Question orale n° 1154 :
bois de chauffage

14e Législature

Question de : M. Yves Goasdoué
Orne (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Yves Goasdoué appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les conséquences environnementales que peuvent avoir les coupes de bois à blanc. Ces coupes, réalisées dans des conditions exécrables, mettent à mal la repousse des végétaux afin d'alimenter les chaufferies bois dont se sont équipées depuis quelques années, sous l'impulsion et avec l'aide de l'État, les grandes collectivités ou hôpitaux. Il constate que ces opérations, réalisées à la cisaille et ne respectant pas les règles de l'art permettant le recepage des haies, se multiplient dans des secteurs très ruraux ne possédant pas de document d'urbanisme protecteur. Il constate que des opérations de ce type ont récemment eu lieu dans le département de l'Orne suscitant la réprobation des populations. Pour autant, aucune disposition légale ne semble opposable pour éviter ce qui constitue une véritable modification dommageable et durable du paysage bocager. Il craint que la demande en bois ne soit pas assez organisée par des filières normées, devienne trop importante, et par conséquent alimente un marché inflationniste et destructeur de l'environnement. Il lui demande de bien vouloir lui préciser, au vu de la multiplication des chaufferies bois, quelles mesures lui semblent nécessaires pour réguler le marché et inciter les opérateurs publics à vérifier et certifier la provenance des bois déchiquetés ainsi que leur mode d'exploitation.

Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2015

CONSÉQUENCES DE LA MULTIPLICATION DES CHAUFFERIES BOIS SUR LA DEMANDE EN BOIS
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour exposer sa question, n°  1154, relative aux conséquences de la multiplication des chaufferies bois sur la demande en bois.

M. Yves Goasdoué. Je souhaitais appeler l'attention du ministre de l'agriculture sur l'approvisionnement en matière première des chaufferies bois, sur l'origine de ce bois et les techniques de coupe.

Dans un souci, louable, d'écologie et de lutte contre le réchauffement climatique, les collectivités ou les hôpitaux, avec le soutien de l'État, s'équipent en chaufferies bois. Pour alimenter en matière première ces chaufferies industrielles, le prestataire démarche les agriculteurs et leur propose de s'occuper de l'entretien de leurs haies.

Bien souvent, malheureusement, ces coupes, voire ces arrachages, sont réalisés en dehors de tout plan de gestion de haies, dans l'unique souci de réaliser un bénéfice immédiat, et la repousse peut par la suite s'avérer impossible. Dans des départements tels que l'Orne, la multiplication des chantiers de ce type finit par menacer l'équilibre paysager de notre bocage.

Aujourd'hui, le seul outil de protection existant est le plan local d'urbanisme. Encore faut-il que tous les territoires et les communes soient dotés de tels plans et que ceux-ci visent bien les haies.

Au niveau européen, le versement de certaines aides de la nouvelle PAC est soumis au respect d'exigences de base en matière de bonnes conditions agricoles et environnementales – les fameuses BCAE. Au titre des BCAE 7, les haies devraient désormais être répertoriées et faire l'objet d'une protection contre toute destruction abusive. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, où en est ce travail de cartographie ?

Par ailleurs, ne peut-on pas généraliser l'usage des plans de gestion des haies comme on le fait pour le bois de forêt ? Pour chaque exploitation, un potentiel de prélèvement de bois de haies serait déterminé. La SCIC Bois Bocage Énergie a mesuré que, dans l'Orne, une exploitation de cent hectares comptait en moyenne dix à quinze kilomètres de haies. Sur l'ensemble de ces kilomètres, le potentiel d'accroissement annuel est estimé à cinquante tonnes. Ne serait-il pas raisonnable de fixer une limite au prélèvement en tenant compte de cette productivité ?

L'hiver arrivant, le besoin en bois s'accentue et les coupes de haies s'étendent. Pour que l'énergie bois reste une énergie renouvelable il semble nécessaire d'en encadrer l'exploitation. Pourriez-vous préciser, monsieur le secrétaire d'État, les intentions du Gouvernement en la matière ? Quelles mesures de traçabilité et de gestion durable du bois servant à alimenter les chaufferies publiques entend-il mettre en œuvre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Stéphane Le Foll qui est en déplacement dans l'Hérault pour assister au salon SITEVI.

L'utilisation du bois comme source d'énergie répond aux priorités françaises et européennes en ce qui concerne l'augmentation de la production d'énergies renouvelables et l'atténuation du changement climatique. L'État aide financièrement, via le Fonds chaleur, collectivités et entreprises à acquérir des équipements de chauffage au bois, mais il assure également des financements visant à encourager la récolte de bois issu d'une gestion durable à même d'approvisionner ces chaufferies. Pour le Gouvernement c'est fondamental car il s'agit d'éviter les coupes à blanc que vous évoquez, et qui ne doivent plus être réalisées dans les conditions que vous décrivez.

L'approvisionnement, dans des conditions durables, des chaufferies a justement fait l'objet de l'appel à manifestation d'intérêt « DYNAMIC Bois » lancé par l'ADEME en 2015 et qui sera reconduit en 2016. Ce dernier a permis l'émergence de projets territoriaux visant à améliorer l'organisation de la filière bois-énergie et à garantir une mobilisation durable de la ressource en bois : vingt-quatre dossiers ont été retenus, pour un total de trente-cinq millions d'euros. Plus d'un tiers de ces crédits permettront de replanter des surfaces. Ce type de financements permet de réduire la pression de coupe sur des zones sensibles, comme le bocage normand, et déjà fortement exploitées.

Par ailleurs, votre question renvoie plus largement aux conditions du développement de l'agroforesterie, qui est l'une des clés du projet agro-écologique pour la France lancé en décembre 2012 par Stéphane Le Foll. Dans ce cadre, le ministre de l'agriculture a demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux de proposer un plan d'action en faveur de l'agroforesterie, ce qui a conduit à la publication d'un rapport de mission en février dernier. Sur cette base, le ministère de l'agriculture prépare un plan national de développement de l'agroforesterie qui sera présenté le 17 décembre 2015.

Au moment où se développent des projets d'utilisation du bois comme source d'énergie qui impactent le bocage, les questions des plans de développement durable du bocage et de la qualification comme « bois agroforestier géré durablement » sont fondamentales. Elles seront abordées dans le cadre de ce plan national.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Goasdoué.

M. Yves Goasdoué. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse particulièrement précise et du souci manifesté par le ministre de l'agriculture en ce qui concerne aussi bien la conservation de nos paysages que le développement de l'agroforesterie et la protection de tous les bocages, notamment normands ou vendéens. Mes craintes commencent à se dissiper.

Données clés

Auteur : M. Yves Goasdoué

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2015

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