Question au Gouvernement n° 3132 :
agriculteurs

14e Législature

Question de : Mme Isabelle Attard
Calvados (5e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 23 juillet 2015


MODÈLE AGRICOLE FRANÇAIS

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le monde de l'agriculture est en crise. Le modèle actuel incite à produire toujours plus, donc à s'endetter lourdement. Ce modèle est le principal responsable des manifestations paysannes. C'est pour lutter contre la détresse et l'isolement que des associations comme Solidarité Paysans ou Filière paysanne se mobilisent, chaque jour, à leurs côtés.

Avec votre plan d'urgence, si nous désendettons aujourd'hui, sera-ce pour réendetter demain ? Les baisses de charge sont autant de baisses des retraites futures des agriculteurs. Utilisons plutôt cette période pour revoir en profondeur le modèle agricole de notre pays.

Il existe d'autres choix que la résignation face aux fluctuations des marchés internationaux, si volatiles. La stabilité doit venir des commandes publiques, vous l'avez rappelé ce matin. Aujourd'hui, 80 % de la viande consommée en restauration collective provient de l'importation, de même que 30 % du lait bio. Dans le Bessin, la filière du lait bio, bien organisée, permet aux éleveurs de ne pas subir la chute des prix et de vivre de leur travail.

Les sympathisants écologistes ne sont pas les seuls à vouloir manger sainement ; c'est le souhait de tous les Français. Certaines collectivités ont déjà choisi : ce sera du bio, et local, dans les restaurants scolaires. Ce fut le choix de Maurice Vincent, maire de Saint-Étienne, en 2009. Pari gagné : en 2014, la ville achetait 100 % d'aliments bios, principalement locaux. Elle a été suivie par le département de la Loire et par la région Rhône-Alpes, et ça marche !

Veut-on multiplier les fermes usines ou souhaite-t-on garder des paysans en France ? Dans ce dernier cas, quel modèle économique leur proposez-vous ? Je cite le rapport de notre collègue Brigitte Allain : « Si relocaliser notre alimentation est un véritable défi pour l'économie de notre pays, la création de richesses pécuniaires, culturelles, patrimoniales est aussi un levier considérable pour donner à l'agro-écologie le tremplin dont elle aura besoin pour devenir un modèle de base de production alimentaire. »

Monsieur le ministre, comment comptez-vous favoriser la mise en place de stratégies alimentaires locales et structurer les filières pour qu'enfin nos paysans vivent dignement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, dans le cadre de ce débat que je connais bien, il existe toujours la tentation de considérer qu'il est nécessaire d'opposer des agricultures qui sont effectivement diverses ; c'est en particulier le cas lorsqu'on aborde la question de l'agriculture liée aux circuits courts et à l'approvisionnement local.

Je vous rappellerai donc que, dès 2013, nous avons mis en place des plateformes pour acheter local.

M. Guy Geoffroy. Oh là là ! Bravo !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce sont les plateformes des chambres d'agriculture, les plateformes liées à ce que l'on a appelé le processus « agrilocal », lancé dans la Drôme et prolongé dans le Puy-de-Dôme, qui vise à favoriser l'achat local… Aujourd'hui, trente départements appartiennent à ce réseau. Pour favoriser l'achat local, il convient que nous développions dans tous les départements de tels systèmes, qui permettent de valoriser la production locale.

Le plan d'urgence remet-il en cause un modèle ? Il cherche d'abord à répondre à la situation d'un certain nombre d'agriculteurs. Faudrait-il alors définir une stratégie ? À l'occasion des débats autour du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, nous avons fixé un objectif : celui de combiner la qualité, de préserver la diversité et d'assurer la triple performance de l'agriculture, économique, environnementale et sociale. Cela reste notre objectif à moyen et long terme.

Cela nécessitera le développement de tous les systèmes à l'échelon local. Les plans d'alimentation régionaux adoptés dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture s'appliquent d'ores et déjà ; les discussions sont en cours, et il n'y a aucune raison de ne pas promouvoir ces circuits, bien au contraire. Il reste que, pour le vin ou d'autres produits, il existe aussi une demande à l'échelle internationale. Il s'agit toujours du même débat : pourquoi exporterions-nous du champagne et pas d'autres produits ? Soyons lucides ! Il nous faut trouver ensemble un compromis pour assurer l'avenir de toute l'agriculture française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Attard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juillet 2015

partager