fonctionnement
Question de :
M. Jean-Pierre Blazy
Val-d'Oise (9e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Pierre Blazy interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le manque de moyens de la justice dans le Val d'Oise. Dans ce département, qui connaît pourtant une augmentation non négligeable des faits de délinquance, notamment chez les jeunes, il existe en effet un déficit important de postes. Des efforts ont été faits récemment pour améliorer la situation mais il lui semble que de nouvelles mesures pour permettre à la justice de travailler plus efficacement et plus rapidement sont nécessaires notamment pour augmenter le nombre de greffiers et de magistrats du premier grade. Par ailleurs, le nombre de personnes incarcérées dans le Val d'Oise continue de croître ce qui rend le travail du service pénitentiaire d'insertion et de probation difficile malgré des créations récentes de postes. Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à une situation qui, si elle n'est pas nouvelle, est de plus en plus préoccupante.
Réponse en séance, et publiée le 20 mai 2015
MANQUE DE MOYENS DE LA JUSTICE DANS LE VAL D'OISE
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour exposer sa question, n° 1043, relative au manque de moyens de la justice dans le Val d'Oise.
M. Jean-Pierre Blazy. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux. Dans le département du Val d'Oise, toujours en croissance démographique et très jeune, qui connaît une augmentation non négligeable des faits de délinquance, il y a un déficit très important de postes dans différents services. Je sais que des efforts ont été faits, mais à l'exception de la protection judiciaire de la jeunesse, la situation n'est pas convenable. Le procureur de la République de Pontoise a précisé que cinq postes font défaut au parquet, soit 25 % des besoins. Il manque des vice-procureurs et des procureurs adjoints, qui sont indispensables. Le pourcentage d'effectifs manquants au siège atteint aujourd'hui les 12 %, contre 4 % il y a trois ans. Faute d'un nombre suffisant de juges d'application des peines, alors que le nombre de personnes attendant de purger leur peine était de 1 755 en janvier 2013, il s'élève à 2 757 deux ans plus tard, ce qui est considérable.
Dans le fonctionnement de la juridiction, tous les services souffrent, à cause de l'effet ciseau produit par l'évolution de la charge de travail et la diminution des moyens humains. La situation est encore plus problématique au niveau du greffe, qui compte vingt-cinq emplois vacants pour deux cent un emplois localisés. En ce qui concerne le service pénitentiaire d'insertion et de probation – SPIP – l'effectif est depuis cette année en augmentation, ce qui est une bonne chose, mais le contexte de travail pour l'ensemble des personnels pénitentiaires est particulièrement difficile. À la maison d'arrêt, il y a douze conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et une directrice d'antenne pour 1 100 personnes. En un an, le SPIP du Val d'Oise est passé d'une moyenne de 850 détenus à une moyenne de 930, avec un taux d'occupation qui dépasse désormais les 155 %. La conséquence immédiate est la difficulté de parvenir à une véritable individualisation de la peine.
Lors de l'audience solennelle de rentrée du TGI de Pontoise, en janvier dernier, le procureur de la République a dit devoir « sacrifier l'accessoire pour préserver l'indispensable ». Le risque, dans cette situation de contrainte, est de voir la justice ne pas assurer son engagement de partenariat institutionnel dans les quatre zones de sécurité prioritaires du département et dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance – CLSPD. Je profite d'ailleurs de cette question pour rappeler la proposition n° 60 du rapport de la mission d'information relative à la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire dont j'étais le président et rapporteur, rendu en octobre 2014. J'y suggérais, et je suggère toujours, d'installer dans les tribunaux de grande instance situés dans des départements comprenant au moins une zone de sécurité prioritaire un chargé de mission dont le rôle serait d'établir un lien permanent entre le parquet et l'ensemble des partenaires de la justice, faute de quoi, en raison des contraintes que je viens d'exposer, il est impossible au procureur de la République et au parquet en général d'être présents dans les instances partenariales de coproduction de la sécurité.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me dire quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour remédier à une situation qui, si elle n'est pas nouvelle dans le Val d'Oise, est de plus en plus préoccupante ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député, vous connaissez bien, et depuis longtemps, ces questions auxquelles nous avons travaillé ensemble dans les années 90 et 2000, et vous les connaissez bien sûr encore mieux s'agissant du département du Val d'Oise. Vous avez appelé l'attention de Mme la garde des sceaux sur la situation des effectifs des juridictions du Val d'Oise et sur celle du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
S'agissant, tout d'abord, des magistrats, je vous précise que la circulaire de localisation des emplois pour l'année 2014 fixe l'effectif des magistrats du tribunal de grande instance de Pontoise à quatre-vingt-dix-huit, soit soixante-neuf magistrats au siège et vingt-neuf au parquet. Alors qu'actuellement cinq postes de magistrats du siège sont vacants, deux magistrats supplémentaires devraient, sous réserve de l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, arriver dès septembre prochain dans votre juridiction.
La situation des juridictions reste difficile sur le plan national en raison de l'absence de recrutements suffisants par le précédent gouvernement. Alors qu'il aurait fallu recruter plus de 300 magistrats par an, seule une centaine l'ont été, conduisant à plus de 500 vacances actuellement dans les juridictions. La politique volontariste de la garde des sceaux, qui recrute plus de 300 magistrats par an depuis 2012, permettra dès septembre prochain d'assurer l'arrivée de davantage de magistrats qu'il n'y aura de départs à la retraite. La situation reste toutefois délicate et la garde des sceaux veille à répartir équitablement les vacances sur l'ensemble du territoire, tout en assurant les priorités du Gouvernement, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, la radicalisation et les discriminations.
S'agissant des effectifs de fonctionnaires, le TGI de Pontoise dispose d'un effectif réel de 199 agents, pour un effectif localisé de 201 agents. La garde des sceaux a créé en 2015 quatre nouveaux postes de greffiers au tribunal et a fait publier en prévision des commissions administratives paritaires de cette fin de premier semestre les différents postes vacants dans les juridictions d'instance du ressort. La garde des sceaux souhaite notamment renforcer d'un greffier supplémentaire la maison de justice et du droit de Sarcelles, dès septembre 2015.
Vous avez également interrogé Mme la garde des sceaux sur la situation du SPIP du Val d'Oise, plus spécifiquement au regard de ses effectifs. Les SPIP, auxquels incombe la prise en charge quotidienne des personnes placées sous main de justice, ont un rôle essentiel dans la lutte contre la récidive et pour la réinsertion. Le Gouvernement, conscient de la nécessité de renforcer les effectifs de ces services, a décidé de créer 1 000 emplois dans les SPIP entre 2014 et 2017, soit une augmentation sans précédent des effectifs de 25 %. Ainsi, 371 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation – CPIP – rejoindront les services au terme de leur année de formation à l'école nationale d'administration pénitentiaire, le 31 août 2015, dont 300 correspondent aux premiers recrutements permis par ce plan de renfort exceptionnel.
Comme vous le signalez, le nombre de personnes incarcérées dans le Val d'Oise a fortement augmenté l'année dernière, passant de 800 au 1er janvier 2014 à 905 au 1erjanvier 2015. Le SPIP du Val d'Oise comprend deux antennes : Osny, en milieu fermé, qui dispose de 8,3 CPIP, et Pontoise, en milieu ouvert, dont l'effectif est de 27,9 CPIP. Lors de la commission administrative paritaire, au cours de laquelle sont examinées les demandes de mouvement, qui s'est tenue en avril dernier, une création de poste a été proposée à l'antenne d'Osny, mais n'a pas été pourvue. S'agissant de Pontoise, six postes ont été proposés dont quatre qui correspondaient à des créations ; cependant aucun d'entre eux n'a été pourvu et un départ supplémentaire a été constaté. Les emplois vacants du SPIP du Val d'Oise vont être pourvus dès le départ des titulaires à la fin de l'été, sur les 371 CPIP stagiaires de la promotion 2014. Ainsi, l'antenne d'Osny sera bien pourvue de 9,3 conseillers et celle de Pontoise de 31,9. Le service sera également renforcé de deux postes supplémentaires en 2016 puis en 2017. Le SPIP du Val d'Oise continue de faire l'objet de toute l'attention du ministère de la justice.
Auteur : M. Jean-Pierre Blazy
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2015