chefs d'entreprise
Question de :
Mme Eva Sas
Essonne (7e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 29 mai 2013
RÉMUNÉRATION DES PATRONS
M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.Mme Eva Sas. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré qu'il n'y aurait pas de projet de loi spécifique sur la rémunération des dirigeants d'entreprise, rompant ainsi avec les déclarations de la porte-parole du Gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, qui assurait en mars dernier qu'une loi visant à encadrer les salaires des grands patrons du secteur privé verrait le jour avant l'été.
M. Claude Goasguen. Bravo !
Mme Eva Sas. Pourtant, partout se développe un mouvement pour réguler les rémunérations extravagantes. Le Parlement européen a voté la limitation des bonus des traders. Michel Barnier s'est quant à lui prononcé pour un vote contraignant des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants.
La Suisse a légiféré dans le même sens, interdisant même les retraites chapeaux et les parachutes dorés. À la suite de ce vote, le Premier ministre français avait réagi en disant : " Les Suisses nous montrent la voie. "
Malgré ce contexte, vous avez finalement opté en faveur d'une autorégulation par les organisations patronales. Faut-il rappeler que la solution de l'autorégulation a déjà été appliquée dans le cadre des recommandations AFEP-MEDEF de 2003, dont les dispositions ont été renforcées en 2008 ? À l'époque, cette autorégulation avait déjà été mise en place en urgence par le MEDEF pour éviter une loi. A-t-elle montré son efficacité ?
Bien sûr, dans un premier temps, en 2009, sous le feu des projecteurs, les rémunérations des dirigeants avaient diminué. Mais dès l'année suivante, alors que les salaires des ouvriers et des employés baissaient, que ceux des cadres et des professions intermédiaires stagnaient, les rémunérations des dirigeants du CAC 40 augmentaient, elles, de 34 %, puis de nouveau de 4 % en 2011.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi avoir choisi de ne pas légiférer sur ce sujet ? Peut-on laisser perdurer dans notre pays des rémunérations extravagantes à l'heure où nous demandons tant d'efforts aux Français ? N'est-il pas temps de changer de cap et d'aller vers plus d'équité et plus de régulation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Madame la députée, je vous remercie de votre question, qui me permet de préciser mon point de vue. (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi tout d'abord d'insister sur le fait que nous n'avons renoncé à rien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous n'avons pas renoncé à l'ambition de lutter contre les rémunérations indécentes et de répartir les responsabilités de façon plus équitable dans l'entreprise.
Surtout, nous n'avons pas renoncé à l'action et nous avons déjà agi, vous le savez : nous avons agi dans les entreprises publiques en plafonnant les rémunérations des dirigeants. Nous avons agi au niveau européen. Vous évoquiez la directive CRD 4 sur les bonus des traders, mais c'est parce que la France était en pointe que ces sujets-là ont avancé.
Nous n'avons pas renoncé à légiférer. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait, dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l'emploi, en faisant en sorte que les salariés soient présents dans les conseils d'administration. Mais nous allons encore le faire, et de la manière la plus forte. Je rappelle que, dans le prochain projet de loi de finances, nous créerons une taxe de 75 % sur les rémunérations supérieures à 1 million d'euros, acquittée par l'employeur pour deux ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). S'il ne s'agit pas d'une mesure permettant de lutter contre les rémunérations indécentes, quelle mesure répond à cette définition ?
Mais, madame la députée, je tiens à vous dire que je veux aller plus loin avec ce qu'on appelle le say on pay, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) c'est-à-dire le pouvoir conféré aux assemblées générales d'actionnaires d'examiner les rémunérations des dirigeants.
Je souhaite également qu'on limite le nombre de mandats d'administrateurs susceptibles d'être exercés par une même personne physique. Je veux qu'on lutte contre les rémunérations excessives et indécentes et contre un certain nombre de formes de rémunérations exceptionnelles. Je souhaite qu'on mette en place des mécanismes de contrôle.
Vous le voyez, nous n'avons pas renoncé. J'ai choisi, il est vrai, le dialogue, mais je tiens à préciser que celui-ci sera exigeant et vigilant. C'est la raison pour laquelle j'ai confié une mission à une personne que vous connaissez, Mme Narassiguin, qui a présidé au sein de votre assemblée une mission parlementaire sur le sujet.
Au terme de ces travaux, nous examinerons la bonne formule : agir par le dialogue ou légiférer, la porte est ouverte. Il nous appartient à tous d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : Mme Eva Sas
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mai 2013