Question au Gouvernement n° 751 :
fraude fiscale

14e Législature

Question de : M. Bruno Le Roux
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

Question posée en séance, et publiée le 11 avril 2013

MORALISATION DE LA VIE POLITIQUE

M. le président. La parole est à Le M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, ce matin, à l'issue du conseil des ministres, le Président de la République a présenté des mesures fortes et cohérentes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elles se fondent sur un principe fort : le service de la République, que l'on ne sert pas pour s'enrichir - les Français doivent pouvoir en être assurés.
M. Bernard Deflesselles. Allô !
M. Bruno Le Roux. Les mesures annoncées marquent une double rupture. La première se résume d'un simple mot : indépendance. Indépendance de la justice, sur laquelle nulle pression ne s'exerce, contrairement ce qui se passait auparavant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP - Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste) ; indépendance de la presse, qui elle non plus ne doit pas être l'objet de pression ; indépendance enfin des instances de contrôle, avec la création, annoncée ce matin, d'une haute autorité.
La seconde rupture, c'est que la France renoue enfin avec la lutte contre la fraude fiscale et toutes les formes de délinquance financière, après dix années d'une complicité passive au cours desquelles notre pays a reculé dans tous les classements internationaux. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
Pendant dix ans, notre pays a conduit une politique complaisante à l'égard de la fraude fiscale et des fraudeurs, madame Pecresse !
Mme Valérie Pecresse. C'est faux !
M. Bruno Le Roux. Complaisante avec la délinquance financière, monsieur Fillon ! (Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. - tumulte couvre les propos de l'orateur.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutez les propos de l'orateur !
M. Bruno Le Roux. La droite s'est montrée si complaisante qu'elle proposait encore, il y a quelques jours, l'amnistie pour les fraudeurs fiscaux !
La lutte contre la délinquance financière se voit désormais dotée des moyens nécessaires : un parquet spécifique, un office dédié, des outils renforcés.
M. Claude Goasguen. Aucune crédibilité !
M. Bruno Le Roux. Je veux, monsieur le Premier ministre, vous assurer du soutien de votre majorité sur un sujet qui devrait faire l'objet, sur tous nos bancs, d'un consensus républicain, si un côté de cet hémicycle n'avait fait le choix, depuis dix ans, de petits arrangements avec les délinquants financiers, quand il ne s'agissait pas tout bonnement de les couvrir ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Céleste Lett. Carton rouge !
M. Bruno Le Roux. Vous voici aujourd'hui face à vos responsabilités, mesdames et messieurs ! Ce que vous avez fait pendant dix ans ne sera plus possible demain. (Exclamations indignées sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de tenir bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. (" Démission ! démission ! " sur les bancs du groupe UMP.)
S'il vous plaît, mes chers collègues, un peu de tenue ! Laissez le Premier ministre s'exprimer.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Bruno Le Roux, le Président de la République m'a demandé de préparer des mesures fortes, claires, courageuses et ambitieuses, qui ont pour objectif de redonner à nos concitoyens confiance dans les institutions de la République et dans les représentants du peuple, quel que soit le niveau des responsabilités qu'ils exercent.
J'ai rempli ce mandat devant le conseil des ministres ce matin, puisqu'il me l'avait demandé. Ce mandat, mesdames et messieurs les députés de tous bords, qui exige dignité et respect ! (Les députés du groupe UMP se lèvent et protestent violemment.)
M. le président. Asseyez-vous, chers collègues ! Attention à l'image que nous donnons !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Votre comportement, mesdames et messieurs de la droite, est lamentable et indigne ! Vous portez atteinte à la fonction que vous prétendez représenter ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Geoffroy. Dehors !
M. le président. Monsieur Geoffroy, s'il vous plaît !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Les principes de notre action sont clairs : la transparence la plus grande possible, mais aussi des sanctions plus rigoureuses et plus efficaces contre tous ceux, élus, fonctionnaires ou responsables publics, qui auront manqué à leur mandat ou à leurs fonctions.
M. Claude Goasguen et M. Bernard Accoyer. Et la vérité !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le troisième enjeu enfin, c'est d'aller aux racines du mal. Les racines du mal, ce sont la délinquance financière, les trafics, l'économie souterraine, les montages inacceptables et les paradis fiscaux, que nous combattrons avec la plus grande énergie : c'est le sens du projet de loi qui vous sera proposé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les hurleurs de la droite, serez-vous au rendez-vous de la transparence ? (" Ayrault démission ! Ayrault démission ! " sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Un peu de tenue, mes chers collègues ! Pensez à l'image de notre assemblée !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Serez-vous au rendez-vous de la sévérité ? Serez-vous au rendez-vous de la lutte contre la fraude fiscale, les montages frauduleux et les paradis fiscaux ? Je prends date, et nous verrons bien : chacun sera face à ses responsabilités.
Une déclaration de patrimoine de tous les responsables publics, au premier rang desquels les élus, oui ; mais aussi une déclaration d'intérêts, pour parer aux risques de conflits d'intérêt. Afin que ces mesures aient du sens, il faut qu'elles puissent être contrôlées ; c'est l'objet de la création d'une Haute autorité pour la transparence, qui pourra demander des précisions, enquêter et vérifier les déclarations. C'est la garantie de la confiance.
Je sais que les déclarations de patrimoine en heurtent certains, car la quasi-totalité des personnes concernées sont évidemment d'une profonde honnêteté et consacrent l'essentiel de leur énergie à la mission qui leur a été confiée.
M. Philippe Le Ray. On veut la vérité !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Dès lundi prochain, le Gouvernement donnera l'exemple, en rendant publiques les déclarations de patrimoine faites par les ministres en début de mandat. Ce sera désormais, vous aurez à en décider, la règle pour tous, membres du Gouvernement, parlementaires et responsables des exécutifs locaux. Mesdames et messieurs de la droite, vous aurez à décider si, oui ou non, vous voulez la transparence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)
Il faudra enfin mettre fin au cumul entre un mandat parlementaire et certaines fonctions. Vous aurez évidemment à déterminer ce qui relève du bon sens et de l'exigence démocratique.
M. Guy Geoffroy. Démission !
M. le président. Monsieur Geoffroy, s'il vous plaît !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais est-il acceptable qu'un parlementaire soit aussi consultant ou avocat d'affaire ? Je dis non ! Ce sera terminé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. - Tumulte sur les bancs du groupe UMP.) Et l'on verra bien ce que vous serez capables de décider !
M. Claude Goasguen. Repris de justice !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En matière de lutte contre la délinquance économique et financière, on a instauré par le passé un parquet financier. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons constaté que ce parquet financier avait perdu tous ses moyens humains et techniques, et qu'il était incapable de mener à bien des enquêtes qui exigent compétences et persévérance.
M. Guy Geoffroy. C'est nul !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous allons donc créer un parquet spécialisé, ayant une compétence nationale et disposant de moyens, de magistrats et de policiers enquêteurs. Il pourra s'appuyer sur l'administration fiscale et ses moyens seront doublés pour qu'on n'en reste pas aux intentions mais qu'il apporte de vraies réponses aux exigences éthiques de nos concitoyens.
M. Claude Goasguen. Perroquet !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Un office central de lutte contre la fraude et la corruption sera également institué au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Comment voulez-vous en effet que les policiers et les enquêteurs fassent leur travail alors qu'ils sont si peu nombreux Le renforcement et la réorganisation de leurs moyens seront une garantie.
Un mot enfin sur les sanctions pénales. Lorsqu'on exerce une fonction publique et que l'on sera convaincu de fraude fiscale ou de corruption, c'est au minimum dix ans de condamnation que l'on encourra, les magistrats ayant en outre la liberté de décider, en toute indépendance, d'étendre à vie l'interdiction d'exercer des responsabilités publiques. Voilà ce que nous proposons au Parlement !
Je terminerai par la lutte contre la délinquance financière internationale. Monsieur Goasguen, vous avez cherché à salir le ministre de l'économie et des finances et le Gouvernement, mais nous allons faire en sorte, et vite, qu'il ne soit désormais plus possible de détenir un compte à l'étranger sans que cela se sache. Cela devra être automatique : nous n'avons pas à le demander : voilà les règles nouvelles que la France veut instaurer dans toute l'Europe. L'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie se sont déjà engagées à se battre pour que, demain, nous obtenions sans difficulté la vérité sur la situation des contribuables français ou européens !
M. Claude Goasguen. Ah bravo !
Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro ! Zéro !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous voulons également élargir la question des paradis fiscaux. Que cela plaise ou non, il faut se battre pour en réduire la liste au minimum, et d'abord au sein de l'Union européenne - c'est le sens de l'engagement que vient de prendre le Luxembourg.
Mais les choses doivent également changer en Suisse, qui ne fait pas partie de l'Union, et partout dans le monde. C'est tout le travail que nous allons faire : s'attaquer à la racine du mal !
Mme Claude Greff. Mais cela fait combien de temps qu'il parle ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, je recevrai demain les présidents de groupe, même M. Jacob... (Les députés du groupe UMP se lèvent et protestent violemment.)
M. Yves Nicolin. Comment osez-vous !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je lui demanderai ce qu'il est capable d'accepter, jusqu'où il est capable d'aller pour faire reculer la délinquance financière et assurer la transparence. (" Démission ! Démission ! " sur les bancs du groupe UMP. - Le tumulte couvre les propos du Premier ministre.)
Voilà ce sur quoi vous aurez à vous prononcer, mesdames et messieurs les députés. La confiance passe par le courage ; chacun sera face à ses responsabilités. (Les députés du groupe SRC se lèvent pour applaudir. - " Démission ! Démission ! " sur les bancs du groupe UMP. - Plusieurs députés du groupe UMP quittent les travées et tentent de s'approcher du banc du Gouvernement.)
M. le président. Monsieur Geoffroy, veuillez regagner votre place !
M. Guy Geoffroy. C'est une honte !

Données clés

Auteur : M. Bruno Le Roux

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 avril 2013

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