Question au Gouvernement n° 956 :
maintien

14e Législature

Question de : Mme Patricia Adam
Finistère (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2013

MORT DE CLÉMENT MÉRIC

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Patricia Adam. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, M. Manuel Valls.
La mort de Clément Méric, il avait dix-huit ans, a provoqué une vive émotion dans ma ville, dans sa ville, Brest, parmi ceux qui le connaissaient et bien au-delà, comme dans l'ensemble de la communauté nationale. Par respect pour sa mémoire et la douleur de ses parents, je veux porter ici le témoignage d'amis proches de sa famille.
Clément était un garçon d'une grande intelligence, et d'une maturité précoce. Il avait été brillamment reçu au baccalauréat, alors qu'il était à peine sorti d'une maladie grave. Avec courage. Il avait été reçu à Sciences Po dans la foulée. C'était aussi un amateur de musique, de littérature et de tas de belles choses. Il avait des convictions politiques bien affirmées, mais nullement sectaires. Au coeur de ses convictions, se trouvaient le refus de l'injustice mais aussi la non-violence.
Monsieur le ministre, les circonstances tragiques de son décès sont insupportables. Cet acte odieux est avant tout l'expression de la haine et de la violence. Ces valeurs sont prônées en France par des groupes d'extrême-droite.
M. Yves Fromion. Ben voyons !
Mme Patricia Adam. Nous devons bien en mesurer l'importance, car c'est le contrat républicain que ces groupes voudraient détruire. Dans une vieille démocratie comme la nôtre, la liberté d'expression est protégée mais la violence n'est pas tolérée, elle n'est jamais admise. Partout en France, la jeunesse s'est rassemblée pour le rappeler : la haine fait reculer l'humanité. Cet élan républicain de la jeunesse est l'honneur de notre pays.
Monsieur le ministre, vous avez tiré des conclusions fortes de cet événement. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer les mesures que vous avez prises ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Madame la présidente, je comprends votre émotion quand vous parlez de ce jeune homme d'origine brestoise, un garçon de dix-huit ans, qui n'avait qu'une envie, réussir sa vie, et qui avait le droit, comme d'autres, d'avoir des convictions, mais qu'on n'avait pas le droit de brutaliser jusqu'à la mort, comme cela s'est passé l'autre jour. L'indignation qui est la vôtre et celle de tous ceux qui l'ont connu, ou qui ont connu sa famille, c'est aussi l'indignation de l'immense majorité des Françaises et des Français et, je crois pouvoir le dire aussi, de la représentation nationale.
Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne tolèrera pas la violence, ne tolèrera pas que se diffusent la haine, le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, l'homophobie, toutes les formes de haine et de violence qui peuvent conduire jusqu'à la mort. Alors, oui, le Gouvernement est déterminé à agir. D'ailleurs, la justice a déjà commencé à agir, puisque, comme vous le savez, l'enquête qui a été diligentée par le parquet, avec le concours de la police judiciaire, a très vite mené à des arrestations. Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a particulièrement veillé à ce que les forces de police soient mobilisées pour aller vite et, aujourd'hui, plusieurs interpellations ont permis des mises en examen. Je fais toute confiance à la justice pour que les responsables de cet acte odieux soient jugés et condamnés sévèrement grâce aux lois que notre République s'est données et que vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, avez pu voter.
Mais le mal est plus profond. Quand un jeune homme, chéri de ses parents, apprécié de tous, profondément engagé dans la défense de ses idéaux, meurt dans un tel drame, c'est notre République qui est atteinte, et c'est notre République que nous devons défendre. Et nous devons de toutes nos forces barrer la route à ces idées qui, malheureusement, demeurent encore, et parfois prospèrent, des idées d'inspiration fasciste, des idées d'inspiration néo-nazie, qui ont fait tant de mal à la France, et tant de mal à l'Europe.
C'est pourquoi j'ai demandé au ministre de l'intérieur, comme également, à la garde des sceaux, de regarder ce que nous pouvions faire sur la base de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 10 janvier 1936, de regarder les conditions de dissolution des groupuscules d'extrême-droite qui provoquent la haine raciale que je viens d'évoquer.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et ceux d'extrême-gauche ?
M. le président. S'il vous plaît !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Sur la base de ces éléments, les éléments qu'il m'a transmis... (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. On écoute la réponse du Premier ministre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs de la droite, vous pourriez faire preuve d'un petit peu de dignité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il y a un jeune homme qui est mort, des arrestations ont eu lieu, des mises en examen ont eu lieu, la justice se prononcera.
M. Yves Fromion. Vous êtes un provocateur !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous savons simplement que les auteurs présumés appartiennent à des groupes d'extrême-droite, à des services d'ordre d'extrême-droite. C'est d'eux qu'il s'agit et c'est sur eux que j'ai demandé au ministre de l'intérieur de me faire un rapport, qu'il m'a remis le 8 juin. Aussitôt, je lui ai demandé d'engager la phase contradictoire,...
M. Claude Goasguen. Avec qui ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...conformément à la loi de 1936, qui consiste à engager la procédure de dissolution des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires. La même phase contradictoire sera également engagée pour le groupe Troisième Voie et pour tous les groupes et associations d'extrême-droite contraires aux valeurs et aux lois de la République.
M. Yves Fromion. Le fascisme de gauche est en marche !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que le Gouvernement a engagé, dans le respect des lois de la République. Nous ferons preuve de la plus grande des intransigeances mais, encore une fois, dans le respect de la loi, et ce n'est qu'à l'issue de cette procédure contradictoire qui prendra quelques jours que, si elle conclut à la dissolution, le Président de la République prendra un décret de dissolution en conseil des ministres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Données clés

Auteur : Mme Patricia Adam

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2013

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