Question orale n° 1218 :
sidérurgie

14e Législature

Question de : M. Michel Liebgott
Moselle (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Michel Liebgott attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la sidérurgie européenne et française confrontée à de fortes poussées de dumping et de concurrence déloyale exercées par la Chine et en partie par la Russie. Or le secteur de l'acier a déjà connu depuis 2008 une crise sans précédent marquée par un ralentissement de la demande et la perte consécutive de plus de 150 000 emplois directs et indirects. La baisse des prix de l'acier (divisés par deux) depuis un peu plus d'un an ne laisse pas d'inquiéter les sidérurgistes européens. La Chine accuse en effet un recul important de sa croissance et doit désormais écouler plus de 350 000 tonnes d'acier en surproduction, soit plus du double de la consommation européenne. Les risques d'ajustement des capacités européennes font craindre des pertes de profit pour nos entreprises et des conséquences néfastes sur l'emploi. Face à ce contexte d'urgence, les parlementaires européens ont adopté ce mercredi 16 décembre 2015 une proposition de résolution pour doter l'Europe d'outils anti-dumping et de défense commerciale. Les collègues européens préconisent ainsi un ajustement du prix du carbone à la frontière, mettant fin aux discriminations concernant les règles d'achats de droit d'émissions sur le marché carbone entre producteurs européens et extra européens, la relance de l'innovation et des investissements, notamment pour rentabiliser la production de métaux bas carbone, plus écologiques. Il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre au niveau national pour accompagner ces initiatives et les concrétiser. Il s'agit là de distiller plus d'équité et de loyauté dans les règles de fonctionnement de ce marché.

Réponse en séance, et publiée le 13 janvier 2016

AVENIR DE LA FILIÈRE SIDÉRURGIQUE EN FRANCE ET EN EUROPE
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott, pour exposer sa question, n°  1218, relative à l'avenir de la filière sidérurgique en France et en Europe.

M. Michel Liebgott. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, je tiens à appeler votre attention sur la situation de la sidérurgie mondiale et en particulier sur la surproduction d'acier due aux excédents chinois, qui ont entraîné l'année dernière une chute de 45 % du prix de l'acier, mettant en difficulté un certain nombre d'entreprises européennes, empêchées d'agir dans le cadre des lois anti-dumping.

Néanmoins, je veux en préalable me féliciter des accords qui ont été passés par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault puisque tous les investissements promis à l'époque ont effectivement été réalisés par ArcelorMittal. Ce dernier toutefois gèle aujourd'hui l'ensemble des investissements : c'est dire si nous avons eu intérêt, à l'époque, à conclure cet accord avec ce grand groupe qu'est ArcelorMittal.

Tel n'est pas le cas en Italie, où une entreprise particulièrement importante est aujourd'hui à deux doigts de déposer son bilan et sera peut-être rachetée par ArcelorMittal ; 11 000 salariés sont concernés. Si cette entreprise, pour laquelle le gouvernement italien avait imaginé une administration extraordinaire, du type nationalisation, avait été en France, on peut imaginer que les investissements tels que ceux opérés par ArcelorMittal n'auraient pas été réalisés. Nous ne pouvons donc que nous féliciter des décisions prises à l'époque.

Cela étant, cette concurrence chinoise a un impact considérable sur un certain nombre d'entreprises françaises : j'appelle ainsi votre attention sur la situation de la société Akers à Thionville, en Moselle, et sur les transferts de production envisagés chez Ascométal qui pourraient affecter l'unité de production d'Hagondange, également en Moselle.

Je veux également vous indiquer qu'il existe un projet de rachat par le fonds d'investissement Greybull Capital d'une usine Tata Steel qui, ces dernières années, a investi 52 millions d'euros dans cette usine, de façon extrêmement positive : cette unité de production, particulièrement performante, doit perdurer. Même s'il existe quelques soucis concernant l'approvisionnement en fonte si l'usine de Scunthorpe en Angleterre venait à être menacée, il s'agit d'une usine performante et nous n'avons pas de crainte majeure à ce sujet.

Un certain nombre de quotidiens ont toutefois fait état d'une proposition de la Commission européenne sur la reconnaissance de la Chine comme économie de marché ; cette proposition est attendue pour le mois de février. L'approbation par le Conseil et le Parlement européens pourrait entraîner des conséquences terribles pour l'Europe puisque des mesures anti-dumping et anti-subvention ne pourraient sans doute plus être adoptées contre la Chine.

Cette question est donc à la fois mondiale, européenne et française, sur laquelle nous reviendrons d'ailleurs demain soir lors d'un débat sur la sidérurgie.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député, avant de commencer mon propos, je voudrais saluer votre participation à la commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie et les propositions que vous avez faites ; il était important de le souligner.

Votre constat est juste, monsieur le député : le dumping et les pratiques non concurrentielles de certains pays tiers producteurs d'acier sur le marché mondial sont destructeurs pour notre économie et nos emplois.

Les principaux leviers d'action pour lutter contre ces pratiques contraires aux règles internationales sont de niveau européen. Plus de cinquante mesures de défense commerciale protègent actuellement le secteur sidérurgique, mais l’Union européenne peut et doit faire plus pour protéger les producteurs européens contre des pratiques anticoncurrentielles exacerbées par la surproduction mondiale d'acier et le ralentissement de la demande.

L'action du Gouvernement se concentre donc sur deux fronts. Avec d'autres États membres réunis au sein du Conseil compétitivité, il a appelé la Commission européenne à agir à la hauteur des enjeux, sur la défense commerciale comme sur la compétitivité des industries européennes.

Au niveau national, les pouvoirs publics sont mobilisés en soutien de la filière, au travers d'un objectif de montée en gamme par un soutien à l'innovation et d'un objectif de préservation de l'outil industriel sur les différents sites.

Le Gouvernement soutient également l'innovation dans la sidérurgie, depuis la recherche jusqu'à l'industrialisation, sur l'amélioration des activités traditionnelles comme le développement de nouveaux débouchés au travers des instituts de recherche technologique, du projet Metafensch, des projets soutenus par l'ADEME – l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ou encore des projets collaboratifs des pôles de compétitivité soutenus par le Fonds unique interministériel.

S'agissant de la Tata Steel Hayange, le sidérurgiste indien a annoncé, mardi 22 décembre, être entré en négociations exclusives avec le fonds d'investissement Greybull Capital pour lui vendre les activités « produits longs » en Europe, dont l'usine française d'Hayange.

Nous portons une attention particulière au site d'Hayange, site industriel au meilleur niveau mondial, fournisseur critique de rails de SNCF Réseau. Un dialogue est d'ores et déjà établi entre les équipes du ministère de l'économie et les investisseurs, avec lesquels une rencontre est prévue le 12 janvier 2016. Emmanuel Macron pourra donc, après cette rencontre, compléter ma réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Je me félicite de l'action menée par M. Macron dans le dossier Tata Steel, qui risquait d'être pris par le fonds de pension Klesch, dont la réputation n'est pas très bonne. Je pense donc qu'il sera très vigilant s'agissant de la réglementation dite Alstom.

Je salue également vos propos concernant MetaFensch, que j'accueille dans mon territoire, en tant que président de la communauté d'agglomération, afin d'aider les entreprises privées grâce à la mise à disposition de la recherche publique.

Données clés

Auteur : M. Michel Liebgott

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Économie, industrie et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 décembre 2015

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