construction navale
Question de :
Mme Marie-Odile Bouillé
Loire-Atlantique (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 12 octobre 2016
CHANTIERS NAVALS STX
M. le président. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mme Marie-Odile Bouillé. Monsieur le Premier ministre, nul n'ignore aujourd'hui que les chantiers navals STX de Saint-Nazaire construisent les plus grands paquebots du monde.
M. Jean-Paul Bacquet. C'est vrai !
Mme Marie-Odile Bouillé. Grâce à un carnet de commandes de quatorze navires, les chantiers ont une visibilité à dix ans, ce qui représente des millions d'heures de travail pour les 6 000 personnes sur le site, dont les sous-traitants. C'est là le fruit d'un partenariat industriel durable entre STX France et les principaux armateurs de paquebots, qui s'appuie sur un tissu de PME locales innovantes et un savoir-faire unanimement reconnu.
M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !
Mme Marie-Odile Bouillé. Les chantiers de Saint-Nazaire, fleuron de l'industrie nationale, jouent également un rôle stratégique dans la défense française. Mais nul n'ignore que le chantier nazairien vit un moment clef de son histoire en raison des difficultés du groupe sud-coréen STX, lequel détient environ 67 % de son capital depuis 2008. Ce groupe a été placé le 9 juin dernier sous administration judiciaire, et dispose d'un délai de trois mois pour présenter un plan de redressement. La vente séparée de STX France devrait aboutir d'ici à la fin du mois de novembre. En sa qualité d'actionnaire à hauteur de 33,34 % de STX France, l’État français détient une minorité de blocage qui peut se révéler précieuse dans les négociations.
Alors, conscient des enjeux, le Gouvernement, en étroite relation avec les parlementaires et les élus locaux, n'est pas resté inactif. Disons-le, une solution associant un repreneur européen semblait rassurante. Hélas, ce scénario vient d'être chamboulé par l'annonce d'une vente en bloc de tout le groupe STX. Nous pouvons craindre, dès lors, le rachat du groupe par un repreneur intéressé par le seul savoir-faire technologique, sans vision d'avenir pour le développement de la filière navale en France.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : quelles sont les actions concrètes que vous avez engagées pour permettre la reprise de STX France par un actionnariat stable et pérenne, qui garantisse l'avenir de cette filière industrielle en France ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, madame la députée, de votre question qui me donne l'occasion de répondre à un certain nombre de fausses informations et à une forme d'emballement médiatique. En effet, l'actionnariat des chantiers navals STX de Saint-Nazaire évoluera prochainement, les parts détenues par le groupe coréen, en redressement judiciaire depuis le mois de septembre, faisant l'objet d'un processus de cession.
Le Gouvernement, et tout particulièrement Christophe Sirugue, est mobilisé pour accompagner l'évolution d'un acteur industriel majeur, vous l'avez rappelé, de la construction navale. Nous avons d'ailleurs anticipé cette évolution en engageant des discussions préliminaires avec plusieurs repreneurs industriels dans ce sens, comme vous le savez. Il s'agit bien – le projet est là – de recomposer, pour les chantiers navals de Saint-Nazaire, un actionnariat industriel stable et capable d'accompagner le développement de l'entreprise sur le long terme.
Vous avez eu raison de rappeler également que les carnets de commandes sont pleins, ce qui permettra à des milliers de salariés, à travers des emplois directs ou indirects, de travailler des millions d'heures. Les chantiers navals de Saint-Nazaire emploient en effet aujourd'hui 2 600 personnes. Ce sont des hommes et des femmes spécialisés dans la construction des unités les plus complexes, et ils font rayonner, à travers le monde, un savoir-faire industriel français qu'il faut préserver.
Parce que nous sommes particulièrement attentifs à la préservation de l'emploi et de l'activité industrielle en France, et parce que la construction navale est une activité importante pour notre pays – j'ai encore eu l'occasion de le dire il y a quelques jours en Bretagne avec Jean-Yves Le Drian et Alain Vidalies –, nous veillerons à ce que les nouveaux actionnaires puissent fournir les investissements nécessaires, non seulement à la préservation de l'emploi, mais d'abord au développement des chantiers. L’État dispose de plusieurs moyens pour peser dans le choix du repreneur, qui relève à ce stade, in fine, du tribunal de commerce de Séoul : une minorité de blocage du fait de sa position au capital de STX France, les droits qui lui sont conférés par le pacte d'actionnaires en vigueur et, enfin, la réglementation, que nous pouvons actionner à tout moment, relative aux investissements étrangers en France.
Nous ne sommes qu'au début du processus, qui durera plusieurs mois. Dans ce dossier comme dans d'autres, je veux vous assurer que l’État actionnaire jouera pleinement son rôle ; il jouera, pour STX, son rôle de stratège, comme il l'a fait pour Alstom.
M. Luc Chatel. On a vu ce que ça a donné ! Ce n'est pas de très bon augure !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous anticipons les évolutions et veillons à préserver nos intérêts industriels et nos emplois. Je ne sais pas qui m'a interrompu à l'instant dans les rangs de l'opposition, mais je lui suggère de se rendre à Belfort ou dans un autre site d'Alstom expliquer que nous n'aurions pas sauvé l'emploi, Alstom et son développement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Nous ferons de même pour STX, car je crois aux usines en France, je crois à la recherche et au développement dans notre pays, je crois au crédit d'impôt recherche, et je crois au rôle de l’État actionnaire et stratège. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Luc Chatel. Vous avez acheté des trains dont on n'a pas besoin !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est ce rôle-là, madame la députée, qui permettra à STX de continuer à se développer dans votre belle ville de Saint-Nazaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Bernard Accoyer. Faire circuler des TGV sur des lignes omnibus, c'est de la stratégie ?
Auteur : Mme Marie-Odile Bouillé
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 octobre 2016