Question au Gouvernement n° 4354 :
hôpitaux

14e Législature

Question de : M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 10 novembre 2016


AGRESSION AU CENTRE HOSPITALIER DE TOURCOING

M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour le groupe Les Républicains.

M. Vincent Ledoux. Monsieur le garde des sceaux, on apprend aux étudiants en droit que Thémis, la célèbre déesse grecque aux yeux bandés, symbolise l'impartialité de la justice. Je crains que ce récit ne doive être actualisé, car Mme Taubira en a fait une déesse aveuglée par excès de laxisme et de précaution. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nous sommes aux urgences de Tourcoing, dans la nuit du 15 au 16 octobre, quand des médecins et des infirmiers sont brutalement agressés par une famille de quinze personnes. Menaces et insultes se poursuivront jusque dans le tribunal, où les agresseurs paraissent en comparution immédiate. Ils obtiennent le renvoi de leur affaire. Merci, madame Taubira ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Yann Galut. Vos propos sont lamentables !

M. Vincent Ledoux. Ce 7 novembre, stupéfaction : le tribunal estime que cette affaire ne peut être jugée en l'état et demande un complément d'enquête. Le format de la comparution immédiate n'était-il pourtant pas suffisant pour établir la matérialité de faits avérés, comme l'a estimé le parquet ?

Qu'apprendrons-nous d'autre des victimes que la peur au ventre qui les taraude depuis cette nuit sauvage ? Aujourd'hui, la parole de médecins vaut-elle moins que celle de voyous bien connus ? Le soignant ne devrait-il pas, au contraire, bénéficier d'une présomption quand on vient l'agresser au cœur même de son sanctuaire professionnel ? Qu'apprendrons-nous de nouveau des agresseurs réfugiés dans une victimisation lâche et indigne ? Il faut être sérieux, tout de même : doutons-nous du fait que les soignants sont les victimes dans cette affaire ? Cette reconnaissance devait être immédiate, quand cette prolongation du temps judiciaire vient semer un doute intolérable.

Entendez-vous, monsieur le garde des sceaux, l'incompréhension et la souffrance de nos urgentistes tourquennois ? Entendez-vous la colère de nos concitoyens, qui peinent à croire en cette justice quand les délinquants, exonérés de tout contrôle judiciaire, sont libres de tout mouvement au sein même du quartier hospitalier ? Entendez-vous la colère de nos policiers, qui se sentent dévalorisés quand on doute de leur travail ?

La procédure va être longue, très longue – certainement plusieurs mois. Je vous demande donc, monsieur le garde des sceaux, de tout mettre en œuvre pour diligenter cette affaire qui n'a que trop duré…

M. Marc Le Fur. En effet !

M. Vincent Ledoux. …et surtout respecter la promesse de Mme Touraine, qui réclamait ici même des sanctions exemplaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous remercie de vous faire le relais de l'émoi des personnels devant les faits inqualifiables intervenus à l'hôpital de Tourcoing. Ce n'est pas parce que l'hôpital public est un lieu ouvert que la violence doit y être acceptée.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La sanction pénale sera naturellement à la hauteur des faits que vous avez dénoncés à juste titre.

Je ne commente pas les décisions de justice, ni les affaires en cours, monsieur le député. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je suis au regret de vous dire que les faits que vous avez évoqués sont factuellement justes et qu'ils respectent la procédure. Mme Taubira n'a rien à voir avec le fait que le report d'un dossier présenté en comparution immédiate est accordé de droit lorsqu'un avocat le demande.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cette règle n'est pas en vigueur depuis trois ans, mais depuis que la procédure existe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) L'avocat des prévenus a donc formulé cette demande.

Les faits sont extrêmement graves : deux internes et un médecin hospitalier ont été agressés dans une enceinte hospitalière. Ce n'est pas tolérable. Au regard de la gravité de ces faits et du parcours pénal des individus interpellés par les services de police, lesquels ont été requis immédiatement – et je les remercie pour leur efficacité – le parquet a réclamé des peines extrêmement fermes : douze mois d'emprisonnement ferme, tant pour l'individu identifié comme le porteur des coups que pour les deux autres prévenus. Le juge a estimé qu'au regard de la complexité de l'affaire, un complément d'enquête était nécessaire – encore une fois, je ne commente pas les décisions de justice.

Le parquet a ouvert aujourd'hui une information judiciaire. Les prévenus ont été placés sous contrôle judiciaire. Ils comparaîtront donc devant la juridiction une fois que les faits auront été établis, que les témoins auront été entendus et que les preuves seront avérées. Je ne doute pas un instant – et vous non plus, monsieur le député, puisque vous avez eu le plaisir d'évoquer cette affaire au téléphone avec le procureur par intérim – que les sanctions prononcées seront à la hauteur des faits commis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Données clés

Auteur : M. Vincent Ledoux

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 novembre 2016

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