Syrie
Question de :
Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 12 octobre 2016
SITUATION EN SYRIE ET ACTION DE LA FRANCE
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis le 19 septembre, la population civile d'Alep est bombardée jour et nuit non seulement par des barils d'explosifs, mais aussi par des bombes incendiaires et au phosphore, et par des bombes anti-bunker, qui tuent jusqu'aux femmes et aux enfants réfugiés dans les caves. Cette guerre abominable vise les écoles, les hôpitaux et les réserves d'eau potable. La famine est utilisée comme arme de combat contre les 275 000 personnes qui restent à Alep, alors que le peuple syrien déplore déjà 300 000 morts, 12 millions de personnes déplacées, sans oublier les tortures, les exécutions arbitraires et les disparitions.
Pour faire cesser cette horreur, vendredi dernier, le Président de la République a mis en question la visite du président Poutine à Paris.
M. Nicolas Dhuicq. N'importe quoi !
Mme Élisabeth Guigou. Le lendemain, au Conseil de sécurité de l'ONU, vous avez, monsieur le ministre, présenté une résolution demandant l'arrêt immédiat des bombardements. Cette résolution a été votée par une large majorité, mais malheureusement, la Russie a mis son veto. À votre retour à Paris, lundi matin, vous avez affirmé que le Président de la République ne recevrait le président russe que pour parler de la Syrie. Devant la fermeté de la France, le président Poutine a préféré reporter sa visite à Paris (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…
M. Jacques Myard. Oh, arrête !
Mme Élisabeth Guigou. …et suspendre ainsi un dialogue qui pourtant doit se poursuivre pour obtenir un cessez-le-feu durable, faire sortir le peuple syrien de ce cauchemar et espérer créer un jour les conditions de la paix.
Dans l'immédiat, chers collègues, nous devons continuer à soutenir les « casques blancs » qui, au prix de leur vie, portent secours aux populations civiles en Syrie. J'espère que nous pourrons les recevoir prochainement, à nouveau, dans notre assemblée. Monsieur le ministre, quelles initiatives prendra la France dans les prochains jours pour faire cesser le martyre d'Alep et renouer le dialogue sur la Syrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la présidente, la France n'a qu'une priorité : mettre un terme au drame insoutenable qui se déroule sous nos yeux à Alep. Voilà la priorité de la France, qui devrait être partagée – je l'espère ! – par toute l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Michel Terrot. Non, non !
M. Claude Goasguen. Ce n'est pas la priorité !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. La France a pris ses responsabilités. Nous avons proposé au Conseil de sécurité une résolution dont l'objectif était simple : la fin des bombardements et l'accès de l'aide humanitaire.
M. Pierre Lellouche. Et vous avez gagné quoi ?
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Nous avons négocié cette résolution de bonne foi. Je suis personnellement allé à Moscou pour en parler directement avec mon homologue, Sergueï Lavrov. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je suis allé à Washington, puis au Conseil de sécurité pour défendre cette résolution, qui a recueilli une large majorité. La Russie s'est trouvée isolée, un seul pays l'a soutenue : le Venezuela. (Mêmes mouvements.)
M. Nicolas Dhuicq. Et alors ?
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Tous les autres pays sont conscients qu'il faut mettre un terme à ce drame. Le choix de la Russie est désastreux car il protège Bachar el-Assad et le conforte dans sa logique meurtrière, et parce qu'il constitue un cadeau – insensé à nos yeux – aux terroristes.
M. Yves Fromion. Quel aveu !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. En effet, ce sont eux, et eux seuls, qui vont profiter de la radicalisation que provoquent ces bombardements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme Danielle Auroi et Mme Michèle Bonneton. Bravo !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Vous posez la question de notre attitude vis-à-vis de la Russie, et vous avez raison. Je ne suis pas partisan d'une rupture avec Moscou (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), je suis partisan du dialogue avec Moscou, et je l'ai montré la semaine dernière. Mais il faut être deux pour dialoguer ! Nous allons poursuivre sur la même ligne : pas de rupture avec Moscou, parce que la rupture n'améliorerait pas les souffrances des habitants d'Alep. Ce que nous voulons, c'est défendre la liberté et la paix en Syrie.
M. Claude Goasguen. Défendre al-Qaïda, défendre les terroristes !
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Je l'ai fait à Moscou. Le président Poutine a pris sa décision, et nous la respectons, mais le dialogue n'est pas rompu. La Russie a pris ses responsabilités : le choix inconditionnel de Bachar el-Assad. Nous avons fait celui de la paix, et j'aimerais bien, mesdames et messieurs de la droite, que vous le fassiez aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Auteur : Mme Élisabeth Guigou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 octobre 2016