terrorisme
Question de : Mme Seybah Dagoma (Ile-de-France - Socialiste, écologiste et républicain), posée en séance, et publiée le 1er février 2017
LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET DÉCRET TRUMP
M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mme Seybah Dagoma. Monsieur le Premier ministre, dimanche, le Canada a été frappé par un attentat terroriste. Six citoyens canadiens de confession musulmane ont été assassinés dans une mosquée. Nous dénonçons cet acte avec force et nous voulons témoigner ici de la solidarité de notre pays.
Mes chers collègues, le président américain Donald Trump a signé la semaine dernière un décret funeste qui rompt avec la tradition politique de son pays. L'entrée aux États-Unis est désormais refusée à tous les demandeurs d'asile pendant 120 jours et aux ressortissants de sept pays considérés comme des viviers terroristes. Les aéroports sont le théâtre de véritables drames humains. Les destins d'hommes, de femmes et d'enfants se sont brisés. Peu importe qui ils sont, peu importe s'ils fuient la guerre, peu importe s'ils disposent d'un visa, peu importe leur histoire et leur identité.
Cette décision est pour lui un symbole. Pour des milliers de personnes, c'est une tragédie. Beaucoup avaient choisi les États-Unis pour reconstruire leur vie, ils en sont désormais chassés. Face à cela, des millions de citoyens américains se mobilisent. Nous soutenons ces âmes qui protègent le rêve américain et l'héritage d'une nation qui s'est construite grâce à l'immigration.
Monsieur le Premier ministre, la France a vécu des heures sombres, elle a été éprouvée à plusieurs reprises. Nous savons ce que signifie être touché dans sa chair et nous sommes aux côtés de tous ceux qui combattent le terrorisme. Mais nous ne pouvons pas accepter qu'au nom de la lutte contre le terrorisme, nos pays renoncent à ce qui fonde leur force : le droit, la liberté, l'égalité.
Monsieur le Premier ministre, alors que les États-Unis tournent le dos à nos valeurs communes, comment la France mobilise-t-elle la communauté internationale pour contester les projets de l'administration Trump ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Madame la députée, il y a beaucoup de sujets dans la question que vous posez. Tout d'abord, vous avez évoqué la tragédie qu'a connue le Canada dimanche dernier avec un acte violent à caractère terroriste, qui a occasionné la mort de six personnes et de nombreux blessés dans une mosquée. Je veux exprimer au peuple canadien, au Premier ministre du Québec, M. Philippe Couillard, et au Premier ministre canadien, M. Justin Trudeau, toute notre compassion et toute notre solidarité dans cette épreuve terrible que traverse le Canada.
Nous avons été, vous l'avez dit vous-même, frappés dans notre chair à plusieurs reprises par le terrorisme et nous savons que celui-ci vise à semer partout l'effroi, à s'en prendre aux valeurs fondamentales de liberté, de fraternité, de solidarité, de respect, qui sont au cœur du pacte qui unit les citoyens des peuples libres au sein de leur nation et les nations libres entre elles.
Lorsque nous avons été confrontés à ces drames, à ces tragédies, que nous avons eu, pour demeurer debout et nous battre contre le terrorisme, à renforcer nos arsenaux législatifs, et que nous avons eu à rehausser les moyens de nos services de renseignement et de nos forces de sécurité intérieure, nous l'avons toujours fait, madame la députée, dans la volonté d'assurer la plus grande unité nationale autour des valeurs que je viens d'indiquer, de ne jamais remettre en cause les principes de l'État de droit et de ne jamais prendre de décisions prétendant être symboliques, comme celle de M. Donald Trump, mais qui ne visent en fait qu'à attiser des tensions et à créer des conflits potentiels avec, à la fin, la plus grande inefficacité dans la lutte contre le terrorisme.
Vous avez eu raison de rappeler que, dans le temps long de l'histoire de l'Occident et de la relation entre les États-Unis et le continent européen, les États-Unis, en matière de liberté et de lutte contre le totalitarisme, sont un exemple en raison des valeurs qu'ils portent aux yeux d'un très grand nombre de peuples du monde ; au même titre que la France, ils ont en effet toujours porté les valeurs universelles que les peuples du monde attendent des grandes nations.
Ce décret est inefficace et pose des problèmes de fond et de principe. Inefficace, parce qu'il ostracise un certain nombre de pays et rend impossible l'accueil de femmes et d'hommes persécutés dans leur pays et qui ont besoin d'être protégés par les nations libres. Il pose des problèmes très concrets pour les résidents possédant la nationalité de ces pays aux États-Unis et ceux ayant la double nationalité, mais il heurte également un principe moral, comme l'ont exprimé notre diplomatie, M. Jean-Marc Ayrault et le président de la République. Je veux vous dire la très grande détermination de la France au sein de l'Union européenne pour porter haut et loin les valeurs de solidarité, de fraternité et de respect, valeurs que nous avons en commun depuis des décennies et des siècles avec les États-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Auteur : Mme Seybah Dagoma (Ile-de-France - Socialiste, écologiste et républicain)
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er février 2017