sécurité des biens et des personnes
Question de :
Mme Valérie Boyer
Bouches-du-Rhône (1re circonscription) - Les Républicains
Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les règlements de comptes à répétition qui ont lieu à Marseille. Depuis le début de l'année, on décompte près d'une dizaine d'homicides liés au trafic de drogue dans la cité phocéenne. En juin 2015, un important coup de filet a eu lieu dans la cité de la Castellane, véritable « marché de la drogue » à ciel ouvert, qui génère plus de 40 000 euros chaque jour. Une trentaine d'individus a ainsi été arrêtée, des armes confisquées et des stupéfiants saisis. Mais si cette opération a momentanément stoppé le trafic de drogue, il reprendra comme à son habitude dans ce secteur. Pour faire face à ce regain de violence, des mesures ont été mises en place par la ville de Marseille. Ainsi, bien que la lutte contre la grande délinquance ne relève pas de la compétence de la police municipale, le maire de Marseille a décidé de doubler ses effectifs et de l'armer. Pour répondre aux attentes des marseillais en termes de sécurité, 1 000 caméras de vidéo-protection ont aussi été installées. Le Gouvernement présente des chiffres encourageants qui témoigneraient de la baisse de la délinquance marseillaise. Pourtant, ces événements sont la preuve que le trafic, l'argent sale et les règlements de comptes gangrènent toujours l'ensemble de la ville. Il apparaît évident que la réalité des chiffres ne reflète pas celle vécue par les marseillais au quotidien. En 2013, le Gouvernement, avait commandé un rapport, sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure, qui indiquait que ces données, ne seraient pas fiabilisées avant 2017. Dans ce contexte, elle prie le ministre de bien vouloir se prononcer sur la fiabilité des chiffres issus du logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN), dont les dysfonctionnements ont déjà été prouvés.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2015
DÉLINQUANCE À MARSEILLE ET FIABILITÉ DES CHIFFRES DU LOGICIEL DE RÉDACTION DES PROCÉDURES DE LA POLICE NATIONALE
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour exposer sa question, n° 1133, relative à la délinquance à Marseille et à la fiabilité des chiffres du logiciel de rédaction des procédures de la police nationale.
Mme Valérie Boyer. Cette question, madame la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État, s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Comme vous le savez, Marseille est le théâtre de règlements de compte à répétition. Nonobstant le courage et l'exemplarité dont nos forces de l'ordre ont fait preuve au cours des événements tragiques que la France a connus, on décompte depuis le début de l'année près d'une dizaine d'homicides liés au trafic de drogue dans la cité phocéenne.
En juin dernier, un important coup de filet a eu lieu dans la cité de la Castellane, véritable marché de la drogue à ciel ouvert, qui génère plus de 40 000 euros par jour. Une trentaine d'individus ont été arrêtés, des armes ont été confisquées et des stupéfiants saisis. Si cette opération a momentanément stoppé le trafic de drogue à cet endroit, il a, comme d'habitude, repris ailleurs dans le secteur.
Pour faire face à ce regain de violence, le sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, a mis en place de nombreux moyens. Ainsi, bien que la lutte contre la grande délinquance ne relève pas de la compétence de la police municipale, le maire a décidé de doubler ses effectifs et de l'armer. Pour répondre aux attentes des Marseillais en termes de sécurité, mille caméras de vidéoprotection ont été installées.
Le Gouvernement publie des chiffres encourageants, qui témoigneraient de la baisse de la délinquance à Marseille. Pourtant, ces événements sont la preuve que le trafic, l'argent sale et les règlements de compte gangrènent toujours l'ensemble de notre ville. Il apparaît évident que ces chiffres ne reflètent pas la réalité vécue par les Marseillais au quotidien.
En 2013, Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, commandait un rapport sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure. Ce rapport indiquait clairement que les statistiques de la délinquance enregistrées par la police nationale ne seraient pas fiabilisées avant 2017. Il est clairement expliqué que le fait de se faire arracher un objet des mains, comme un téléphone ou un sac, constitue, non pas un vol à l'arraché mais un vol simple. Il circule en effet dans les commissariats des notes de service demandant aux agents de requalifier ces actes en vols simples. Si je me fais voler un objet dans un sac que je porte en bandoulière, les statistiques parleront donc d'un vol simple. Décidément le nombre de ces vols va exploser ! Il en est de même pour les actes tels que le home-jacking le cambriolage, etc. Avec de telles consignes, ne nous étonnons pas de constater une baisse, que vous qualifierez de significative, de la délinquance à Marseille ainsi que du nombre des peines et des amendes qui la sanctionnent.
Après les événements tragiques qui ont frappé Paris la semaine dernière et il y a quelques mois, et d'autres qui ont eu lieu dans d'autres endroits en France, ce que les Français attendent de vous, ce n'est pas de la complaisance, c'est la vérité, sur les chiffres de la délinquance et sur les liens entre délinquance et terrorisme. Ils attendent de l'action, pas de la dissimulation au moyen de statistiques ne reflétant pas la réalité que vivent les Français sur le terrain, les Marseillais en particulier.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Je vous prie, madame la députée, de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur. Il aurait souhaité répondre à votre question et je lui ferai part de votre intervention.
Je tiens tout d'abord à vous redire toute la détermination du Gouvernement à lutter contre la délinquance, en particulier à Marseille, où, depuis 2012, des moyens importants ont été déployés dans ce but. On commence à en percevoir les effets. Nous allons poursuivre en ce sens et nous devrions de ce point de vue vous donner pleinement satisfaction. La détermination du Gouvernement est totale et je crois qu'il l'a démontré. Je prends acte également de l'engagement des élus locaux, que vous avez vous-même souligné.
Vous mettez en cause la fiabilité des éléments statistiques. Pourtant depuis 2012 a été engagée une réforme extrêmement ambitieuse des statistiques de la délinquance visant à mettre fin à ces polémiques incessantes et aux instrumentalisations auxquelles ces chiffres donnent lieu depuis des années, qui ne sont dans l'intérêt de personne et qui, en tout cas, ne permettent pas aux citoyens d'y voir clair.
Cette réforme ambitieuse, qui remet en cause la façon dont ces mesures étaient conduites, répond une double exigence : une exigence de rigueur, le dispositif statistique ayant reçu le label de l'Autorité de la statistique publique, ce qui a des conséquences importantes, et une exigence de fiabilité, par la mise en place de nouveaux outils.
Il s'agit bien sûr d'éviter les approximations, mais au-delà c'est la conception de ces outils statistiques qui sera fondamentalement changée. Dans le dispositif antérieur, l'élaboration des statistiques et le recueil des plaintes constituaient deux procédures parallèles et distinctes. Désormais, c'est le même outil qui permettra de recueillir les plaintes et de produire les statistiques. On évitera ainsi à la fois les erreurs de retranscription et les différences qu'il pouvait y avoir entre ce qui était recensé et ce qui figurait dans les statistiques.
Cet élément de fiabilisation est extrêmement important. C'est une évolution majeure, qui va dans le sens que vous souhaitez, d'une rigueur et d'une fiabilité renforcées. Elle permettra d'aligner cet outil statistique sur ceux en vigueur dans d'autres secteurs de la vie de notre pays – je pense notamment aux données recensées par l'INSEE dans la sphère économique : c'est le même outil qui enregistre les données de base et qui produit les statistiques.
J'espère que vous pourrez saluer d'ici quelque temps les effets de cette fiabilisation. Il faut mettre fin à ces polémiques inutiles qui ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Ce n'est pas tant les statistiques que je remets en cause que la façon dont on minimise les faits. J'ai cité des notes qui circulent dans les services de police : comment expliquez-vous que l'on demande d'enregistrer les vols à l'arraché comme des vols simples ? C'était le sens de ma question, à laquelle je regrette de ne pas avoir obtenu de réponse.
Auteur : Mme Valérie Boyer
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2015