Question au Gouvernement n° 3171 :
Moyen-Orient

14e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 7 octobre 2015


POSITION DE LA FRANCE DANS LE CONFLIT SYRIEN

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, la guerre en Syrie dure depuis quatre ans. Outre des centaines de milliers de morts, on dénombre au moins quatre millions de réfugiés, dont deux en Turquie, qui vivent dans des conditions épouvantables ; des centaines de milliers d'entre eux s'apprêtent à venir en Europe, via la Turquie.

Dans ce contexte, nos concitoyens espéraient beaucoup des rencontres de New York la semaine dernière, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, entre le président de la République française et, en particulier, les principaux responsables américains, russes et iraniens. Ces rencontres ont bien eu lieu mais quel en est le résultat ? Comme à son habitude, François Hollande a choisi de coller à Barack Obama (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen)

M. Jacques Myard et M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Jean Glavany. Vous souhaiteriez qu'il colle à Poutine ?

M. Pierre Lellouche. …et continue d'exiger le départ du président syrien Bachar Al Assad comme préalable à quelque négociation que ce soit, ce qui condamne naturellement toute perspective de règlement diplomatique.

Mieux – c'est un fait sans précédent – le Quai d’Orsay vient de saisir la justice française en accusant explicitement le dirigeant syrien de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, ce qui ferme définitivement la porte à toute négociation avec le régime. Pendant ce temps, les Russes bombardent et, comme on pouvait s'y attendre, les premiers incidents aériens ont commencé, hier, avec la Turquie, alliée de l'OTAN dont, néanmoins, la politique en Syrie est des plus troubles. Dans ces conditions, la guerre ne peut que continuer et s'étendre. L'État islamique, lui, se renforce chaque jour davantage et étend son influence en direction de l'Irak et du Golfe.

Face à cette poudrière, la politique de la France est devenue – pardonnez-moi – parfaitement illisible. Tout semble se passer entre Russes et Américains, tandis que nous paraissons totalement alignés, et sur Washington, et sur Riyad, alors que la diplomatie française devrait au contraire s'efforcer de rassembler tous les grands acteurs pour trouver une solution. D'où cette question que je vous pose solennellement au nom des Républicains : pouvez-vous nous expliquer ce que vous êtes en train de faire et où vous essayez de conduire notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Lellouche, la France est indépendante, j'insiste sur ce mot. Nous sommes indépendants des États-Unis (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), nous sommes indépendants de la Russie, mais nous ne sommes pas indépendants de l'intérêt de la France et des Français : telle est notre ligne directrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Notre objectif est, premièrement, de frapper le groupe terroriste Daech. Nous l'avons fait en Irak, depuis maintenant un an, nous le faisons depuis quelques semaines en Syrie, dans le cadre de la légitime défense.

Deuxièmement, nous voulons obtenir l'arrêt des bombardements à la dynamite de Bachar Al Assad à l'encontre de la population civile ; une résolution sera déposée en ce sens.

Troisièmement, comme il n'y a pas seulement une action militaire à mener mais, évidemment, une action politique, nous entendons plaider pour la transition politique et, oui, monsieur Lellouche, pour faire en sorte qu'in fine, M. Bachar Al Assad ne soit plus aux responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cela pas seulement pour une raison morale, parce qu'il est responsable de 80 % des 250 000 morts de Syrie, ce dont il faut tout de même se rappeler (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants), mais aussi pour des raisons d'efficacité. En effet, si l'on prétend comprendre la situation en Syrie – comme vous vous y employez, à juste titre –, il faut bien avoir conscience que le meilleur aliment du terrorisme, ce sont les exactions menées depuis quatre ans par M. Bachar Al Assad, et qu'il n'est pas possible que le bourreau d'un peuple soit proposé comme étant l'avenir de ce peuple. (Mêmes mouvements.)

C'est de cela, monsieur Lellouche, que nous discutons avec l'Iran dont nous avons rencontré les représentants à New York, avec les États-Unis d'Amérique que j'ai rencontrés par l'intermédiaire de M. Kerry, avec le président Poutine qui était en France, avec les Arabes, avec les Turcs, avec l'ensemble des parties prenantes car nous croyons, nous, envers et contre tout, à la nécessité de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères

Ministère répondant : Affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 octobre 2015

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