droits de succession
Question de :
M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 2 juin 2016
RÉGIME DE L'INDIVISION FONCIÈRE EN CORSE
M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, l'État avait décidé, en 1797 – il s'agit tout de même d'une question d'actualité et, quoi qu'il en soit, vous n'y êtes pour rien –, de permettre aux propriétés foncières de notre île de rester en indivision, parce qu'une tradition de successions orales avait créé un désordre considérable dans le foncier insulaire. Cette dérogation s'est prolongée jusqu'à nos jours, et le désordre aussi.
La loi de 2002 relative à la Corse a posé le principe d'un mécanisme de règlement des situations d'indivision et prévu, en contrepartie, la normalisation des droits de succession sur les propriétés foncières à partir de 2018. Mais le nouveau mécanisme, qui devait prendre la forme d'un groupement d'intérêt public, n'a été mis en place qu'en 2009 et n'a jamais bénéficié des dispositions indispensables au titre du droit civil. Aussi, malgré l'excellence du travail accompli, il faudra encore de longues années pour titrer l'essentiel du foncier insulaire.
Par deux fois, le Conseil constitutionnel a censuré les articles de la loi de finances qui repoussaient l'échéance prévue en 2002. Le principe d'égalité exige pourtant de traiter de manière adaptée des situations différentes. Aujourd'hui, le recouvrement des droits de succession sur les biens indivis et non titrés serait insupportable et injuste pour les propriétaires et pratiquement impossible à mettre en œuvre pour l'administration fiscale.
M. Jean Glavany. C'est pourtant ce qui se fait partout ailleurs !
M. Paul Giacobbi. Au-delà de l'enjeu financier, bien plus limité qu'il n'y paraît, cette affaire a, dans notre île, une portée symbolique, qui, habilement – pour ne pas dire perversement – exploitée, peut provoquer un ressentiment profond.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles solutions comptez-vous apporter afin de permettre l'application du principe d'égalité, en tenant compte des réalités objectives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Mme Marie-Arlette Carlotti. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget. Monsieur le député, à l'issue de sa rencontre avec les nouveaux représentants de l'exécutif et de l'assemblée corses, le 18 janvier dernier, le Premier ministre a décidé la création de trois groupes de travail. L'un d'entre eux, que j'ai l'honneur d'animer avec ma collègue Emmanuelle Cosse, porte sur les enjeux fonciers et la lutte contre la spéculation foncière.
Lors de la réunion de lancement du groupe de travail, j'ai entendu nos interlocuteurs – élus locaux et parlementaires – exprimer leurs plus vives inquiétudes quant à l'application du droit commun pour les successions ouvertes en Corse à compter du 1er janvier 2018 et, plus précisément, leurs craintes de voir les indivisions familiales contraintes de vendre leurs biens. Certes, tout cela remonte au fameux « arrêté Miot » du 21 prairial an IX, mais le sujet n'est pas étranger aux enjeux fonciers.
Vous l'avez indiqué, plusieurs mesures sont d'ores et déjà appliquées : les successions sont déclarées dans un délai non de six mois, mais de vingt-quatre mois ; les dépenses engagées pour reconstituer les titres sont déductibles de l'actif successoral ; le Groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse – GIRTEC – a été institué et fonctionne bien.
Ces actions s'inscrivent toutefois dans le long terme et, si elle n'est pas immédiate, l'échéance du 1er janvier 2018 se rapproche. Lors de nos premiers échanges, les élus corses ont proposé de transmettre leurs propositions à nos services afin que nous puissions les étudier. Elles nous ont été transmises il y a quelques jours seulement et font actuellement l'objet d'une analyse au regard des questions constitutionnelles que vous avez soulevées.
Avant la fin du mois de juin, je me rendrai en Corse pour rencontrer les élus locaux ; je suis prêt à vous rencontrer aussi, monsieur le député. Même si le chemin est étroit, en travaillant ensemble, nous devrions trouver une voie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Auteur : M. Paul Giacobbi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Donations et successions
Ministère interrogé : Budget
Ministère répondant : Budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 juin 2016