Question au Gouvernement n° 3647 :
États membres

14e Législature

Question de : M. Pierre Lequiller
Yvelines (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 18 février 2016


NÉGOCIATION ENTRE LE ROYAUME-UNI ET L’UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, le Conseil européen de demain doit traiter de la négociation entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne. Sur ce sujet majeur, l'opacité est totale, notamment la vôtre à l'égard de la représentation nationale. En dépit de mes questions multiples à vos ministres en commission, je n'ai pu avoir aucune réponse précise sur la position de la France.

Pour avoir été à cinq reprises à Londres ce dernier semestre à la rencontre du cabinet de David Cameron, de ministres et de députés, dont une fois avec Christian Jacob, le président du groupe Les Républicains, j'insiste sur le risque élevé du out, c'est-à-dire la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. La campagne pour le out au référendum a déjà fortement démarré et les sondages donnent aujourd'hui 56 % en faveur de la sortie. Celle-ci provoquerait une secousse historique d'une rare violence, tant pour le Royaume-Uni, bien sûr, que pour l'Europe et donc pour la France.

Angela Merkel a pris position en toute transparence devant le Bundestag et recherche l'indispensable compromis. Une fois de plus, François Hollande est aux abonnés absents et cultive l'ambiguïté. Il se contente d'affirmer qu'il y a des lignes rouges qui ne sauraient être franchies, sans dire lesquelles. Il faut répondre précisément aux quatre demandes de la Grande Bretagne, dont toute l'Europe discute pourtant. Tout n'est pas acceptable en l'état, mais une négociation consiste à faire des contre-propositions pour aboutir.

Alors, quelle est la position de la France sur chacune de ces quatre demandes ? Approuvez-vous le préaccord présenté par M. Tusk, le président du Conseil européen ? Vous devez enfin à la représentation nationale clarté et transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous réponds bien volontiers, monsieur Lequiller, parce que c'est une manière d'éclairer le Parlement, mais, honnêtement, sur ces questions qui plus est, il me paraît totalement inutile de mettre en cause l'action du Président de la République, surtout à la veille d'un Conseil européen particulièrement important.

Nous entrons dans la dernière ligne droite des négociations. Demain et après-demain se tient à Bruxelles un Conseil européen qui sera notamment chargé de trouver un accord sur la question britannique.

Un accord est-il possible ? Nous le croyons et nous l'espérons, parce que le départ de la Grande-Bretagne serait un choc dont on a du mal à imaginer les conséquences pour l'Europe…

M. Axel Poniatowski. Non.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si, monsieur Poniatowski. Ce serait un choc pour l'Europe mais, surtout, la crise entraînée par le départ de l'un des pays membres changerait le regard que le monde porte sur elle.

Nous espérons qu'il y aura un accord parce que, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer ici même, l'intérêt de l'Europe, l'intérêt de la France, l'intérêt du Royaume-Uni lui-même, c'est que ce dernier reste dans l'Union.

Le paquet proposé par le Président Tusk, en lien avec la Commission européenne, contient des éléments permettant d'avancer et, même si nous ne sommes pas encore au bout de la discussion, de trouver des solutions satisfaisantes pour tout le monde, dans chacun des quatre domaines évoqués par David Cameron lui-même : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et l'immigration. Mais, à la veille de cette échéance importante, je tiens à redire très clairement que la France, et donc le Président de la République, sera particulièrement vigilante sur les deux points les plus difficiles de la négociation, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a déjà eu l'occasion de le souligner.

Nous suivons un principe clair, l'Europe doit demeurer un espace de solidarité entre les États, et l'on ne peut pas choisir à la carte en fonction de ce qui arrange. L'Europe est un tout, que l'on peut adapter mais que l'on ne peut pas aménager uniquement en fonction de ses intérêts propres. Sinon, une ligne est franchie.

Le premier point sur lequel nous serons vigilants, ce sont les relations entre les pays de la zone euro et les autres. Nous pouvons comprendre les demandes britanniques : intégrité du marché intérieur, absence de discrimination ou d'exposition budgétaire des États hors zone euro. Elles sont logiques. Mais, dans le même temps, la zone euro ne doit pas être privée de la possibilité de s'intégrer davantage car elle en a besoin. Je dirai même que toute l'Europe en a besoin au nom de la stabilité financière. Nous veillerons également à garantir l'unité du marché intérieur et des services financiers.

Second point sur lequel nous serons vigilants : la libre circulation, principe fondamental qui ne peut pas être remis en cause, et l'accès aux prestations sociales.

Ce qui est aujourd'hui proposé, c'est de clarifier certaines règles, de lutter contre les abus et d'établir un mécanisme de sauvegarde pour que les États qui subissent un afflux très important de travailleurs d'autres États membres puissent supporter le choc.

Telles sont, monsieur le député, les voies possibles d'un compromis, mais ce compromis se joue à Bruxelles dans les heures qui viennent, avec un double souci pour le Président de la République, préserver les intérêts de l'Europe et ceux de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen ainsi que sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Lequiller

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2016

partager