manifestations
Question de :
Mme Isabelle Attard
Calvados (5e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 2015
MORT DE RÉMI FRAISSE
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.
Mme Isabelle Attard. Rémi Fraisse a été tué, il y a un an déjà.
Pour beaucoup d'entre nous, il y aura un avant et un après ce 26 octobre 2014.
Rémi Fraisse a été tué, sa famille et ses proches sont toujours en deuil. Nous ne pouvons pas réparer le mal qui leur a été fait. Nous ne pouvons que faire œuvre de justice.
Faire œuvre de justice, c'est répéter que Rémi Fraisse était pacifiste.
Faire œuvre de justice, c'est aussi rendre son corps à sa famille, pour qu'un an après, elle puisse enfin lui dire adieu.
Faire œuvre de justice, c'est enfin demander des comptes à nos enquêteurs. Le journal Le Monde relevait cette semaine les incohérences découvertes lors de l'enquête : témoignages contradictoires accablants des gendarmes, enquête citoyenne de la Ligue des Droits de l'Homme ignorée, …
M. Franck Gilard. Qu'est-ce qu'une « enquête citoyenne » ?
Mme Isabelle Attard. …préfet non auditionné par la justice.
Monsieur le ministre de l'intérieur, pourquoi n'y a-t-il pas eu d'acte d'enquête depuis le mois de mars, alors que la responsabilité des forces de l'ordre dans la mort de Rémi Fraisse est avérée ? Le Président de la République s'est pourtant engagé à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
Rémi Fraisse a été tué, nous ne le ferons pas revenir. Nous pouvons cependant faire en sorte que plus jamais, un jeune désarmé ne soit victime de la force publique.
Monsieur le ministre, nous avions cru que la mort de Vital Michalon, le 31 juillet 1977 à Creys-Malville, avait marqué la fin de l'utilisation des grenades offensives. Quarante ans plus tard, la leçon n'a pas été retenue. Quelles mesures avez-vous prises pour interdire définitivement ces armes ?
Rémi Fraisse a été tué, nous honorons sa mémoire. Les renoncules se sont répandues sur les réseaux car nous n'oublierons jamais à quel point son engagement citoyen et pacifiste était sincère. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
Un député du groupe Les Républicains. Tonnerre d'applaudissements !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la députée, je voudrais tout d'abord, un an après la mort de Rémi Fraisse, m'associer à l'émotion dont vous venez de témoigner par votre question et dire ce que j'avais déjà eu l'occasion d'indiquer ici il y a un an : lorsqu'un jeune garçon de 21 ans meurt dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre où il y a de la violence, c'est un échec, dont il faut tirer toutes les conclusions.
La vérité, que vous appelez de vos vœux madame Attard, exige une grande rigueur intellectuelle. Je voudrais par conséquent vous apporter quelques éléments de réponse précis.
Vous me demandez quels enseignements ont été tirés de ce tragique événement. J'ai commandé immédiatement après la mort de Rémi Fraisse une enquête à l'Inspection générale de la Gendarmerie nationale et, au terme de cette enquête, j'ai décidé d'interdire définitivement l'utilisation des grenades offensives. (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Pourquoi dire dans votre question qu'aucune conclusion n'a été tirée et que ces grenades ne sont pas encore interdites, alors que j'ai pris la décision de les proscrire il y a un an ?
Lorsque l'on cherche la vérité, on s'exprime dans la question que l'on pose avec la plus grande rigueur.
Deuxièmement, vous faites comme si l'enquête judiciaire était déjà conclue. Mais il y a des magistrats indépendants qui enquêtent, il y a des magistrats indépendants qui auditionnent et j'ai indiqué, dès les premières heures après la mort de Rémi Fraisse, que l'ensemble de mes services se tenaient à la disposition de la justice pour que toute la vérité soit faite et je le confirme solennellement devant l'Assemblée nationale.
Enfin, je pense comme vous que la vérité est nécessaire. Mais la vérité, c'est une exigence éthique, c'est une dignité. C'est une obligation faite à soi-même, à chaque instant, que d'aller chercher la vérité et de ne jamais l'instrumentaliser à des fins politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
Auteur : Mme Isabelle Attard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 octobre 2015