Syrie
Question de :
M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen
Question posée en séance, et publiée le 1er octobre 2015
SITUATION EN SYRIE
M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, voilà plusieurs années que la Syrie est déchirée par une guerre qui a coûté la vie à des centaines de milliers de civils. Profitant du chaos, Daech s'est emparé d'une partie des territoires syrien et irakien pour y imposer sa présence. Cette situation est intolérable pour le peuple syrien meurtri, pour les peuples voisins, qui subissent les assauts répétés de ce groupe terroriste, pour les pays alentour, qui accueillent un flot intarissable de réfugiés, et pour l'Europe, qui ne peut pas tolérer les exactions de ces criminels et la préparation d'actes terroristes qui visent notre territoire.
Nous savons aussi – l'histoire nous l'a enseigné – que c'est de la conduite de la guerre qu'émergent et naissent les conditions de la paix.
M. Claude Goasguen. Trois ans de retard !
M. Bruno Le Roux. Il faut se méfier des initiatives qui, sous couvert d'action, conduisent à des impasses et rendent impossible une solution politique. Il faut se méfier des arrières pensées qui, sous prétexte de nous aider à combattre sur un front, renforceraient l'autre et condamneraient la paix. Devant les Nations unies, le Président de la République a réaffirmé nos positions, en affirmant notamment que rien ne pouvait être engagé qui viendrait absoudre le pouvoir syrien de ses crimes.
Aujourd'hui sur le théâtre des opérations, pour paraphraser François Mitterrand et Laurent Fabius, les paroles sont à l'est, tandis que les actes, eux, sont conduits par l'ouest. Le Président a annoncé le déploiement de nos forces aériennes dans le ciel syrien. Nous étions déjà présents en Irak ; nous sommes désormais actifs en Syrie pour combattre Daech, et je tiens à rendre hommage à l'action courageuse de nos soldats, qui se battent aujourd'hui contre le terrorisme. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire ici une nouvelle fois comment la France conduit ses actions militaire et diplomatique pour éradiquer Daech et permettre la perspective d'une stabilité politique et démocratique dans la région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Yves Fromion. C'est un fiasco !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Le Roux, chacun, sur ces bancs, partage, j'en suis convaincu, la même conviction, que vous venez très justement d'exprimer : cette guerre qui déchire la Syrie depuis quatre années et demie doit cesser. Son bilan, à ce jour, est le suivant : 250 000 morts, au moins quatre millions de réfugiés, un pays brisé, un Moyen-Orient en ébullition et Daech, qui étend tous les jours son emprise mortelle et qui nous menace directement depuis ses sanctuaires de l'est de la Syrie.
Monsieur le président, vous me demandez comment la France agit, et vous avez raison de rappeler les propos tenus par le Président de la République il y a quarante-huit heures à New York. Notre politique, c'est la constance, c'est la cohérence et c'est la mise en lumière de ce qui est nécessaire, de ce qui est possible et de ce qui est aussi inacceptable. La politique de la France à l'égard de la Syrie est caractérisée par une triple détermination. Notre politique, c'est d'abord une action militaire en Syrie pour frapper Daech là où se préparent les attentats qui nous visent, au nom même de la légitime défense. Le Président de la République l'a annoncé le 7 septembre dernier ; je me suis exprimé devant votre assemblée, au nom du Gouvernement, le 15 septembre. Les opérations de survol étaient le prélude à des frappes. Ces dernières ont débuté dimanche dernier, lorsque nos appareils, après l'avoir localisé, ont frappé un camp d'entraînement de Daech. Nous continuerons ces opérations aussi longtemps que nécessaire et nous les conduirons avec une complète autonomie d'action. Je veux à mon tour rendre hommage à nos soldats et à nos pilotes qui participent à ces opérations. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Mais soyons clairs : si l'action militaire est nécessaire, elle ne peut se suffire à elle-même. Aussi notre politique réside-t-elle dans la recherche inlassable, acharnée, d'une solution pour la Syrie, qui passe par une transition politique. Soyons clairs : cette transition ne peut pas passer par Bachar al Assad, comme le Président de la République l'a rappelé devant l'Assemblée générale des Nations unies. J'entends certaines voix affirmer qu'il suffit de suivre les Russes, c'est-à-dire de traiter avec Assad, et que l'affaire, ainsi, serait réglée. Mais qui peut penser un seul instant que celui qui est responsable de tant de désastres puisse incarner l'avenir de son pays ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Qui peut penser que le principal responsable du problème puisse faire partie de la solution ? Comment peut-on soutenir un retour au statu quo d'avant-guerre sous prétexte que l'alternative à un tyran serait pire ?
M. Christian Jacob. Vous êtes inaudibles !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Réhabiliter al Assad, ce serait déjà une faute morale, mais surtout, cela nous condamnerait à l'immobilisme car les Syriens eux-mêmes ne pourraient l'accepter, et aucun des pays arabes sunnites autour de la région ne pourrait y consentir.
C'est pourquoi la France redouble d'efforts, parce que l'impasse n'est pas une option.
M. Christian Jacob. Vous êtes inexistants !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela consiste à discuter avec tous, avec les Russes, comme le fera le Président de la République, lorsqu'il recevra le président Poutine en fin de semaine, avec l'Iran – le Président de la République l'a fait encore, à New York, et il accueillera le président Rohani mi-novembre – et avec tous les pays arabes impliqués dans la crise syrienne. Je me rendrai moi-même dans la région avec le ministre de la défense dans une dizaine de jours.
Mais – pourquoi le cacher ? – discuter, ce n'est pas suivre aveuglément, ne pas être d'accord, ce n'est pas être à la traîne, comme j'ai pu l'entendre ici ou là. Nous ne sommes pas d'accord avec la Russie. La transition en Syrie ne peut être un emplâtre autour de Bachar al Assad. Mais il nous faut continuer le dialogue avec encore plus d'intensité. C'est le sens même de la diplomatie, c'est notre devoir.
Enfin, notre politique – l’Union européenne a d'ailleurs pris un certain nombre de décisions qui vont dans le bon sens – consiste, bien sûr, à faire face à la crise des réfugiés, à apporter de l'aide aux pays en première ligne, au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – le HCR – et au Programme alimentaire mondial – le PAM.
La France n'est pas isolée. Dans l'Orient compliqué, évitons les simplismes, évitons les caricatures, et sachons nous élever à la hauteur de la gravité de la situation.
M. Philippe Meunier. On voit le résultat !
M. Yves Nicolin. Donneur de leçons !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Notre diplomatie, nos armées sont à l'initiative et, dans ce moment-là, nous avons besoin d'unité et de rassemblement, car la voix de la France se fait entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Auteur : M. Bruno Le Roux
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er octobre 2015