucléaire et l'indépendance de l'ASN qui le garantit ne doivent pas être incompatibles avec la qualité de notre filière nucléaire. Celle-ci est en crise, nous en avons discuté à plusieurs reprises et le Gouvernement continue à travailler sur ce sujet, mais sous le contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire, en toute indépendance. EDF et Areva doivent prendre toutes les mesures pour répondre à ces différentes contraintes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
Auteur : M. Denis Baupin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique
Ministère répondant : Économie, industrie et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2015