terrorisme
Question de :
M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 31 mars 2016
RÉVISION CONSTITUTIONNELLE
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, le lundi 16 novembre 2015, lorsque François Hollande a annoncé sa volonté de réformer la Constitution suite aux attentats, je me suis levé pour l'applaudir, comme beaucoup de membres de mon groupe et comme l'immense majorité des parlementaires. Au nom de l'intérêt général et de l'unité nationale, notre groupe a soutenu cette réforme. Nous avons pris nos responsabilités, et nous le ferons chaque fois que les Françaises et les Français devront être protégés contre la menace terroriste.
François Hollande, en annonçant ce matin qu'il renonçait au Congrès, a préféré les intérêts de la gauche à l'intérêt supérieur de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il renonce ainsi à étendre la déchéance de nationalité, mais surtout à adapter le régime de l'état d'urgence, indispensable pendant les attaques terroristes, comme viennent de nous le rappeler, malheureusement, les attentats de Bruxelles.
Le Président de la République porte seul l'échec de cette réforme.
M. Guy Geoffroy. Absolument !
M. Philippe Vigier. En la lançant de manière improvisée, alors même que sa propre majorité refusait de le suivre, il a créé les conditions de son échec et enlisé notre pays dans des débats interminables et stériles. Quatre mois après le discours de Versailles, il n’y a pas de nouvelle possibilité de déchoir un terroriste de sa nationalité et notre régime d'état d'urgence, qui date de 1955, reste inadapté.
Monsieur le Premier ministre, il est urgent de mieux armer notre pays, qui est exposé aux dangers du terrorisme. Il faut s'assurer de l'efficacité de l'état d'urgence, qui doit être mieux contrôlé par le Parlement – vous savez que le groupe UDI est très attaché à cette mesure. Monsieur le Premier ministre, ce qui reste de votre majorité y est-il prêt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, comme vous l'avez rappelé, ce matin, après avoir rencontré les présidents des deux assemblées – le vôtre, Claude Bartolone, et Gérard Larcher –, le Président de la République a en effet décidé de clore le processus de révision constitutionnelle. Il l'avait engagée devant le Parlement réuni en Congrès, le 16 novembre 2015, trois jours après les terribles attentats de Paris et de Saint-Denis, le terrorisme ayant de nouveau frappé la France en faisant 130 victimes et des centaines de blessés.
Ce jour-là, avec vous et d'autres, nous avions dit, de la manière la plus forte, notre volonté de nous rassembler pour faire face au terrorisme, pour combattre le djihadisme et l'islamisme radical, et pour protéger les Français. Nos compatriotes, j'en suis convaincu, se souviennent de notre unité, de nous tous debout. Ce jour-là, nous nous sommes retrouvés derrière la nécessité de l'état d'urgence…
Mme Claude Greff. Pour quels résultats ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour traquer les criminels, démanteler les filières et déjouer les projets d'attentats sur notre sol, ce que la police, la gendarmerie et les services de renseignement font pratiquement tous les jours.
Nous nous sommes retrouvés unis…
Mme Claude Greff. Non ! Pas la gauche !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … pour garantir la sécurité de nos compatriotes. Ce jour-là, nous savions tous qu'il fallait intensifier les frappes militaires contre l'État islamique, pour détruire ses bastions au Levant, en Syrie comme en Irak.
M. Guy Geoffroy. Heureusement qu'il y a les Russes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce jour-là, à Versailles, monsieur le président Vigier, nous étions tous rassemblés, offrant l'image de responsables politiques, de la majorité et de l'opposition, de tous les groupes, unis et soudés autour du seul objectif qui vaille : protéger les Français.
Quatre mois après, cette unité n'est plus au rendez-vous. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Lellouche. À qui la faute ?
M. le président. Monsieur Lellouche, s'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous le dis sincèrement : c'est un immense regret. Comment ne pas déplorer cette incapacité à nous rassembler et à nous mettre à la hauteur de l'attente et de l'exigence des Français ?
M. Sylvain Berrios. C'est toujours pareil !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette exigence, chacun d'entre vous, chacun d'entre nous, en janvier comme en novembre 2015, l'a exprimée. La droite sénatoriale s'oppose à une mesure que les Français ont parfaitement comprise (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) :…
Mme Claude Greff. Mais qu'a fait la gauche ?
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, écoutez la réponse !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … l'extension de la déchéance de nationalité pour les terroristes qui prennent les armes pour tuer leurs compatriotes.
Cette mesure avait été voulue par l'opposition. Le Président de la République et l'exécutif, dépassant les frontières partisanes,…
M. Guy Geoffroy. C'est tout l'inverse !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …ont voulu la mettre en œuvre dans un souci d'unité. Elle a coûté à la gauche ! Elle n'a pas été facile à introduire dans les débats ! Je le sais, puisque c'est moi, avec les ministres de l'intérieur et de la justice, qui avons mené la discussion.
M. Guy Geoffroy. C'est un échec !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette main tendue a été refusée au Sénat. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Mme Claude Greff. Ce n'est pas vrai ! C'est la gauche !
M. le président. Madame Greff, s'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le regrette amèrement. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Comment les Français pourraient-ils le comprendre, alors qu'à l'Assemblée nationale une majorité des trois cinquièmes…
M. Guy Geoffroy. Il ne s'agit pas du même texte !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … s'était dégagée aussi bien sur l'article 1er relatif à l'état d'urgence que sur l'article 2 concernant la déchéance de nationalité ? Sur tous les bancs, malgré des camps politiques eux-mêmes divisés sur cette question, nous avions réussi à obtenir ici, dans cet hémicycle, une majorité des trois cinquièmes.
Mme Claude Greff. Grâce à nous !
M. Guy Geoffroy. Mais ce n'était pas le même texte !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous le dis sincèrement : nous avons raté (« Vous avez raté … » sur les bancs du groupe Les Républicains) cette opportunité, et je connais parfaitement le jeu politique qui va consister à se renvoyer en permanence la responsabilité. (Mêmes mouvements.)
M. Yves Fromion et M. Pierre Lellouche. C'est la faute du Président ! La faute de M. Hollande !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ici, à l'Assemblée nationale, une majorité des trois cinquièmes avait été trouvée. Le Sénat et sa majorité ne l'ont pas voulue et ils n'ont pas réussi à l'obtenir. Il était donc impossible, à cause des différences de points de vue, d'aller plus loin sur cette question de la déchéance.
M. Pierre Lellouche. C'est malhonnête !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais j'ai une conviction : quoi qu'il arrive, nous devons continuer à faire face ensemble. Comme je l'ai dit hier, face à l'islamisme radical, face au terrorisme, face à la menace qui n'a jamais été aussi élevée – le ministre de l'intérieur l'a rappelé hier –, nous n'avons pas cessé d'armer le pays, pour reprendre vos mots, monsieur le député, et nous continuerons de le faire.
M. Guy Geoffroy. Assumez vos boulettes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Deux lois antiterroristes ont été votées : l'une en décembre 2012, par une grande majorité de cette assemblée ; l'autre, présentée par Bernard Cazeneuve en décembre 2014. Avant même les attentats de janvier 2015, nous avions considérablement augmenté les moyens pour la police, la gendarmerie, les forces armées et les services de renseignement. J'ai mené une réforme de ces services, lesquels avaient été malmenés et étaient en difficulté à cause de la suppression des renseignements généraux, sur la base d'un rapport bipartisan, rédigé par Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère.
M. Christian Jacob. Et nous l'avons votée, mais pas votre majorité !
M. Yves Censi. Rassemblez la majorité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons continué après les attentats de janvier, puis après ceux de novembre, à donner plus de moyens aux forces de sécurité de ce pays. Nous continuerons ! Face à la menace terroriste, face à cette guerre qu'on nous mène, nous devons être à la hauteur des exigences.
M. Sylvain Berrios. Ça suffit !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous aurions pu l'être, en menant cette réforme constitutionnelle. Certains ne l'ont pas voulu. Mais l'exigence de rassemblement et de protection des Français demeure, quant à elle, intacte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et quelques bancs du groupe écologiste.)
M. Sylvain Berrios. C'est la honte !
Auteur : M. Philippe Vigier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mars 2016