Question au Gouvernement n° 3288 :
fonctionnement

14e Législature

Question de : M. Luc Chatel
Haute-Marne (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 4 novembre 2015


INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Chatel, pour le groupe Les Républicains.

M. Luc Chatel. Monsieur le Premier ministre, semaine après semaine – et vous l'avez encore fait il y a quelques minutes –, vous vous indignez dans cet hémicycle, en vous référant aux valeurs de la République.

M. Marcel Rogemont. Il y a de quoi !

M. Luc Chatel. Je vais vous donner l'occasion, monsieur le Premier ministre, de mettre en concordance vos paroles et vos actes, en vous posant trois questions.

La première concerne l'égalité de traitement entre tous les justiciables. Pouvez-vous nous garantir, monsieur le Premier ministre, que dans l'affaire dite « Air Cocaïne » (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), tous les clients de la compagnie aérienne mise en cause ont été traités de la même manière, c'est-à-dire qu'ils ont vu pendant plusieurs mois leurs factures étudiées et leur géolocalisation activée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.) J'imagine que vous êtes sensible au principe d'égalité de traitement.

Ma deuxième question concerne le droit de la défense. Monsieur le Premier ministre, le bâtonnier de Paris a-t-il été informé, comme la loi le prévoit, qu'on étudiait les fadettes d'un avocat au barreau de Paris, Nicolas Sarkozy ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Je vous pose la question.

Ma troisième question concerne l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. Monsieur le Premier ministre, votre garde des sceaux a indiqué dimanche qu'elle était informée de cette enquête par un rapport du procureur général. Que savait-elle ? Que saviez-vous, monsieur le Premier ministre, de la géolocalisation du chef de l'opposition ? Que savait le Président de la République de la géolocalisation du chef de l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Dans quelle démocratie vivons-nous ?

Les Français se posent ces questions, monsieur le Premier ministre, et nous attendons vos réponses, parce que cette affaire pourrait très vite devenir une affaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous m'interrogez sur une enquête judiciaire en cours, et vous connaissez parfaitement la réponse du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Elle est d'ailleurs inlassablement répétée par Mme la garde des sceaux, actuellement retenue au Sénat par la défense de son projet de loi sur la réforme de la justice. Cette réponse n'a pas changé, et elle ne changera pas sous ce quinquennat, monsieur Chatel.

M. Christian Jacob. Enfumeur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous n'intervenons pas dans les affaires individuelles. (Mêmes mouvements.)

M. Michel Herbillon. Personne ne vous croit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous ne donnons aucune instruction et laissons au parquet le soin d'apprécier l'opportunité d'informer ou non la chancellerie avec discernement et rigueur.

M. Jean-Pierre Gorges. Baratin !

M. Philippe Cochet. Vous êtes des barbouzes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Bien entendu, monsieur le député, et c'est heureux, le parquet général d'Aix-en-Provence a jugé opportun de signaler l'affaire dite « Air Cocaïne » aux services de la chancellerie, en raison de sa gravité, de sa complexité et de sa dimension internationale. Ce faisant, il a agi comme l'aurait fait tout autre parquet général. C'est ainsi que la garde des sceaux est tenue informée des évolutions les plus importantes des affaires les plus graves, et seulement de cela, ce qui change considérablement, monsieur le député, par rapport à la pratique observée sous le précédent quinquennat. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Vous ne répondez pas à la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le nombre d'affaires suivies par la direction des affaires criminelles et des grâces a considérablement baissé, puisqu'il est passé d'environ 13 000 en 2012 à 5 690 au 30 septembre 2015.

M. Bernard Deflesselles. Lamentable !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, bien que l'affaire dite « Air Cocaïne » ait été suivie par les services de la chancellerie, il s'avère en revanche que les actes décidés par le juge d'instruction de Marseille et relatifs à M. Nicolas Sarkozy dans cette même affaire n'ont, quant à eux, aucunement été portés à la connaissance du ministère de la justice par le parquet général d'Aix-en-Provence, ce qui est logique. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous pourriez m'écouter, puisque vous me posez des questions…

M. Michel Herbillon. Personne ne vous croit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela est logique, disais-je, puisque ces actes n'ont manifestement pas apporté d'éléments de nature à permettre à l'enquête de progresser.

M. Philippe Cochet. République bananière !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour le reste, monsieur le député, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, il n'appartient pas au pouvoir exécutif de commenter les mesures judiciaires en cours…

M. Philippe Meunier. Vous ne vous en tirerez pas comme cela !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …ni de se prononcer sur l'opportunité des actes accomplis. Pour ce faire, et je me permets de vous le rappeler, il existe des procédures, des institutions, des voies de recours. La justice est indépendante – je vous le rappelais tout à l'heure, même si vous le contestez. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Et j'entends, à la place qui est la mienne, qu'elle puisse poursuivre ses missions en toute sérénité, sans aucune intervention, pression ou diversion, de quelque nature qu'elles soient.

M. Patrice Verchère. Elle n'est responsable devant personne !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y va, je l'ai dit tout à l'heure, de l'autorité de l'État. Mais manifestement, quand il s'agit de la restauration de l'ordre républicain et de l'autorité de l'État, vous ne retenez que le premier mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas brillant !

Données clés

Auteur : M. Luc Chatel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 novembre 2015

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