terrorisme
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 21 juillet 2016
LUTTE CONTRE LE TERRORISME
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe Les Républicains.
M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, pendant près de huit heures hier soir et jusqu'à près de cinq heures ce matin, nous avons débattu des mesures que vous proposez pour protéger les Français face aux attaques terroristes. Je ressors de ce débat avec un sentiment d'amertume, d'indignation et aussi de colère.
Au-delà de votre posture, de votre ton martial, de vos coups de sang, de votre assurance qui confine à l'arrogance, pas le début de commencement de mea-culpa de votre part, de celle du Président de la République ni de votre ministre de l'intérieur !
M. Jean-Paul Bacquet. Soyons sérieux !
M. Yves Nicolin. Pas une fois, vous n'avez formulé le moindre regret pour des mesures que vous n'auriez pas prises et qui auraient pu limiter, prévenir ou empêcher le drame de Nice !
Que proposez-vous aux Français pour les protéger aujourd'hui, en dehors de la prolongation de l'état d'urgence ? Rien.
À situation exceptionnelle, nous proposons des mesures exceptionnelles prises par de nombreux autres pays qui sont tout autant que nous des pays de droit. Permettre le contrôle d'identité par les policiers municipaux : refusé. Permettre à la police municipale de disposer des mêmes armes que la police nationale : refusé. Mettre en place des centres de rétention pour les fichés S : refusé. Expulser de notre territoire national les étrangers condamnés : refusé. Supprimer toute prestation sociale à un terroriste et sa famille : refusé.
M. Pascal Popelin. Arrêtez ! C'est un scandale !
M. Yves Nicolin. Permettre la fouille des véhicules par la police sans réquisition préalable : refusé. Interdire le financement des lieux de culte par des puissances étrangères : refusé. Revoir la loi sur la légitime défense des policiers : refusé. Fermer les mosquées salafistes ou prêchant la haine : refusé. Allonger la durée d'assignation à résidence : refusé. Interdire le retour sur le territoire national de djihadistes binationaux partis à étranger semer la mort : refusé. Supprimer l'automaticité de réduction des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme : refusé.
Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. C'est faux !
M. Yves Nicolin. Réorienter notre politique pour lutter avec la Russie contre l'État islamique : refusé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. le président. S'il vous plaît…
M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, il y a dans le pays une colère qui monte. Entendez-la et agissez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Popelin. Scandaleux !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je l'ai dit hier à la tribune en présentant le projet de loi prorogeant l'application de l'état d'urgence : croyez-vous que le ministre de l'intérieur – parce que j'ai occupé aussi cette fonction, et pour en avoir parlé avec lui, je connais ses réflexions ; que moi-même, en tant que chef du Gouvernement ; et que le Président de la République, bien sûr ; croyez-vous donc que, après les drames que nous venons de connaître, ces victimes, ces corps sur la promenade des Anglais, ces blessés que nous avons vus à l'hôpital de Nice, ces cris de douleur et de colère, nous ne nous interrogeons pas un seul instant ?
Pensez-vous que nous ne nous posons pas de questions, comme tous les êtres humains, sur tout ce qui a ou n'a pas été fait pour empêcher ces drames ? Pour qui nous prenez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Eduardo Rihan Cypel. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Pensez-vous que nous n'avons pas un moment de conscience et que nous ne posons pas de questions fondamentales, comme tous ceux qui ont eu l'occasion de gouverner – je dis bien tous ?
Je me rappelle, moi, du visage du Président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, et j'imagine ce qu'il pouvait endurer, comme le fait aujourd'hui le Président François Hollande, quand, dans la cour des Invalides, il se trouvait face à des cercueils de militaires, à la suite de décisions qu'il avait prises en tant que chef de l'État.
Nous aussi, nous avons évidemment ce questionnement, mais nous savons en même temps que tous les débats que nous avons eus à l'Assemblée nationale, toutes les actions que nous avons engagées et que j'ai rappelées tout à l'heure, je n'y reviens pas, visent et viseront toujours à protéger les Français. Nous sommes engagés et nous engageons tous les moyens, à 100 %, pour protéger les Français.
En même temps, nous leur devons cette vérité que j'ai rappelée : parce que nous avons évalué les risques qui existent, parce que nous avons qualifié la nature de ce terrorisme, de ce djihadisme, de l'islamisme radical, nous sommes plus forts pour pouvoir prendre toutes les décisions.
Il y a un débat dans le pays. Il est légitime. Je pourrais céder – peut-être l'ai-je fait hier, comme nous pourrions tous le faire – à la facilité, qui rejoint là un devoir d'exigence et de vérité, en rappelant ce qui a été fait depuis 2012 comme ce qui n'a pas été fait.
Je pourrais rappeler que certains ont pris la responsabilité de supprimer près de 13 000 postes de policiers et de gendarmes dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), de supprimer les renseignements généraux,…
M. Claude Goasguen. Nous n'étions pas en guerre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …de baisser les moyens de nos forces de sécurité et de nos forces de l'ordre.
Je pourrais le faire. C'est tellement facile, et c'est tellement vrai ! Mais je refuse la facilité et la démagogie.
Précisément parce que notre pays est confronté à un défi, nous devons être exigeants, les uns et les autres. Nous devons être unis, non parce que le Gouvernement souhaiterait l'unité nationale, mais parce que le terrorisme, mettez-vous bien ça dans la tête, veut nous diviser. Il veut nous diviser, nous fracturer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Au lieu de cela, soyons capables de nous rassembler sur l'essentiel. Nous l'avons fait cette nuit en votant à une très large majorité le prolongement de l'état d'urgence, en intégrant au texte des amendements de la majorité comme de l'opposition. C'est cette vision des choses que je veux, parce que je crois, moi, à la noblesse de la politique.
Avec cette action, cette noblesse et ce rassemblement, nous vaincrons le terrorisme. C'est en tout cas ma conception de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Jérôme Lambert. Très bien !
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juillet 2016