protection
Question de :
M. Christophe Priou
Loire-Atlantique (7e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 9 mars 2016
PRÉJUDICE ÉCOLOGIQUE
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe Les Républicains.
M. Christophe Priou. Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, le Gouvernement a nuitamment introduit en catimini, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité, un amendement remettant en cause la notion de préjudice écologique, noyé dans un texte de soixante-quatorze articles. Cet amendement a été précipitamment retiré. On peut néanmoins s'interroger sur les intentions premières du Gouvernement.
Ne croyez-vous pas que tenter d'effacer le principe du pollueur-payeur revient à donner un chèque en blanc à tous ceux qui auront peu de scrupules à prévenir le risque de pollution lié à leurs activités ? C'est un coup dur après une bataille de quinze années, suite aux naufrages de l'Erika puis du Prestige. Ce combat juridique avait abouti, en septembre 2012, à une décision de la Cour de cassation reconnaissant le préjudice écologique.
En mai 2013, à l'initiative du sénateur Bruno Retailleau, le Sénat a voté à l'unanimité une proposition de loi visant à inscrire le préjudice écologique et son indemnisation dans le code civil. Mon collègue Alain Leboeuf et moi-même avons déposé en janvier 2013 une proposition de loi similaire, conforme au texte adopté au Sénat – un article unique, trois alinéas. Elle n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour car la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, avait promis début 2013 de présenter un texte relatif à la responsabilité civile environnementale avant la fin de l'année. Christiane Taubira annonçait à nouveau un texte en février 2015. On attend toujours.
C'est un recul environnemental majeur porté par votre gouvernement, monsieur le Premier ministre. Si c'est une erreur, elle est dommageable. Si c'est une stratégie, elle est pitoyable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Ségolène Royal, qui participe au sommet franco-italien.
Je vous rassure (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants) : le principe du pollueur-payeur n'est pas en danger. Il a d'ailleurs, je vous le rappelle, une valeur constitutionnelle. De même, les procédures qui existent aujourd'hui pour permettre aux personnes physiques, aux entreprises et aux collectivités de demander réparation des préjudices qu'elles subissent ne sont aucunement remises en cause.
Ce que nous sommes en train de faire, monsieur le député, c'est d'inscrire dans notre législation un nouveau droit. Le préjudice écologique est le droit que nous reconnaissons à la nature de voir réparées ou compensées les conséquences d'atteintes à l'environnement. Il s'agit d'un principe très important introduit dans le projet de loi relatif à la biodiversité à l'initiative d'un sénateur qui a connu, comme vous, monsieur Priou, l'expérience du drame de l'Erika. Le Gouvernement veut garantir dans la loi cette avancée pour l'écologie, qui est aujourd'hui jurisprudentielle. La définition et la portée de la notion de préjudice écologique doivent permettre de compenser réellement d'éventuels préjudices, tout en garantissant aux entreprises un cadre juridique clair.
L'amendement gouvernemental déposé pour préciser la rédaction du Sénat a donné lieu à des interprétations divergentes et suscité des inquiétudes fortes. Ségolène Royal et moi-même n'entendons ni dramatiser, ni ignorer ces inquiétudes. C'est pourquoi l'amendement a été retiré, ainsi que tous les autres amendements parlementaires, afin de lever toute ambiguïté et de prendre le temps de préparer, en lien avec les parlementaires impliqués sur ce sujet, une rédaction qui lève toute ambiguïté et qui sera présentée lors de la discussion du texte en séance publique.
M. Alain Marty. Bravo !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Nous y parviendrons, dans la sérénité et la concertation. C'est la méthode adoptée par Ségolène Royal depuis la genèse de ce projet de loi, et qui continuera d'être suivie.
M. Jean Glavany. Très bien !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Il n'est pas question d'amoindrir ce droit, qui sera un droit en plus et qui n'en enlèvera aucun. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Auteur : M. Christophe Priou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : Biodiversité
Ministère répondant : Biodiversité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 mars 2016