terrorisme
Question de : M. Roger-Gérard Schwartzenberg (Ile-de-France - Radical, républicain, démocrate et progressiste), posée en séance, et publiée le 1er juillet 2015
LUTTE CONTRE LE TERRORISME
M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le Premier ministre, le 26 juin restera comme le vendredi sanglant où le djihadisme a frappé trois pays simultanément.
Un chef d'entreprise, odieusement décapité en Isère, trente-huit morts en Tunisie et vingt-sept au Koweït.
Bombe, couteau, Kalachnikov : Daech veut imposer, par le terrorisme, sa vision très arbitraire de l'islam, vision que ne partage pas la très grande majorité des Français de confession musulmane.
L'auteur présumé de l'attentat en Isère avait été repéré par les services spécialisés. Il avait fait l'objet, dès 2007, d'une fiche de sûreté, fiche désactivée en 2008, mais qui avait été suivie de plusieurs notes sur les liens de cet homme avec la mouvance salafiste.
Une fois détectés, ces individus potentiellement dangereux ne peuvent être laissés sans surveillance effective. Il faut donc renforcer les moyens humains et technologiques des services de renseignement. C'est l'objet de la loi adoptée la semaine dernière.
Par ailleurs, Daech utilise très activement internet qui devient alors un vecteur d'endoctrinement. La loi sur le terrorisme, votée en 2014, permet de demander aux fournisseurs d'accès à internet de bloquer l'accès aux sites incitant aux actes de terrorisme. Il convient d'appliquer cette disposition avec la plus grande rigueur.
Enfin, le meilleur moyen de combattre le fanatisme, c'est la démocratie. Les djihadistes l'abhorrent. D'où les attentats sanglants commis en Tunisie, le seul pays où « le printemps arabe » a débouché sur un processus réel de démocratisation.
Ici, les intégristes voudraient nous dissocier en communautés distinctes, séparées et antagonistes. Notre impératif, c'est le contraire. C'est l'unité nationale. C'est« la République indivisible ». Cela s'appelle aussi la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Roger-Gérard Schwartzenberg, vendredi dernier, le terrorisme a une nouvelle fois frappé durement, aveuglément au Koweït, en Tunisie, mais aussi de manière particulièrement abjecte en France. À mon tour, j'ai une pensée pour Hervé Cornara et j'exprime toute ma solidarité à ses proches, à sa famille, ainsi qu'à toutes les familles des victimes de ce vendredi sanglant, comme vous l'avez appelé. Je leur adresse avec émotion les condoléances et l'entier soutien du gouvernement français.
Ces nouveaux actes de folie meurtrière confirment – nous l'avons dit ici à de maintes reprises avec le ministre de l'intérieur – le niveau extrêmement élevé de la menace terroriste islamiste dans notre pays, en Europe, dans de nombreux pays dans le monde – États-Unis, Australie, Canada –, mais également dans les pays musulmans qui sont les premiers, je veux le rappeler, à souffrir de ce terrorisme djihadiste.
Face à cette menace terroriste dont le niveau est inédit, insidieuse, protéiforme, je veux le répéter une nouvelle fois, calmement et avec beaucoup de détermination, tout est mis en œuvre pour assurer la sécurité des Français, même si le risque zéro n'existera jamais car nous sommes confrontés à un phénomène de radicalisation de masse sans précédent : 1 800 personnes sont recensées pour la seule mouvance des filières irako-syriennes. Ce phénomène s'inscrit dans la durée.
C'est une guerre de longue haleine que nous menons contre le terrorisme et le djihadisme en France comme à l'extérieur. Nous devons cette lucidité et ce devoir de vérité à la représentation nationale, qui en est bien sûr informée, et qui elle-même a beaucoup travaillé sur ces questions. Je pense au travail réalisé par Éric Ciotti, Patrick Mennucci et ceux qui les ont accompagnés. Nous le savons donc, c'est un phénomène de longue durée.
Sur le plan répressif, ce sont actuellement 145 dossiers judiciaires qui sont ouverts ; 306 personnes ont été interpellées dans le cadre de ces filières djihadistes syro-irakienne et 179 d'entre elles ont fait l'objet de poursuites.
Lorsque les poursuites judiciaires ne sont pas possibles, le Gouvernement a recours à toutes les mesures administratives susceptibles de prévenir la menace terroriste. Je veux les rappeler :
Expulsion du territoire des étrangers qui prêchent la haine et la violence – ils sont quarante à avoir été expulsés depuis 2012, dont une quinzaine d'imams ;
Lancement de procédures de déchéance de la nationalité française dès lors que les conditions de droit sont réunies – plusieurs dossiers dont déjà engagés, comme le rappelait le ministre de l'intérieur ce matin ;
Interdiction d'entrée et de sortie du territoire ; gel des avoirs financiers ; blocage des sites internet faisant l'apologie du terrorisme ; suppression des prestations sociales aux djihadistes ayant quitté la France.
M. Pierre Lellouche. Très bien. C'est ce que j'avais demandé !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Toutes les solutions sont explorées, mises en œuvre pour entraver l'action des terroristes. En outre, il faut empêcher d'agir les associations qui encouragent ou diffusent les appels à la violence. S'il faut les dissoudre, nous le ferons.
Des questions ont été posées concernant la mouvance salafiste. J'ai eu l'occasion ici même, à l'Assemblée nationale, et avec le ministre de l'intérieur devant les 150 représentants de l'islam de France de dire notre inquiétude s'agissant de la profusion des messages, notamment des Frères musulmans en France et dans le monde. J'ai rappelé notre profonde inquiétude et la nécessité d'agir contre le salafisme le plus radical.
Monsieur le président Schwartzenberg, j'étais devant votre groupe ce matin. Olivier Falorni a, en parlant du salafisme le plus radical, utilisé l'expression de « véritable carburant du radicalisme », cette radicalité qui ensuite peut entraîner vers le terrorisme.
Nous savons à qui nous avons affaire. Le ministre de l'intérieur agit et agira avec les armes du droit, car l'État de droit est indispensable pour lutter contre le terrorisme, en faisant un travail de longue haleine, dans la discrétion pour fermer les mosquées quand il le faut, pour s'attaquer aux commerces qui alimentent financièrement le terrorisme, tout en sachant – le ministre de l'intérieur l'a rappelé ce matin devant les présidents des assemblées et les présidents des groupes – que ce travail doit être mené d'abord sur internet, car c'est là où la radicalisation se développe, ainsi que dans les prisons.
Tout cela a été dit et rappelé depuis plusieurs mois. Nous n'allons pas inventer de nouvelles mesures car nous savons qu'il faut agir dans la durée. C'est là où l'ennemi ou l'adversaire ou ceux qui veulent abattre nos valeurs sont. Nous devons donc agir.
Depuis 2012, les moyens légaux ont été renforcés. Deux lois antiterroristes ont été votées par une très large majorité de l'Assemblée et du Sénat. La loi sur le renseignement, vous l'avez rappelé, monsieur le président, a également été votée et est aujourd'hui devant le Conseil constitutionnel.
Le Gouvernement a également accru les moyens des services en charge de lutter contre le terrorisme. Le plan Vigipirate a été déployé, ce sont 30 000 policiers, militaires, gendarmes qui sont sur le terrain. Dans le cadre de l'opération Sentinelle, 7 000 soldats sont présents partout pour protéger 5 000 lieux de culte ou des écoles confessionnelles. Cela veut dire que nous avons pris les uns et les autres la mesure de ce qu'il faut mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme.
Ce matin, le ministre de l'intérieur a, devant la représentation nationale – Assemblée et Sénat – réunie autour du Président de la République, diffusé un document précis sur tout ce qui a été mis en œuvre. Ce document sera diffusé à l'ensemble de la représentation parlementaire.
Face au terrorisme, face à ceux qui s'attaquent à nos valeurs, pas uniquement en France, pas uniquement en Europe, mais partout dans le monde – je pense aussi à nos amis égyptiens, car le procureur général d'Égypte a été assassiné hier –, il faut opposer une coopération sans faille au niveau international et européen ainsi que l'unité et le rassemblement autour de nos valeurs. Au-delà des questionnements légitimes, nous serons en effet beaucoup plus forts pour lutter contre le terrorisme lorsque nous serons unis, rassemblés sur les moyens, sur les actions et sur les valeurs. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Auteur : M. Roger-Gérard Schwartzenberg (Ile-de-France - Radical, républicain, démocrate et progressiste)
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 2015