médecins
Question de :
M. Olivier Marleix
Eure-et-Loir (2e circonscription) - Les Républicains
M. Olivier Marleix appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la possibilité d'autoriser les internes en médecine, sous certaines conditions, à exercer la médecine en tant que remplaçant ou adjoint d'un médecin, dans les zones où l'offre de soins est déficitaire. L'article L. 413162 du code de la santé publique prévoit qu'en cas d'afflux exceptionnel de population, les internes en médecine, ayant validé un certain nombre de semestres au titre du troisième cycle des études médicales, peuvent être autorisés pour une durée limitée à exercer la médecine soit à titre de remplaçant, soit comme adjoint d'un médecin. Il lui demande s'il pourrait être envisagé d'étendre cette possibilité offerte par le code de la santé publique aux situations de déficit de présence médicale. Cet assouplissement permettrait, sous le contrôle du représentant de l'État dans le département et du conseil départemental de l'ordre des médecins, d'apporter des solutions temporaires à la pénurie médicale qui affecte de nombreuses régions.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2015
EXERCICE DE LA MÉDECINE PAR LES INTERNES EN CAS DE PÉNURIE MÉDICALE
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour exposer sa question, n° 1165, relative à l’exercice de la médecine par les internes en cas de pénurie médicale.
M. Olivier Marleix. Madame la secrétaire d'État, les derniers atlas régionaux du Conseil de l’ordre des médecins publiés fin novembre montrent que les disparités d'accès aux soins entre les territoires demeurent et risquent de perdurer, en dépit des efforts des différents gouvernements.
La situation dans le département d'Eure-et-Loir est particulièrement inquiétante. Alors que la moyenne nationale est de 281 médecins pour 100 000 habitants, ce département ne compte que 205 médecins en activité régulière et le Conseil de l’ordre des médecins prévoit qu'en 2020, ils ne seront que 196. Pour le bassin de vie de Dreux, les chiffres sont encore plus alarmants : la densité des médecins généralistes y serait de 65 médecins pour 100 000 habitants. Or certains dispositifs existants et faciles à mettre en œuvre pourraient apporter localement des solutions temporaires à la pénurie médicale. Je pense à ceux prévus par l'article L. 4131-2 du code de la santé publique.
Très concrètement, dans ma circonscription, un projet de maison de santé pluridisciplinaire voit actuellement le jour dans le quartier des Bâtes à Dreux. Les médecins qui se battent pour le réaliser souhaiteraient y associer deux ou trois jours par semaine de jeunes médecins disponibles, ayant terminé leurs études sans avoir encore, toutefois, soutenu leur thèse. Ils ont déjà identifié trois candidats. Or, malgré la carence évidente de médecins et alors qu'il y va de l’intérêt des patients, le préfet a répondu que ces candidats ne peuvent effectuer qu’un remplacement d'une seule journée par semaine et ne peuvent pas être recrutés comme collaborateurs ou adjoints de médecins.
L'article L. 4131-2 du code de la santé publique ouvre pourtant deux solutions à la discrétion du Gouvernement. La première prévoit qu'en cas d'afflux exceptionnel de population, les internes en médecine, ayant validé un certain nombre de semestres au titre du troisième cycle, peuvent être autorisés, pour une durée limitée, à exercer la médecine en tant qu'adjoints d'un médecin. Ne pourrait-on pas considérer que l'intention du législateur, à travers la notion d'afflux exceptionnel de population, vise bien une carence manifeste dans l’offre de soins ?
La seconde solution, prévue à l'alinéa 6 de ce même article, permet au ministre de la santé d'habiliter par arrêté un préfet à autoriser les internes à exercer la médecine « lorsque les besoins de la santé publique l'exigent ». Cette solution est donc encore plus facile à mettre en œuvre, puisqu’elle est entièrement à la main du ministre. Vous pourriez la limiter aux étudiants ayant achevé leurs études de médecine. Dans un département comme l'Eure-et-Loir, le Conseil de l’ordre n'y serait visiblement pas hostile.
Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes serait-elle disposée à prendre l'une ou l'autre de ces mesures pour pallier dans l'urgence les carences de médecins ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui m'a chargée de vous répondre.
Vous l'interrogez sur la possibilité qui pourrait être offerte aux jeunes en formation médicale d'exercer à titre temporaire, en tant que remplaçants ou adjoints d'un médecin dans les zones déficitaires en matière de soins.
Plusieurs mesures permettent aujourd'hui à un médecin exerçant en zone fragile de s'adjoindre un jeune professionnel en tant que remplaçant ou collaborateur. En fonction de son avancée dans le cursus de troisième cycle, un interne en médecine peut obtenir une licence de remplacement. À titre dérogatoire, un médecin qui recourt à un remplaçant peut également poursuivre une activité médicale libérale pendant son remplacement, lorsqu'une carence ou une insuffisance de l'offre de soins est constatée par le conseil départemental de l'ordre. Cette dérogation est ainsi tout à fait adaptée aux territoires fragiles en termes d'offre de soins. En outre, une fois diplômé, un jeune professionnel a la possibilité d'exercer en tant que collaborateur d'un médecin.
Lorsque les besoins de la santé publique l'exigent, notamment en cas d'afflux exceptionnel de population – point que vous avez soulevé –, des étudiants ayant validé le deuxième cycle des études médicales – ils ne sont donc pas encore internes – peuvent, par dérogation, être temporairement autorisés à exercer en tant qu'adjoints d'un médecin.
Toutefois, monsieur le député, s'agissant de compenser une offre de soins déficitaire sur un territoire, il n'est pas souhaitable de proposer la mesure dérogatoire d'exercice prévue en cas d’afflux exceptionnel, car elle ne répond pas aux enjeux de qualité et de sécurité des soins qu'attendent légitimement les patients. En revanche, la ministre a demandé au directeur général de l'ARS de prendre votre attache pour voir comment vous accompagner au mieux dans la recherche de solutions pour lutter contre la sous-densité médicale des territoires de votre région.
Je vous rappelle que le Pacte territoire-santé, lancé par Marisol Touraine en 2012, comprend plusieurs mesures visant à favoriser l'installation de jeunes médecins en zones sous-dotées : les résultats sont déjà visibles. Il s'agit notamment du contrat d'engagement de service public et des dispositifs des praticiens territoriaux de médecine générale et de médecine ambulatoire.
Cet engagement se poursuit, puisque le 26 novembre dernier, la ministre a présenté le Pacte territoire-santé 2 : destiné à amplifier les actions qui ont fait le succès du premier plan, il comporte également des mesures inédites, notamment la hausse du numerus clausus dans dix régions manquant de médecins, ce qui n’avait pas été fait depuis de nombreuses années.
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces éléments de réponse.
Je tiens à insister sur le fait que des mesures législatives existent, aujourd'hui, qui sont à la main du Gouvernement. Il serait vraiment regrettable que, dans la situation actuelle, elles ne soient pas toutes utilisées, même si elles sortent de la routine. Elles sont autant de pouvoirs que le législateur donne au Gouvernement. Je souhaite vraiment que celui-ci y recoure.
Auteur : M. Olivier Marleix
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2015