Question au Gouvernement n° 3027 :
terrorisme

14e Législature

Question de : M. Sergio Coronado
Français établis hors de France (2e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 24 juin 2015


PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Monsieur le Premier ministre, les conclusions de la commission mixte paritaire portant sur le projet de loi relatif au renseignement que vous avez inscrit en procédure accélérée, privant ainsi le Parlement du temps nécessaire à un travail législatif de qualité, sont soumises au vote de l'Assemblée nationale ce mercredi. Le texte issu de la commission comporte une disposition inquiétante, introduite à la dernière minute, comme un dernier petit coup de force, sans débat préalable ni au Sénat ni à l'Assemblée. Cette disposition permet en effet de surveiller les étrangers de passage en France sans que soit saisie l'instance de contrôle, la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR –, sans même qu'elle soit informée de cette mesure de surveillance lorsqu'un étranger de passage est concerné.

En clair, il sera possible aux services de poser un micro dans la chambre d'un diplomate, d'un chef d’État ou d'un journaliste, de glisser une balise sous une voiture, de siphonner un disque dur ou encore d'épier discrètement les conversations téléphoniques, tout cela sans contrôle, sans que la finalité soit d'ailleurs la lutte contre le terrorisme.

Le Gouvernement a déposé au Sénat un amendement visant à supprimer cette disposition, sans doute convaincu par les fortes oppositions soulevées et par les réserves du rapporteur au Sénat, Philippe Bas, qui indique que « tout ce qui porte atteinte au contrôle de la commission doit être motivé par des arguments extrêmement sérieux. »

C'est une sage décision qui ne suffit malheureusement pas à rendre ce texte acceptable. Celui-ci confère en effet à la communauté du renseignement des finalités extrêmement larges, et des outils de recueil de données d'une très grande ampleur sans que leur efficacité ait été ni évaluée ni démontrée. Qui plus est, parmi les amendements déposés au Sénat par le Gouvernement, l'un tend à supprimer le statut des lanceurs d'alerte, introduit par le rapporteur Jean-Jacques Urvoas.

Le groupe écologiste signera le recours devant le Conseil constitutionnel et votera très majoritairement contre le texte. Les polémiques qui ont accompagné la discussion de ce projet de loi ont été d'autant plus vives que le Gouvernement ne semble pas faire preuve de la même célérité sur des textes tout aussi attendus tels que celui sur la protection des sources des journalistes ou encore celui relatif aux libertés numériques. Ma question est simple : quand ces textes arriveront-ils en discussion devant notre assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Votre question, monsieur le député, m'offre l'occasion de préciser le contenu de ce texte, en particulier les dispositions auxquelles vous venez de faire référence.

Tout d'abord, les mesures dont vous parlez, introduites par un amendement parlementaire, feront l'objet d'un amendement de suppression du Gouvernement, que je défendrai moi-même au Sénat. Il ne faut pas laisser accroire que cette proposition de suppression d'amendement que nous défendrons tout à l'heure serait le fruit d'une quelconque pression. Le Gouvernement n'a jamais été favorable à cet amendement et l'a fait savoir. C'est de sa propre initiative et avec une volonté affirmée depuis l'origine qu'il défendra cette position.

Par ailleurs, je me permettrai d'ajouter, puisque vous ne l'avez pas fait, que ce projet de loi tend à encadrer l'activité des services de renseignement, qui ne l'était pas jusqu'à présent, grâce à l'instauration d'un triple contrôle. Tout d'abord, une autorité administrative indépendante, la CNCTR, pourra contrôler l'activité des services de renseignement avant que les techniques ne soient déclenchées, pendant leur mise en œuvre et a posteriori. Ensuite, il y aura un contrôle juridictionnel qui n'existait pas jusqu'à présent : aussi bien la CNCTR que le Conseil d’État pourront saisir le juge pénal s'il est constaté qu'une infraction pénale a été commise dans le cadre de la mobilisation de ces techniques de renseignement. Enfin, un puissant contrôle parlementaire s'exercera puisque la délégation parlementaire au renseignement aura la possibilité d'exercer des prérogatives de contrôle qu'elle n'avait pas jusqu'à présent.

Quant aux techniques les plus discutées pendant le débat parlementaire, elles seront réservées exclusivement à la lutte antiterroriste. Chacun comprendra que notre pays a besoin de se protéger. C'est pourquoi vous pouvez désormais regarder ce texte avec une totale sérénité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : M. Sergio Coronado

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 juin 2015

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