fonctionnement
Question de :
M. Henri Guaino
Yvelines (3e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 2015
FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Guaino, pour le groupe Les Républicains.
M. Henri Guaino. Ma question s'adressait à Mme le garde des Sceaux, qui ne daigne plus venir devant cette Assemblée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Je voulais lui dire ceci.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de mon cas personnel.
Après tout, un juge d'instruction qui démontre, affaires après affaires, qu'il est indigne d'exercer ses fonctions, cela se voit bien souvent.
Après tout, des juges infâmes qui rendent un jugement inique, ce n'est pas la première fois dans l'histoire judiciaire et pas la dernière sans doute. Mais quand ces comportements deviennent habituels, il faut s'inquiéter pour nos libertés.
Écoutes incontrôlées, perquisitions sans raison, violation du secret de l'instruction et du secret professionnel des avocats, instrumentalisation de la presse, instructions à charge, mises en examen injustifiables, mépris de la Constitution, mépris de la loi, mépris des victimes, abus de pouvoir, voilà le visage d'une justice qui ne mérite plus son nom !
L'indépendance de la justice ne donne pas au juge le droit de juger selon ses caprices, ses préjugés, ses rancœurs.
M. Razzy Hammadi. C'est le « J'accuse » de Guaino.
M. Henri Guaino. Dans la magistrature, comme partout ailleurs, il y a des gens qui honorent leur fonction et il y a aussi des pervers, des psychopathes, des militants aveuglés par leur idéologie, des gens auxquels l'ivresse de leur toute-puissance fait perdre tout discernement (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)
Qui sanctionne leurs fautes quand eux, qui jugent tous les autres, se jugent eux-mêmes au sein d'un corps que vous laissez dévaster par le syndicalisme et le corporatisme en faisant de la magistrature une clientèle ? (Mêmes mouvements.)
« Circulez, il n'y a rien à voir ! » « Faites donc un recours ! »
En attendant, qui répare les vies brisées, les réputations détruites des innocents traînés dans la boue ?
Et, pendant ce temps, les trafiquants et les voyous sont en liberté. Tout est normal ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
L'État est condamné pour faute lourde à cause d'une instruction conduite de façon scandaleuse et le juge est promu. Tout est normal !
Le juge de l'affaire d'Outreau est promu à la Cour de cassation. Tout est normal ! (Mêmes mouvements.)
L'institution judiciaire couvre la fraude à la loi pour la PMA et la GPA. Tout est normal !
Des juges politisés sont prêts à devancer tous vos souhaits sans que vous ayez à le leur demander. Tout est normal ! (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Le tumulte couvre les propos de l'orateur.)
Des Fouquier-Tinville au petit pied croyant siéger au tribunal révolutionnaire se prennent…
Plusieurs députés du groupe SRC. Ça suffit !
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Guaino.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, si Christiane Taubira n'est pas présente au sein de cet hémicycle, c'est qu'elle se trouve en Guyane pour assister à l'inhumation d'une proche parente. Voilà pourquoi elle n'est pas là. Dans le cas contraire, elle vous aurait répondu avec la conviction et la force que vous lui connaissez.
Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Honte à vous, monsieur Guaino !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Si je peux parfaitement comprendre vos sentiments profonds, monsieur le député, je ne peux en revanche pas accepter ici, dans cet hémicycle, les mots que vous avez utilisés ni la mise en cause de la magistrature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste. - « Dérapage ! », « Inadmissible ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Bien sûr, monsieur Guaino, un magistrat, comme un haut fonctionnaire, un policier, un responsable public est évidemment responsable de ses actes. Vous avez d'ailleurs cité une affaire qui a donné lieu à une commission d'enquête animée par deux parlementaires qui siègent ou siégeaient dans cette Assemblée.
Mais, précisément, au nom même des valeurs de la République – que vous partagez par ailleurs –, au nom même de l'idée de la séparation des pouvoirs, le respect de l'indépendance de la justice et des hommes et des femmes qui font la magistrature s'impose.
Leur mise en cause dans cet hémicycle par un député comme vous, avec la notoriété qui est la vôtre, revient à affaiblir l'État de droit (Applaudissements sur les mêmes bancs), la République, les fondements qui sont les siens ainsi que ses valeurs (Mêmes mouvements.)
Parce que vous êtes précisément attaché à ces valeurs, je vous en conjure, monsieur le député, abandonnez ce discours, reprenez vos esprits et revenez sereinement au cadre républicain, soit, au respect des pouvoirs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)
Auteur : M. Henri Guaino
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 octobre 2015