Internet
Question de :
Mme Isabelle Attard
Calvados (5e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2013
PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES ET INTERNET
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.Mme Isabelle Attard. Monsieur le président, chers collègues, le groupe écologiste s'associe à son tour à l'hommage de la nation à Pierre Mauroy. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique.
Un projet de règlement européen sur la protection des données personnelles est actuellement débattu au Parlement européen. Il vise à mieux protéger les citoyens face aux nouveaux dangers de dissémination de leurs données personnelles. Les grandes entreprises informatiques, telles que Google, Microsoft, Facebook ou Apple, ne supportent pas cette volonté de protection des citoyens. Elles ont d'ailleurs lancé une opération de lobbying d'une ampleur inégalée. Il existe donc un danger sérieux que ce projet de règlement soit vidé de son sens.
Les risques sont nombreux. Ainsi, les données de Facebook permettent déjà de déterminer les affinités politiques ou l'orientation sexuelle, même lorsqu'elles ne sont jamais affichées. Jeudi dernier, le lanceur d'alerte Edward Snowden, ancien de la CIA et de la National Security Agency, a révélé au Guardian l'existence du programme Prism qui permet au gouvernement américain d'accéder aux données des serveurs des géants de l'informatique : Google, Facebook et d'autres lui fourniraient, sur simple demande, tous les renseignements personnels, mails ou photos des internautes non américains. La réponse de ces entreprises est que seuls ceux qui ont quelque chose à cacher devraient être inquiets. Le caractère privé des opinions personnelles est pourtant la base de notre démocratie.
Dans les années trente, les Pays-Bas ont organisé, avec un système IBM, un recensement religieux de leur population pour déterminer le financement des cultes. Lors de l'invasion des Pays-Bas en mai quarante, ce fichier a permis aux nazis d'éliminer les Juifs très rapidement. Cela démontre bien qu'une base de données personnelles couvrant toute la population européenne peut permettre des usages infiniment plus inquiétants que ne le disent leurs promoteurs.
Madame la ministre, vous avez annoncé un projet de loi " Protection des données personnelles " en février dernier. Quand sera-t-il présenté en Conseil des ministres ? Quelles mesures prendra le Gouvernement pour s'assurer que les entreprises et le gouvernement américains n'accèdent pas à des quantités effarantes de données privées concernant les citoyens français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame Attard, je vous remercie pour votre question et je souhaite rappeler en préambule qu'Internet est une grande avancée pour la liberté d'expression et une source d'innovation pour nos entreprises. De tels bénéfices ont été rendus possibles grâce à un Internet ouvert et libre, auquel ce gouvernement reste attaché et qu'il entend préserver.
Les données personnelles sont le carburant de l'économie de la connaissance et des services de demain. Mais vous avez raison : leur exploitation massive, qui est source de création de valeur, révèle aussi de nouveaux dangers. La protection des données personnelles est donc un enjeu absolument majeur. C'est pourquoi, dans le cadre des négociations sur ce règlement européen, notre objectif est de combiner protection des données des personnes et dynamisme du secteur numérique. Il s'agit de garantir aux entreprises une concurrence équitable avec les acteurs extra-européens et de limiter leurs charges administratives, mais aussi de donner aux individus utilisateurs le contrôle de leurs données et de leur permettre de s'adresser à la CNIL. Un tel équilibre n'était pas garanti par la proposition d'accord soumise au Conseil européen la semaine dernière, et c'est pourquoi la garde des sceaux, au nom du gouvernement français, a refusé d'y souscrire.
Sur la question des transferts de données, notamment hors d'Europe, sachez que nous veillerons à exiger des garanties très fortes en la matière car la situation actuelle n'est pas du tout satisfaisante. Les règles du Safe Harbor sont en effet moins protectrices que le cadre européen.
Enfin, s'agissant du projet de loi numérique que vous avez également évoqué et qui a été annoncé en février, il fait l'objet d'un travail avec les ministères de l'intérieur et de la justice. Son objectif sera de protéger les libertés en ligne en donnant plus de droits aux personnes et plus d'importance au rôle de la CNIL.
Nos exigences, madame la députée, sont extrêmement fortes pour éviter un " Bolkestein " des données personnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Auteur : Mme Isabelle Attard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : PME, innovation et économie numérique
Ministère répondant : PME, innovation et économie numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2013