Question orale n° 122 :
salariés agricoles

14e Législature

Question de : M. Nicolas Dhuicq
Aube (1re circonscription) - Les Républicains

M. Nicolas Dhuicq attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur l'inégalité des coûts de main-d'oeuvre dans le secteur agricole en Europe. En effet, nos producteurs champenois de légumes souffrent actuellement d'un manque de compétitivité vis-à-vis de certains pays (Belgique, Allemagne...) qui n'imposent aucun minimum salarial et bénéficient donc d'un coût de main-d'oeuvre deux fois moins élevé que les producteurs français. De nombreuses exploitations sont déjà fragilisées par la crise économique et risquent de disparaître en dépit de la volonté de produire français avec de la main d'oeuvre française. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend s'engager dans une réforme d'harmonisation des coûts de production au niveau européen afin de protéger nos producteurs en sursis.

Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2013

HARMONISATION EUROPÉENNE DU COÛT DE LA MAIN-D'OEUVRE
DANS LE SECTEUR AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour exposer sa question, n° 122, relative à l'harmonisation européenne du coût de la main-d'oeuvre dans le secteur agricole.
M. Nicolas Dhuicq. On ne le dit pas assez, monsieur le ministre de l'agriculture, la France a la première des libertés, l'indépendance et la sécurité alimentaires. Or, dans le mode de construction actuelle de l'Union européenne, nos producteurs de légumes, particulièrement d'endives, sont confrontés à une concurrence forte et déloyale, menaçant de les faire disparaître à terme, de la part d'entreprises ou d'exploitants belges ou allemands principalement, qui utilisent des dérogations européennes pour employer des salariés venus des ex-pays de l'Est, qu'ils rémunèrent aux tarifs des pays d'origine. Alors que ces hectares génèrent un très grand nombre d'emplois, nous risquons de voir disparaître dans les années qui viennent ces producteurs qui maillent nos territoires ruraux.
Que compte faire le Gouvernement face à ce problème européen fort qui menace directement une partie de notre indépendance nationale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Vous évoquez, monsieur le député, le problème de la compétitivité à l'intérieur de l'Europe et, en particulier, le recours à une main-d'oeuvre rémunérée au niveau des pays d'origine et non du pays d'accueil. Cela ne concerne pas la directive " Services ", feu la directive Bolkestein, c'est la directive " Détachement " qui permet de détacher des salariés sur de courtes durées dans différents pays.
La France, Michel Sapin l'a expliqué, je crois, devant la représentation nationale a pris l'initiative de renégocier le cadre de cette directive, qui entraîne effectivement des dérives et permet de recourir à une main-d'oeuvre trop bon marché. Cela se passe en Europe centrale mais cela se passe aussi chez nous dans un certain nombre d'endroits. Nous devons donc revoir totalement le cadre d'application de cette directive.
Des mesures en faveur de la compétitivité ont été prises, avec 506 millions pour les TODE, les exonérations sur le travail saisonnier et, surtout, pour le secteur des fruits et légumes, le crédit d'impôt compétitivité emploi, qui s'applique à toutes les entreprises, l'Assemblée nationale ayant ajouté les coopératives, sur la base de la masse salariale jusqu'à deux fois et demie le SMIC, et qui permet de réduire les coûts de production de 4 % dès 2013 et de 6 % dès 2014.
Nous allons donner à la représentation nationale les simulations que nous avons réalisées sur des entreprises types. Pour quinze ou vingt salariés, ce sont entre 11 000 et 16 000 euros qui, grâce aux TODE et au crédit d'impôt, peuvent être déduits, ce qui permet à nos entreprises de retrouver de la marge, de la compétitivité, des capacités d'autofinancement, et donc d'assurer leur pérennité.
Je suis comme vous dans un département où il y a beaucoup d'arboriculture. Je sais le rôle que joue ce secteur dans nos territoires et qu'il faut non seulement le préserver mais surtout le développer.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
M. Nicolas Dhuicq. Je note la technicité et la bonne volonté de M. le ministre, mais je répète qu'il y a urgence. Plus largement, je pense que ce mode de construction européenne pose de plus en plus de problèmes et qu'il faudra envisager une construction de nature fortement différente.
M. le président. Vous pouvez reprendre la parole si vous le souhaitez, monsieur le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis convaincu, monsieur le député, que le débat engagé sur le projet européen est un débat majeur et qu'il faut corriger la tendance à la libéralisation en vigueur depuis trop longtemps. Les débats sur la directive Bolkestein, que j'ai évoquée, ou sur la directive " Détachement " sont la preuve que nous avons besoin de règles nouvelles dans ce domaine. M. Cameron, il n'y a pas longtemps, a demandé la possibilité d'utiliser le marché intérieur européen mais sans contrainte sociale ni fiscale ; nous voyons bien qu'il faudra conduire le débat avec la volonté de dire que l'Europe ne doit pas être simplement un marché, du libre-échange, mais un projet politique, social et environnemental.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dhuicq

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2013

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