Question orale n° 103 :
orphelins

14e Législature

Question de : M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jean-Paul Bacquet interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur la différence de traitement des orphelins de guerre et pupilles de la Nation. Plusieurs textes sont parus au cours des dernières années, parmi lesquels le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont le père ou la mère a été déporté depuis la France dans le cadre des persécutions antisémites et raciales ; et le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Pour indispensables qu'elles aient été, ces reconnaissances ont paradoxalement institué une différence entre les orphelins de guerre, excluant de facto du droit à indemnisation ceux ne correspondant pas aux critères restrictifs fixés par lesdits décrets. Il en résulte un problème en matière d'égalité et de non-discrimination entre personnes ayant objectivement le même statut d'orphelins de guerre. Cette question a, à ce titre, été souvent relevée par les associations de pupilles de la Nation et d'orphelins de guerre, qui se sentent injustement exclus d'un dispositif basé sur le contexte dans lequel se sont retrouvés les parents et non sur la situation des enfants alors qu'ils sont les premiers concernés par les mesures exposées. Le président de l'ANPNOGD a fait savoir à ses adhérents qu'à la suite d'une rencontre entre une délégation de l'association et le ministère, ce dernier a reconnu la souffrance des enfants orphelins, mais qu'aucune somme n'était actuellement budgétée pour l'indemnisation, et ce malgré le fait que le nombre d'orphelins et de pupilles soit certainement moins important que les évaluations réalisées jusqu'ici. De plus, estimant que ces pupilles étaient trop âgés pour qu'une juste reconnaissance de la nation soit encore reportée, le ministère, en préconisant la rente plutôt que le capital, a saisi le secrétariat général de l'administration. Cette inégalité n'ayant que trop duré, et bien que chacun comprenne la difficulté du contexte et de l'effort collectif demandé à la Nation, il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir quelles mesures le ministère envisage d'apporter au droit existant afin d'étendre le bénéfice du dispositif d'indemnisation à tous les orphelins de guerre et pupilles de la Nation.

Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2013

INDEMNISATION DES ORPHELINS DE GUERRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 103, relative à l'indemnisation des orphelins de guerre.
M. Jean-Paul Bacquet. Ma question à M. le ministre des anciens combattants concerne les orphelins de guerre.
Plusieurs textes sont parus au cours des dernières années, parmi lesquels le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000, instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont le père ou la mère a été déporté depuis la France dans le cadre des persécutions antisémites et raciales, et le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
Pour indispensables qu'elles aient été, ces reconnaissances - tardives - ont paradoxalement institué une différence entre les orphelins de guerre, excluant de facto du droit à indemnisation ceux ne correspondant pas aux critères restrictifs fixés par lesdits décrets.
Il en résulte un problème en matière d'égalité et de non-discrimination entre personnes ayant objectivement le même statut d'orphelin de guerre. Cette question a été souvent relevée par les associations de pupilles de la nation et d'orphelins de guerre. Ceux-ci se sentent injustement exclus d'un dispositif basé sur le contexte dans lequel se sont retrouvés les parents et non sur la situation des enfants, alors qu'ils sont les premiers concernés par les mesures exposées.
André Lefebvre, président de l'ANPNOGD, a fait savoir à ses adhérents - j'ai lu le courrier qui leur a été adressé - qu'à la suite d'une rencontre entre une délégation de son association et le ministère, ce dernier a reconnu la souffrance des enfants orphelins, mais qu'aucune somme n'était actuellement budgétée pour l'indemnisation, malgré le fait que le nombre d'orphelins et de pupilles soit certainement moins important que les évaluations réalisées jusqu'ici.
De plus, estimant que ces pupilles étaient trop âgés pour qu'une juste reconnaissance de la nation soit encore reportée, le ministère, en préconisant la rente plutôt que le capital, a saisi le secrétariat général de l'administration.
Cette inégalité n'ayant que trop duré, et bien que chacun comprenne la difficulté du contexte financier du pays et de l'effort collectif demandé à la nation, j'aimerais savoir quelles mesures le ministère envisage d'apporter au droit existant afin d'étendre le bénéfice du dispositif d'indemnisation à tous les orphelins de guerre et pupilles de la nation. Cela ne sera que justice, même si elle est bien tardive.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie.
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Kader Arif, qui est actuellement à Lille pour représenter le ministre de la défense au cinquième forum international de la cybercriminalité.
Comme vous, je suis très attachée au devoir de mémoire. Comme vous, j'entends et je comprends la détresse et la souffrance de celles et ceux que la guerre a privés de leurs parents. C'est pourquoi j'accorde une attention toute particulière aux préoccupations concernant l'accompagnement par l'État des orphelins de guerre et des pupilles de la nation.
C'est notamment le cas de votre requête qui vise à faire bénéficier l'ensemble des orphelins et pupilles des mécanismes d'indemnisation prévus par les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004.
Ces décrets répondent toutefois à une situation tout à fait spécifique : celui de 2000 institue une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions en raison de leur " race " ; celui de 2004 complète ce dispositif en indemnisant les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale.
Dans l'un et l'autre cas, il s'agit de prendre en compte l'extrême inhumanité des persécutions et crimes en question, et un traumatisme, notamment celui de la déportation, dépassant le strict cadre des conflits armés.
Ce dispositif doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de maintenir cette spécificité et de ne pas étendre le champ de ces deux décrets, qui seront néanmoins mis en oeuvre de façon éclairée, afin de leur donner leur pleine portée.
Par ailleurs, je me permets d'ajouter qu'à ce jour, en matière d'indemnisation, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit déjà que tout orphelin de guerre perçoit, ou a perçu jusqu'à son vingt et unième anniversaire, une pension spécifique qui s'ajoute, ou s'est ajoutée, à la pension de veuve versée à sa mère.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Madame la ministre, je suis surpris de votre réponse. En premier lieu, la nation n'a pas seulement un devoir de mémoire, elle a également un devoir de reconnaissance et un devoir de réparation. En second lieu, je suis étonné que la mise en place d'une réforme portée par une ambition de justice ait créé d'autres injustices. Pire encore, on a pris en 2000 un décret instituant une réparation en 2004 on l'a corrigé, car il était insuffisant, par un nouveau texte améliorant l'indemnisation, mais on se rend compte ensuite que ces deux textes n'ont fait qu'accentuer l'injustice vis-à-vis des orphelins.
Les orphelins, qu'ils le soient parce que leurs parents ont été déportés ou que leur père est mort dans le torpilleur Sirocco, sont orphelins. Ils demandent non pas la pension à laquelle ils ont droit en tant que pupilles de la nation, mais un droit à réparation au même titre que ceux qui l'ont déjà obtenu.
Madame la ministre, cela constitue une inégalité, vous ne pouvez le contester. Cette inégalité suscite indignation, amertume et incompréhension de la part de ceux qui attendent réparation. Elle donne lieu à des explications et des justifications de la part de ceux qui ne sont pas indemnisés, fondées sur des arguments que nous aimerions malheureusement ne plus jamais entendre.
Enfin, cela concerne des personnes âgées aujourd'hui de 70, 80 ans, voire plus. Ne croyez-vous pas qu'il serait temps de corriger la chose ? Ces enfants ont souvent été élevés seuls, par une mère veuve, sans grands moyens, dans un contexte difficile. Ces enfants ont souvent fait la guerre d'Algérie. Ils ont souvent servi la nation quand elle le leur a demandé. Madame la ministre, je le crois, en 2000, on a créé une injustice en voulant à juste titre offrir une réparation, cela fait aujourd'hui treize ans. En 2004, on a voulu remédier à cette injustice par un nouveau texte qui est insuffisant, cela fait huit ans. Aujourd'hui, nous avons la responsabilité collective, je dis bien collective, sur tous les bancs de l'hémicycle, de corriger cette nouvelle injustice.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Bacquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre

Ministère interrogé : Anciens combattants

Ministère répondant : Anciens combattants

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2013

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