Question au Gouvernement n° 3560 :
droit du travail

14e Législature

Question de : M. Alain Suguenot
Côte-d'Or (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 28 janvier 2016


DURÉE DU TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Suguenot. Monsieur le Premier ministre, rien ne va plus dans le royaume de France ! C'est un peu la cour du roi Pétaud. Où sont les Sully, où sont les Colbert, où sont les Turgot ? Le 22 janvier à Davos, devant le parterre des femmes et des hommes les plus riches du monde, votre ministre, monsieur Macron, annonçait à grands renforts médiatiques que les 35 heures étaient mortes (« Très bien ! » sur divers bancs du groupe Les Républicains), que le taux de majoration des heures supplémentaires n'avait plus lieu d'être et que la prochaine loi sur le travail supprimerait les planchers de majoration… Hourra chez les plus libéraux !

M. Bernard Accoyer. Bravo !

M. Alain Suguenot. Deux jours plus tard, à la lecture du rapport Badinter, vous ajoutiez vous-même à la cacophonie ambiante en indiquant que la durée légale des 35 heures serait inscrite en préambule de la loi – pourquoi pas de la Constitution ?… – et que les heures supplémentaires seraient bien majorées, sans préciser d'ailleurs le nombre d'heures concernées. Cerise sur le gâteau ! La semaine dernière, votre ministre du travail, madame El Khomri, rappelait qu'il n'était pas question de revenir sur la majoration des heures supplémentaires et encore moins d'organiser des référendums d'entreprise.

M. Jean-François Lamour. On n'y comprend plus rien !

M. Alain Suguenot. Et puis patatrac ! Hier, la même ministre indique vouloir intégrer la possibilité d'un référendum contraignant dans les entreprises pour valider les accords sur le temps de travail. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Et le Président de la République dans tout ça ? ! Lors de ses vœux au Conseil économique, social et environnemental, c'est bien ses propres déclarations qui ont ouvert la boîte de Pandore du psychodrame gouvernemental. Dès lors, monsieur le Premier ministre, qui croire ? M. Macron, vous-même ou Mme El Khomri ?

Les Français sont en réalité plus préoccupés, vous en conviendrez, de la crise économique et du chômage grandissant que de la réforme territoriale, de celle du collège ou même de la réforme constitutionnelle. Ils ont bien compris, eux, que les emplois dépendent pour la plus grande part de nos PME, que ce n'est pas l'effet d'aubaine des 2 000 euros dont vous voulez les gratifier pour des emplois souvent précaires qui va changer la donne. Les entreprises demandent de la clarté pour retrouver ce qu'on appelle la confiance, cette confiance qui vous manque tant aujourd'hui.

Monsieur le Premier ministre, ma question est donc simple : serez-vous enfin capable, au bout de quatre ans de gouvernement et bientôt à la veille de l'échéance présidentielle, de redonner un espoir à nos chômeurs ? Êtes-vous enfin à l'écoute et serez-vous capable de modifier de manière substantielle notre code du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous avez raison (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) : il faut restaurer et en permanence entretenir la confiance s'agissant de nos entreprises. C'est le sens du Pacte de responsabilité et de solidarité, du CICE et de la volonté de la majorité, depuis 2012, de leur donner davantage de compétitivité. Je rappelle que durant des années nous l'avons perdue, notamment dans le différentiel avec l'Allemagne, tout en baissant le coût du travail. Il faut en permanence réformer, s'adapter.

Nous avons souhaité engager depuis plusieurs mois la réforme du code du travail – auquel personne ne s'était attaqué depuis de nombreuses années – en partant d'abord des principes. C'est tout le travail que Robert Badinter, avec sans doute les meilleurs experts, a mené. Il est toujours bon de rappeler quels sont les principes et les droits dont les salariés de ce pays doivent bénéficier. Par conséquent, nous les intégrerons dans le texte de loi que prépare Myriam El Khomri.

Un député du groupe Les Républicains. C'est pourquoi elle n'est pas là !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Au-delà du compte personnel d'activité – qui fait l'objet de discussions difficiles avec les partenaires sociaux et je regrette la position prise par le patronat à ce stade, mais je ne désespère pas qu'ils avancent –, l'organisation du temps de travail sera, elle aussi, abordée. Mais, monsieur le député, il y a quelques principes simples, rappelés d'ailleurs par Robert Badinter, et qui font partie du débat d'aujourd'hui, pour demain. Ainsi, faut-il une durée légale, ou « normale », pour reprendre le terme de ces experts, du temps de travail ? Oui ou non ? Nous, nous pensons qu'il en faut une. Aujourd'hui, elle est de trente-cinq heures, hier, elle était de trente-neuf heures, mais il en faut une. Si vous voulez qu'il n'y en ait pas, dites-le – même si vous savez que la durée effective est actuellement de trente-neuf heures. Quant aux heures supplémentaires, doivent-elles être payées davantage que les heures normales ? Oui, c'est un deuxième principe rappelé par Robert Badinter et son comité, et nous sommes attachés à la durée légale du temps de travail fixé aujourd'hui à trente-cinq heures et à la majoration des heures supplémentaires. Par ailleurs, nous souhaitons davantage de souplesse dans l'entreprise.

M. Jean-François Lamour. C'est contradictoire !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le cas de Smart a été de ce point de vue particulièrement intéressant. Mais voilà des sujets extrêmement compliqués, comme la question de la nécessité d'un accord majoritaire ou non. Toutes ces questions ont été abordées par Myriam El Khomri et elle a eu tout à fait raison de rappeler que le référendum pouvait aussi être solution. Par conséquent, les choses avancent, monsieur le député.

Mais, comme je suis très attentif à l'ensemble des publications, et elles sont nombreuses, je remarque de nombreux mea culpa, notamment sur le fait que pendant dix ans, contrairement à ce que vous et les vôtres avez raconté et osez proposé aujourd'hui – même si en l'occurrence je n'ai pas entendu beaucoup de propositions de votre part –, vous n'avez jamais touché aux 35 heures.

M. François Fillon. C'est complètement faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a eu des assouplissements, mais vous n'avez jamais remis en cause ni les 35 heures ni la durée légale du travail. Le problème, ce n'est pas le passé : il s'agit de constater que nous, nous réformons, mais avec des principes et en tenant compte de la situation, et des entreprises pour leur apporter davantage de souplesse et des salariés pour qu'ils aient tous les droits nécessaires. Devant le pays, dites clairement les choses : voulez-vous, oui ou non, remettre en cause la durée légale du temps de travail ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.) Voulez-vous, oui ou non, majorer les heures supplémentaires ? Soyez clairs à votre tour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Alain Suguenot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2016

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