Question orale n° 1149 :
logement social

14e Législature

Question de : M. Malek Boutih
Essonne (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Malek Boutih interroge Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur la démarche interministérielle de lutte contre les logiques de ségrégation qualifiées d' « apartheid territorial, social et ethnique » par le Premier ministre. Il l'interroge sur l'opportunité de demander aux bailleurs sociaux et aux préfets de département la publication annuelle et nominative des attributions de logements sociaux, locatifs et en accession à la propriété, pour les nouveaux entrants et les relogements, faisant figurer la localisation desdits logements. En tenant évidemment compte des réserves prévues par les textes qui régissent la Commission nationale de l'informatique et des libertés et la Commission d'accès aux documents administratifs, il souhaite que cette piste soit étudiée, dans un objectif de transparence mettant les acteurs locaux, publics et parapublics, face à leurs responsabilités, afin de rompre avec les logiques insidieuses ou inconscientes de ces derniers qui conduisent à un séparatisme social fondé en partie sur les origines supposées des ménages. Il souhaite également obtenir des précisions sur la déclinaison opérationnelle des objectifs annoncés lors du comité interministériel du 6 mars 2015 concernant la politique de peuplement et la promotion de la mixité sociale.

Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2015

LUTTE CONTRE LA SÉGRÉGATION EN MATIÈRE DE LOGEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Malek Boutih, pour exposer sa question, n°  1149, relative à la lutte contre la ségrégation en matière de logement.

M. Malek Boutih. J'ai souhaité interpeller Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité dans le même esprit que M. Falorni – c'est-à-dire en vue de contribuer à ce que les grandes décisions et les grandes déclarations soient suivies d'effet sur le terrain – sur les questions relatives à la répartition des populations en France, en particulier dans le logement social, situation que le Premier ministre avait qualifiée de véritable apartheid.

Mon expérience militante et associative m'a maintes fois prouvé qu'il n'y a pas de hasard à ce que certaines populations étrangères ou françaises soient, en fonction de critères absolument interdits par la loi – c'est-à-dire ethniques, de nationalité ou d'origine –, concentrées dans un certain nombre de territoires.

Cette concentration a, on le sait, des effets terribles sur le tissu républicain : bien évidemment, on en voit – malheureusement – certaines conséquences dans la société française.

De multiples mesures – et ce depuis plusieurs années – ont été annoncées, notamment au cours du comité interministériel « égalité et citoyenneté », réuni les 6 mars et 26 octobre 2015. Ces réunions ont eu pour objet de détailler les mesures que le Gouvernement souhaitait prendre suite aux attentats du mois de janvier.

Il n'en reste pas moins que les grandes décisions échappent souvent aux véritables acteurs de la politique de peuplement. De ce point de vue, je pense que la société peut, grâce à la transparence, jouer un rôle extrêmement important. J'ai donc demandé qu'une expérimentation soit menée, de manière annuelle et sur l'ensemble des départements, afin de rendre publiques les attributions de logements sociaux en France, de manière nominative, et en faisant figurer les adresses concernées.

Cela permettrait de voir à qui, et dans quelles zones précisément, ont été attribués ces logements. Une telle expérimentation vise à lutter contre la concentration ethnique et contre toutes les méthodes utilisées, de manière souvent cachée, en vue d'organiser cette concentration. Elle vise également, bien évidemment, à lutter contre toutes les formes de clientélisme, dans un secteur, le logement social, qui a aujourd'hui des répercussions terribles sur le tissu républicain.

Voilà pourquoi j'ai souhaité, bien évidemment en conformité avec l'ensemble des textes qui protègent les données privées, que l'on puisse rendre publiques cette liste.

Il ne me semble pas que cela constitue une demande exagérée, dans une période où le contrepoids de la société est nécessaire pour obliger les politiques publiques à aller jusqu'au bout et pour contraindre toute une série d'acteurs de la chaîne d'attribution des logements à respecter la loi ainsi que l'intérêt collectif du pays et des territoires dans lesquels ils agissent.

Telle est, madame la ministre, la question que je voulais poser.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, je connais vos préoccupations, l'attention que vous portez à ces sujets ainsi que votre engagement les concernant, mais le Gouvernement y est également attentif.

Le comité interministériel « égalité et citoyenneté », réuni les 6 mars et 26 octobre 2015, a montré sa détermination à favoriser la mixité sociale – il s'agit d'une des réponses, qui est extrêmement importante – au sein des quartiers et des immeubles.

En effet, toutes les catégories sociales doivent pouvoir être représentées sur un même territoire. L'action publique doit permettre aux quartiers prioritaires de la politique de la ville de gagner en attractivité et aux autres quartiers de s'ouvrir à l'accueil de nouvelles populations. Il faut aussi donner l'opportunité à des ménages aux revenus modestes d'accéder à des logements dans les secteurs les plus favorisés. En ce sens, une réforme des politiques d'attribution est nécessaire.

Des décisions ont été prises, dont certaines peuvent être mises en place à court terme, tandis que d'autres, qui relèvent du niveau législatif, seront inscrites dans le projet de loi en cours de finalisation qui sera déposé au Parlement prochainement.

Ces mesures consistent à mettre en œuvre, de manière dynamique, les dispositions de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, qui font du niveau intercommunal le niveau pertinent de gestion de la demande de logement social et de détermination des objectifs d'attribution de logements sociaux.

La conférence intercommunale du logement, obligatoire pour les établissements publics de coopération intercommunale – les EPCI – ayant des quartiers prioritaires et qui est chargée d'élaborer les orientations relatives aux attributions a fait l'objet d'une instruction du Gouvernement en date du 3 novembre 2015 afin d'en accélérer la mise en place partout où celle-ci n'est pas encore effective.

En outre, les différents décrets publiés le 13 mai 2015 permettent, d'une part, d'instaurer une transparence entre acteurs sur leurs pratiques et, d'autre part, de rendre effectif le droit à l'information des demandeurs et du public créé par la loi ALUR.

Cette disposition a été concrétisée avec la mise en ligne sur le portail internet concerné – www.demande-logement-social.gouv.fr – d'une fonctionnalité permettant à tout internaute de consulter, pour chaque commune de France, les chiffres-clés du logement social.

Le projet de loi en préparation permettra d'aller plus loin en fixant des principes destinés à renforcer l'équilibre entre les territoires, sans méconnaître le respect du droit au logement.

Il ne nous semble pas, monsieur le député, qu'une mesure telle que la publication nominative des attributions de logements sociaux soit de nature à faciliter l'application des dispositions en vigueur ou prévues.

Mme la présidente. La parole est à M. Malek Boutih.

M. Malek Boutih. Je remarque que la ministre n'a fait que détailler un ensemble de mesures qui ont déjà été rendues publiques, et que la transparence n'est pas encore de mise : c'est un véritable problème.

À titre personnel, je ne crois aucunement à l'efficacité de mesures qui continuent à se cacher derrière l'expression mixité sociale, alors qu'il s'agit, aujourd'hui, de la diversité des populations françaises.

Données clés

Auteur : M. Malek Boutih

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement, égalité des territoires et ruralité

Ministère répondant : Logement, égalité des territoires et ruralité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2015

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