sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 2012
SITUATION EN CORSE
M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, le 2 octobre, je vous disais, ici, que la criminalité en Corse est, par habitant, quatre fois plus importante que dans les Bouches-du-Rhône. En six semaines, il s'est commis, dans notre île, quatre nouveaux crimes - et même cinq, depuis ce midi -, dont deux ont frappé l'opinion publique nationale parce que les victimes étaient respectivement un avocat de renom et le président de la chambre de commerce de Corse-du-Sud.
La venue des ministres de l'intérieur et de la justice, quelques heures après l'assassinat du président Jacques Nacer, a été bien reçue parce que, pour une fois, on a reconnu d'abord le devoir de la République de protéger les citoyens avant d'en appeler à leur responsabilité et que l'on s'est abstenu de demander au peuple corse de régler lui-même cette question par je ne sais quelle rébellion, parfaitement contraire à la République et à ses lois.
Mes chers collègues, le brouhaha dans lequel je m'exprime, alors qu'est évoquée une question aussi grave, me paraît malvenu.
Les Corses manifestent publiquement leur attachement à la justice et leurs représentants s'attachent à traiter les questions avec méthode et détermination. Ainsi, l'Assemblée de Corse a mis fin aux désordres des transports maritimes et conduit une politique exemplaire pour régler la question foncière et les excès de la spéculation.
Votre gouvernement a annoncé de bonnes mesures pour lutter contre la criminalité économique. Toutefois, j'ai trop l'expérience de réactions justes mais aussitôt oubliées, d'annonces sans autre effet que médiatique, pour ne pas vous interroger à nouveau.
Monsieur le Premier ministre, combien de fois, depuis dix ans, ai-je eu, hélas, à intervenir à l'Assemblée à propos de la criminalité en Corse ? Je mesure le risque qui est le mien à nouveau. J'ai déjà reçu, il y a deux ans, le plus tragique des avertissements, sans changer pour autant les habitudes d'une vie réglée et limpide, ni renoncer à mon devoir de liberté.
C'est au nom de ces valeurs...
M. le président. Merci, mon cher collègue.
M. Paul Giacobbi. ...que je vous demande d'informer cette assemblée de ce que vous avez décidé de faire. (Mmes et MM. les députés du groupe RRDP se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, bien entendu, le Gouvernement éprouve le plus grand respect pour le courage des élus et de l'ensemble des citoyens corses face à cette situation insupportable et très fortement chargée d'angoisse au quotidien.
Vous savez que la criminalité et, d'une façon générale, la délinquance suivent, en Corse, une courbe persistante, liée à des rivalités d'influence et à des pratiques dont le caractère mafieux semble établi. Ainsi, 30 % des assassinats perpétrés sur l'ensemble du territoire le sont en Corse. Nous avons eu le sentiment, ces deux dernières années, que les chiffres se tassaient. Mais ces chiffres recouvrent des vies humaines, arrachées aux familles, et, systématiquement, un défi adressé à l'État.
Le 22 octobre dernier, le Premier ministre a décidé de créer un comité interministériel (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP), placé sous son autorité directe. Le ministre de l'intérieur et moi-même nous sommes rendus en Corse la semaine dernière et nous avons apprécié la qualité du travail que nous avons pu mener avec l'ensemble des élus, de toutes sensibilités politiques. Nous sommes persuadés qu'au moins au plan local, une mobilisation républicaine est possible.
S'agissant de la politique judiciaire, une circulaire pénale territoriale sera diffusée avant la fin de la semaine. Elle comprendra cinq axes forts. L'un concerne directement les assassinats et porte sur l'amélioration du taux d'élucidation et de la rapidité de la réponse pénale.
M. Bernard Deflesselles. Vous croyez qu'il suffit d'une circulaire pour cela ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Un autre doit permettre de s'attaquer à la racine du mal, grâce à l'amélioration de l'identification et de la confiscation des avoirs criminels. Nous allons également renforcer les effectifs grâce à des créations de postes et à une amélioration de leur qualification.
Nous comptons sur l'ensemble des Corses et sur l'ensemble des élus pour faire face à cette urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Paul Giacobbi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2012