Question orale n° 1080 :
immigration

14e Législature

Question de : Mme Marie-Françoise Bechtel
Aisne (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Marie-Françoise Bechtel interroge M. le ministre de l'intérieur sur les questions d'asile et d'immigration. S'il faut approuver le rejet des quotas, il faut également reconnaître que le partage du fardeau reste nécessaire. Il faut bien distinguer asile et immigration avec un projet de loi sur l'asile, efficace et bien inspiré, et un projet de loi sur l'immigration à venir. Elle l'interroge donc sur les contours de ce futur projet de loi. Il faut élargir le champ en prenant conscience que la question des migrations est une question mondiale et pas seulement européenne et encore moins française. A cet égard, un travail qui pourrait venir du parlement serait très utile. Elle l'interroge également sur l'opportunité d'un tel travail parlementaire.

Réponse en séance, et publiée le 3 juin 2015

CONTENU DU FUTUR PROJET DE LOI SUR L'IMMIGRATION
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour exposer sa question, n°  1080, relative au contenu du futur projet de loi sur l'immigration.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Madame la secrétaire d'État, les questions posées par l'immigration sont de celles que tout gouvernement est obligé d'affronter depuis au moins une vingtaine d'années. L'objectif permanent d'intégration est de plus en plus bousculé, voire chahuté par des préoccupations immédiates, dont témoigne depuis des mois l'afflux des migrants en Méditerranée.

Cet afflux continu donne lieu aujourd'hui à une véritable situation de crise de la gestion des entrées et du maintien sur le territoire, qui a elle-même donné lieu à une recommandation de la Commission, laquelle sera examinée lors du prochain Conseil européen qui se tiendra en juin. Cette recommandation de la Commission a posé un faux problème concernant les quotas, auquel le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont fort bien répondu ; c'est à mes yeux un faux débat !

La question du balisage interne de notre action, dans le pays lui-même, n'est pas, en revanche, un faux débat. À cet égard, le futur projet de loi relatif à l'immigration ne peut répondre, nous le comprenons, à toutes les questions ni à tous les problèmes qui se posent. Cela étant, comment le Gouvernement pense-t-il inscrire dans la réalité ce projet de loi, sans céder ni à la tentation facile du repliement, ni à la tentation tout aussi facile d'un accueil non calibré et non réfléchi ?

Au-delà de ce projet de loi, une réflexion large ne doit-elle pas être engagée sur la réalité des migrations, comme le fait périodiquement l'Organisation internationale pour les migrations auprès de l'ONU ? Il serait pourtant utile que, dans notre pays, une vraie recherche soit menée publiquement, si possible en associant le Parlement, sur les différents modes de migration et de séjour, car ils sont très différents selon les pays d'origine, sur l'origine des migrants, sur les raisons pour lesquelles des migrants vont à l'extérieur, indépendamment de la douloureuse question de l'asile, posée aujourd'hui de manière spécialement névralgique.

Au-delà de la question économique, c'est ainsi la meilleure manière de poser la question de l'intégration, concept dans lequel, autant que je sache, notre République continue à se reconnaître et doit continuer de le faire.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur. La Commission européenne a présenté la semaine dernière ses propositions relatives au mécanisme temporaire de relocalisation des demandeurs d'asile en besoin manifeste de protection entre les États membres de l’Union européenne. La France est ouverte à l'examen d'un mécanisme de répartition solidaire, au niveau européen, des demandeurs d'asile. Cinq États membres sont en effet en charge de 75 % des demandeurs d'asile aujourd'hui dans l’Union européenne : cette situation n'est pas soutenable.

Une solidarité accrue entre États membres de l'Union n'est possible que si chacun assume pleinement ses responsabilités au regard de l'ensemble des règles essentielles au bon fonctionnement de l'espace Schengen, en particulier celles relatives aux contrôles aux frontières extérieures. Cette responsabilité engage les pays de première entrée. L'équilibre entre responsabilité et solidarité devra donc être pleinement respecté pour parvenir à un mécanisme de répartition solidaire au niveau européen.

Les mesures présentées par la Commission doivent être complétées à cette aune. Il est ainsi indispensable de mettre en place, dans les pays les plus touchés et avec le soutien de l’Union européenne, des dispositifs incontestables permettant d'identifier rapidement, selon des critères solides et partagés, les migrants en besoin manifeste de protection. Les migrants irréguliers devront, pour leur part, faire l'objet de mesures de retour et d'éloignement depuis le premier pays d'entrée, avec le soutien de Frontex.

De plus, la clé de répartition devra mieux prendre en compte les efforts déjà effectués par les États membres dans le cadre de la protection internationale ainsi que d'autres formes d'assistance, telles que les admissions humanitaires. Tels sont les principes que la France défendra dans le cadre des discussions approfondies à venir sur les propositions de la Commission.

Sur l'immigration au plan national, trois objectifs fondent la politique du Gouvernement : l'amélioration de nos dispositifs d'accueil et d'intégration des migrants nouvellement arrivés ; le renforcement du positionnement de la France dans les migrations de la création et du savoir ; la lutte contre les filières d'immigration clandestine, la fraude au séjour et l'immigration irrégulière.

Ces objectifs seront renforcés par le projet de loi relatif aux droits des étrangers, qui sera débattu au Parlement durant l'été. Ce projet de loi comprend un parcours d'intégration réformé, avec de nouvelles exigences en matière de maîtrise de la langue ; la mise en œuvre du « passeport talent », pour attirer les étrangers que notre compétitivité ou notre rayonnement réclament ; le titre pluriannuel de séjour, pour favoriser l'intégration ; enfin, une lutte accrue contre la fraude au séjour et de nouveaux dispositifs pour favoriser la reconduite des étrangers en situation irrégulière dans le respect de leurs droits.

Le Gouvernement est bien sûr favorable à ce que le Parlement se saisisse de ces questions. La qualité des rapports parlementaires dont il a bénéficié, sur l'asile et sur le droit au séjour, démontre la capacité du Parlement à se saisir de ces questions dans un cadre dépassionné.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. L'inégalité de l'accueil par les États membres, que vous avez soulignée, tient à des traditions géopolitiques et culturelles ainsi qu'aux nécessités de l'économie. Je note que le projet de loi cherche un équilibre entre l'accueil, avec le titre de séjour pluriannuel qui doit conduire à l'intégration, et la promotion d'un passeport talent, qui existe déjà dans d'autres pays d'Europe et que nous serions bien inspirés d'utiliser également.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Françoise Bechtel

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2015

partager