Question au Gouvernement n° 3271 :
Djibouti

14e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 2015


MORT DU JUGE BORREL

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le Premier ministre, le 19 octobre 1995, il y a tout juste vingt années, Bernard Borrel, ancien procureur de la République à Lisieux, en poste à Djibouti depuis 1994, était retrouvé mort, carbonisé. Son cadavre gisait calciné aux pieds d'une falaise à quelques kilomètres de Djibouti.

Tout fut fait dans un premier temps par les autorités djiboutiennes, sans résistance aucune des autorités françaises, pour accréditer la thèse du suicide. Dans ce qu'il faut bien appeler une affaire d'État, il fallut obtenir le dessaisissement des premiers juges. Il est aujourd'hui acquis, sans contestation possible, que le procureur Borrel a été assassiné.

Des mandats d'arrêt ont été émis, tant par la cour d'appel de Versailles que par les nouveaux juges d'instruction contre différentes personnalités djiboutiennes et tunisiennes.

La République, monsieur le Premier ministre, se doit de protéger ses magistrats ; elle se doit de protéger ses procureurs, elle se doit de protéger ses juges. Or aucun document n'a été déclassifié ni même retrouvé pour la période comprise entre le mois d'octobre 1995, date de l'assassinat, et les deux années qui suivirent, alors que différents témoins ont affirmé l'existence de notes sur les circonstances du décès.

De même, tous les documents concernant l'actuel Président de la République de Djibouti ont été déclarés incommunicables.

La France va-t-elle enfin résister à la raison d'État et ordonner la déclassification de tous ces documents couverts par le secret d'État ?

Par ailleurs, les élèves de l'école nationale de la magistrature, dont Bernard Borrel sortit major, ont décidé que l'une de leurs promotions porterait son nom.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Alain Tourret. Vingt ans après son assassinat, serait-il possible, monsieur le Premier ministre, de saisir M. le Président de la République pour qu'enfin on honore un magistrat assassiné qui est mort pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je veux d'abord excuser Christiane Taubira, retenue pour des raisons personnelles.

Il y a vingt ans, vous l'avez dit, le 19 octobre 1995, le corps de Bernard Borrel, magistrat détaché en qualité de conseiller technique auprès du ministre de la justice de la République de Djibouti, était retrouvé en contrebas d'une route dans la région de Djibouti. L'enquête diligentée sur place concluait à un suicide par immolation.

Mais le 7 décembre 1995, le procureur de la République de Toulouse, lieu de domiciliation de la famille Borrel, requérait l'ouverture d'une information judiciaire en recherche des causes de la mort.

Le 3 mars 1997, Mme Élizabeth Borrel, veuve de l'intéressé, déposait plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des magistrats instructeurs de Toulouse du chef d'assassinat.

Depuis le début de cette enquête, confiée à des juges d'instruction indépendants, de multiples investigations ont été menées sans interruption pour la manifestation de la vérité. Elles ont d'ailleurs permis d'ouvrir la piste criminelle.

Cette instruction est conduite, monsieur le député, en toute transparence, puisque les parties ont accès à l'intégralité des actes d'enquête versés au dossier.

Il n'appartient pas au Gouvernement, vous le savez, de commenter une instruction en cours. Il veille à ce que les magistrats en charge de cette enquête disposent des moyens indispensables pour la conduire dans les meilleures conditions et à ce qu'ils accèdent aux pièces nécessaires.

Vous l'avez dit, monsieur le député, la disparition d'un magistrat en exercice est un fait particulièrement grave. Cette enquête, qui met en jeu des parties étrangères sur des faits anciens, est évidemment complexe. Elle doit se poursuivre en toute indépendance pour que la vérité éclate dans cette affaire qui dure depuis trop longtemps. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Relations avec le Parlement

Ministère répondant : Relations avec le Parlement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 octobre 2015

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