liberté de culte
Question de :
Mme Michèle Delaunay
Gironde (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Michèle Delaunay attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'importance de manifester par des actions concrètes notre exigence d'une laïcité de dialogue et de concorde capable de prévaloir sur l'obscurantisme, le fanatisme et les intégrismes. Notre République doit répondre à cette exigence d'une laïcité qui réunit et non pas qui sépare ou qui exclue. Elle se doit par exemple de proposer des lieux susceptibles d'accueillir et de concrétiser un rapprochement interreligieux respectant l'identité de chaque culte. En ces lieux pourront se tenir des conférences, des débats, des événements culturels, mais aussi des cérémonies républicaines et/ou multiconfessionnelles. À Bordeaux, ville de dialogue interreligieux, elle a proposé aux représentants des différents cultes ainsi qu'au maire de redonner à un temple protestant désaffecté sa place au sein de la cité en renouant avec sa dimension culturelle, spirituelle et sociale. Les uns et les autres ont été favorables à cette proposition et un groupe de travail s'est d'ores et déjà mis en place. Alors que le Gouvernement a rappelé l'importance de la laïcité comme fondement de notre République et d'autre part du dialogue interreligieux, elle souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour soutenir et appuyer ce type de démarche.
Réponse en séance, et publiée le 17 juin 2015
PROMOTION DE DÉMARCHES FAVORISANT LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour exposer sa question, n° 1127, relative à la promotion de démarches favorisant le dialogue interreligieux.
Mme Michèle Delaunay. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, la religion est aujourd'hui trop souvent utilisée comme une arme, outil d'un nationalisme mal compris. Face à ce mésusage de la religion, qui n'est pas sans impact au sein même de notre pays, la laïcité doit constituer la maison commune de tous les Français. Elle doit être ouverte, réunir et non diviser ou exclure.
Dans cette perspective, afin de favoriser cette laïcité ouverte, j'ai proposé au maire de Bordeaux, ville cultivant depuis Montaigne une tradition de modération et de dialogue, de faire usage d'un temple protestant emblématique de notre ville et désaffecté depuis trente ans. Il s'agit d'un bâtiment noble, de grande prestance, invitant au dialogue et au recueillement. J'ai proposé qu'il puisse accueillir au premier chef des cérémonies laïques comme par exemple des parrainages républicains ou des funérailles laïques, mais aussi qu'il puisse être un lieu de dialogue et de culture interreligieuse : ainsi, dans des cas exceptionnels – cela aurait pu être l'assassinat de nos otages, qui ont été égorgés, ou les événements de Toulouse – des célébrations œcuméniques – « célébrations » ne signifiant pas « messes » – pourraient se tenir dans ce lieu laïc pour manifester le dialogue et la concorde entre les différentes religions de notre pays. Cette proposition n'a pas été accueillie défavorablement par le maire et un groupe de travail se met en place.
Je demande au ministre de l'intérieur, par votre intermédiaire, madame la secrétaire d'État, quelle est la position de l'État sur le fait que les communes emploient ainsi des bâtiments qui leur appartiennent – ce bâtiment bordelais étant, je le répète, désaffecté – et sur cette conception de la laïcité qui réunit et rassemble les Français dans un idéal commun.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la députée, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement partage pleinement votre souhait de faire prévaloir une laïcité de dialogue et de concorde, qui permette de rassembler nos concitoyens autour de valeurs communes plutôt que de les opposer les uns aux autres. C'est dans cet esprit qu'a été réunie hier à Paris, au ministère de l'intérieur, une instance de dialogue avec l'islam de France, qui a été ouverte par le Premier ministre et à laquelle ont participé 150 représentants du culte musulman, autour du Conseil français du culte musulman, afin d'examiner avec les représentants de l'État des questions très concrètes liées à l'exercice du culte musulman : la construction et la gestion des lieux de culte, le statut des aumôniers et des imams, l'organisation des pratiques rituelles, la protection des lieux de culte et la lutte contre les actes anti-musulmans. Cette instance a vocation à se réunir au moins une fois par an. Il existe par ailleurs, comme vous le savez, une instance de dialogue avec l'Église catholique.
C'est dans le même esprit que le Gouvernement souhaite encourager les initiatives locales prises pour encourager le dialogue entre les représentants des cultes, comme celle dont vous faites état à Bordeaux. En effet, si le dialogue interreligieux, dans sa dimension théologique, n'est nullement du ressort de l'État, la coexistence des différentes familles spirituelles et les échanges qu'elles peuvent nouer afin de contribuer au vivre-ensemble constituent un sujet dont il ne saurait se désintéresser.
Le ministère de l'intérieur a donc commandé à l'Inspection générale de l'administration un rapport sur le dialogue interreligieux et la laïcité républicaine. Il s'agit de recenser les initiatives existantes, de dresser la liste des bonnes pratiques qui pourraient être diffusées à l'échelle nationale et d'examiner le rôle que pourraient jouer, le cas échéant, les préfets et les services en charge de la politique de la ville, en vue de les encourager.
Madame la députée, le Gouvernement ne manquera pas de vous tenir informée des conclusions de ce rapport et des suites qu'il se proposera de lui donner.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Je me réjouis bien sûr de cette position. Je crois qu'il est important de la matérialiser, de la concrétiser et, si j'ose dire, même si le terme peut paraître ambigu, de « l'incarner » par des actes et non seulement par des paroles. Tel était l'objet de ma proposition.
Auteur : Mme Michèle Delaunay
Type de question : Question orale
Rubrique : Cultes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2015