immigration
Question de :
M. Arnaud Viala
Aveyron (3e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 20 octobre 2016
ACCUEIL DES MIGRANTS
M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala, pour le groupe Les Républicains.
M. Arnaud Viala. Monsieur le Premier ministre, à l'instar du chef de l'État, qui préfère confier ses pensées profondes et ses choix stratégiques à des journalistes plutôt qu'à son propre gouvernement, vous semblez préférer les annonces médiatiques aux débats de cet hémicycle et donc à l'exercice de la démocratie.
Dans un courrier au sujet de la situation internationale et du démantèlement de la « jungle » de Calais, je vous demandais de bien vouloir m'éclairer sur plusieurs points : sur votre vision des raisons qui conduisent des milliers de malheureux à s'échouer au mieux sur nos côtes, au pire dans les eaux meurtrières de la Méditerranée ; sur la réponse qu'apporte ou n'apporte pas l'Europe à l'arrivée de ces populations sur son sol, aucun dispositif d'accueil digne de ce nom n'étant prévu ; sur les modalités du démantèlement du centre d'accueil de Calais ; sur votre décision unilatérale d'organiser – je cite M. le ministre de l'intérieur – « l'accueil de migrants dans les départements sur l'ensemble du territoire » puisqu'il s'agit d'une « exigence de solidarité nationale et de respect de la dignité humaine ».
M. Rémi Pauvros. Le ministre a raison !
M. Arnaud Viala. Je le dis haut et fort, et je n'accepterai pas que vous donniez à penser qu'il en est autrement : en posant ces questions, nous ne sommes ni insensibles au drame humanitaire qui se déroule sous nos yeux, ni racistes, ni désireux de voir cette misère concentrée ailleurs. Nous sommes simplement des élus de la nation qui exigent d'être informés de ces problèmes majeurs de notre pays, des élus et habitants de territoires inquiets à juste titre, des Français horrifiés par la montée inexorable de sentiments de rejet et de haine suscités par l'absence totale de concertation pour laquelle vous avez opté sur ce sujet. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Mme Luce Pane. Oh !
Mme Brigitte Bourguignon. Quelle horreur !
M. Arnaud Viala. Je vous réitère donc mes questions. Quand organiserez-vous dans cet hémicycle un vrai débat sur la question des migrants ? Quand considérerez-vous enfin que, si effort national il doit y avoir, les territoires de France ne peuvent pas être les otages passifs de vos atermoiements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, personne n'a dit que vous ou vos collègues étiez insensibles, et encore moins racistes. Le sujet n'est pas là.
M. Christian Jacob. Vous-même avez déclaré que le terrorisme, c'était nous ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Jean-Claude Perez. Grossier personnage !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, je vous en prie !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutez la réponse du Premier ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Viala, comme parlementaire et comme élu local, vous avez posé des questions tout à fait légitimes. De quoi s'agit-il ? Oui, un drame se joue à nos frontières, à quelques heures d'avion de notre pays. Des migrants viennent de la corne de l'Afrique ou du reste du continent et meurent en Méditerranée – même si beaucoup sont sauvés, il faut le dire, grâce à l'action des ONG, de l'Union européenne et de la France. Il y a aussi bien sûr, nous y reviendrons tout à l'heure, le drame des réfugiés lié à la guerre en Irak et surtout en Syrie, qui jette sur les routes des millions de déplacés.
Face à cela, comme je l'ai déjà dit en début de séance, l'Europe doit apporter une réponse bien plus forte. Nous savons que la résolution de cette crise passe d'abord par la diplomatie, mais aussi par l'action militaire, nous y reviendrons.
Il faut commencer par aider les pays qui accueillent les réfugiés.
M. Claude Goasguen. C'est vrai !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je pense à l'Italie et, bien sûr, à la Grèce. Il faut aussi mieux organiser les frontières extérieures de l'Union européenne.
Pour notre part, nous n'avons jamais dit que nous accueillerions tous les réfugiés, tous les migrants – l'Allemagne, par exemple, a fait un choix différent –, mais nous avons assuré que nous assumerions nos responsabilités dans le cadre du plan européen de relocalisation de 180 000 réfugiés : nous prendrons notre part en accueillant 30 000 personnes sur deux ans.
En outre, nous assumons nos propres responsabilités à Calais. Parlons-nous de 1,5 million, de 1 million, de 500 000 ou de 100 000 réfugiés ? Non, les réfugiés se trouvant à Calais sont au nombre de quelques milliers – 5 000 à 7 000 personnes –, dont la plupart, sans doute 80 % d'entre eux, obtiendront le droit d'asile dans notre pays.
M. Pierre Lellouche. Pas moins de 100 000 migrants entrent en Europe chaque année !
M. Claude Goasguen. Même 200 000 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Comment s'organiser ? Bernard Cazeneuve a eu l'occasion de le rappeler hier : par une relocalisation des réfugiés sur l'ensemble du territoire.
M. Claude Goasguen. Une relocalisation autoritaire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Eh bien ! Il est quand même assez extraordinaire que ceux qui nous parlent de l'autorité de l'État se fassent les chantres de la démocratie participative, un peu partout dans leurs départements, quand l'État assume ses responsabilités en matière d'accueil ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Je vous le dis calmement, monsieur Goasguen, même si je sais que vous avez joué un rôle de modération dans cette affaire : honnêtement, ce que nous avons vu dans le 16e arrondissement à propos de l'accueil des SDF n'a pas donné une très belle image de ce que peut être l'accueil de ceux qui ont besoin de notre solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Claude Perez. Ça a été honteux !
M. Claude Goasguen. Attendez d'avoir les résultats de l'enquête ! Vous n'allez pas être déçu !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Goasguen, cela ne sert à rien de brandir ce doigt menaçant. Vous ne m'impressionnez pas.
M. le président. Monsieur Goasguen, retrouvez votre calme !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous assumons donc nos responsabilités, en faisant en sorte que 6 000 à 8 000 personnes – des hommes, des femmes, des familles, des enfants – puissent être accueillis dans les meilleures conditions avant de savoir s'ils ont droit ou non à l'asile, ce qui sera probablement le cas de 80 % d'entre eux.
Il y a quelques jours, à Épernay, j'ai vu ce que nous pouvons faire : au sein d'une petite unité, des opérateurs, des associations, des professionnels et des bénévoles font tout pour que le droit d'asile soit octroyé dans les meilleures conditions et préparent l'intégration des bénéficiaires,…
M. Pierre Lellouche. Cela représente 100 000 personnes par an pour un coût de 3 milliards d'euros !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …qu'il s'agisse de leur intégration sociale, de l'apprentissage du français ou du respect de nos valeurs. Ceux qui n'ont pas droit à l'asile devront être reconduits à nos frontières.
Voilà ce que fait la France. J'étais interrogé tout à l'heure sur la place de la France en Europe et dans le monde : assumer nos responsabilités et nos valeurs avec maîtrise, responsabilité et sérieux, c'est cela, la France !
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas ce que vous faites ! Arrêtez de mentir !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ainsi, nous pourrions avancer ensemble. À Épernay, on m'a rappelé qu'un ancien maire de la ville, Bernard Stasi, donnait une belle image…
M. Philippe Armand Martin. Ça alors !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …de ce que pouvaient être la générosité et la droite françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Perez. Très bien !
Auteur : M. Arnaud Viala
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 octobre 2016