réglementation
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 11 janvier 2017
TRAVAILLEURS DÉTACHÉS
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe Les Républicains.
M. Yves Nicolin. Ma question va permettre au Gouvernement de revenir à davantage de modestie et au Premier ministre de répondre à une question non polémique, qui concerne tous nos artisans français et nos PME.
Monsieur le Premier ministre, la lutte contre les abus des détachements de travailleurs devait constituer une priorité absolue de votre Gouvernement, mais tel n'est aujourd'hui pas le cas. Pourtant, ces abus sont une tragédie pour nos entreprises, nos artisans et nos collectivités, et ils représentent un cancer pour l'emploi et la prospérité économique.
Je me permets de vous lire la proposition commerciale qui a été envoyée cette semaine à un artisan de ma circonscription. C'est proprement hallucinant ! Tous les éléments, notamment les noms, cachés ici, ont été transmis au préfet de la région Auvergne - Rhône-Alpes.
« Notre entreprise vise la prestation de services dans le domaine de la sélection, recrutement et prêt de travailleurs dans le domaine du bâtiment : maçons, peintres, plaquistes, coffreurs, couvreurs, carreleurs, électriciens, poseurs, menuisiers, etc. Chaque équipe dispose de personnes parlant français, qui, sous votre direction, réaliseront vos projets tout en demeurant nos employés travaillant en détachement dans votre entreprise. Vous avez tout à gagner avec notre entreprise : augmenter votre bénéfice avec un coût horaire parmi les plus bas du marché ; vous ne paierez que les heures effectuées ; vous n'aurez pas de charges sociales, pas d'assurance, pas de subvention vacances, pas de subvention Noël, pas de tickets repas, pas de TVA à payer. Notre entreprise prend en charge le voyage aller et retour de ses ouvriers, les assurances d'accident de travail, le coût de la sécurité sociale et le remplacement des ouvriers dont vous n'êtes pas satisfaits. Tarif : seize euros TTC par heure et par employé pour toutes les spécialités. »
M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !
M. Yves Nicolin. Seize euros, monsieur le Premier ministre ! C'est deux fois moins que le coût horaire moyen d'un salarié du bâtiment français ! Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous m'expliquer comment résoudre le chômage si le Gouvernement laisse faire ce type de pratiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Yves Nicolin, nous ne pouvons nous retrouver que sur un point, celui de la nécessité de tout mettre en œuvre pour lutter contre les fraudes au détachement. Comment avons-nous agi ?
D'abord, et permettez-moi ici de remercier M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, nous avons obtenu, après un combat européen extrêmement important, la révision de la directive de 2014 sur le détachement des travailleurs.
Au plan national, les lois du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, dite loi Savary, du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) et du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail, ont donné aux services les moyens de sanctionner.
M. Christian Jacob. Et pour quel résultat ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous n'avons pas simplement élaboré des lois, nous les avons appliquées. L'inspection du travail a quadruplé le nombre de ses contrôles, qui ont atteint 2 000 en juin dernier. Parmi les 880 amendes administratives infligées, près d'un tiers sont de la responsabilité du donneur d'ordres, cette action ayant été permise par les évolutions législatives. Depuis janvier 2016, nous pouvons suspendre des chantiers ; d'ailleurs, dans la région Auvergne - Rhône-Alpes, le préfet a récemment suspendu un chantier très important. Le produit des 880 amendes a représenté cinq millions d'euros, et trente-trois chantiers ont été suspendus. Grâce à la loi Travail, nous pourrons suspendre des chantiers s'il n'y a pas de déclaration de détachement.
M. Christian Jacob. Pour quel bilan ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il est utile de rappeler que la France est certes le deuxième pays d'accueil de travailleurs détachés, mais, si nous voulons être tout à fait honnêtes vis-à-vis de nos concitoyens, nous devons reconnaître que nous sommes également le troisième pourvoyeur de travailleurs détachés.
Que demandons-nous aujourd'hui ? Nous demandons une révision de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs.
M. Dominique Dord. Ça fait cinq ans que vous êtes au Gouvernement !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous le demandons et nous soutenons la Commission européenne dans ce domaine. Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, j'ai rencontré Mme Élisabeth Morin-Chartier, députée du Parti populaire européen au Parlement européen : voyez-la, elle vous dira ce que nous faisons. J'ai rencontré de nombreux interlocuteurs, dont l'ensemble de mes homologues européens, et ce dossier avance ! Nous demandons la fin des entreprises « boîtes aux lettres ». Nous sommes particulièrement mobilisés sur ce sujet.
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 janvier 2017