médecins
Question de :
M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Stéphane Demilly rappelle à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes que les déserts médicaux sont plus que jamais une réalité dans notre pays et ce malgré les annonces des gouvernements successifs. « Recherche médecin désespérément » tel est le titre de l'annonce que nombre de maires de nos communes rurales comme urbaines pourraient envoyer tant l'installation des médecins est devenue un véritable casse-tête pour les élus. La tendance s'alourdit d'année en année et aggrave la désertification de nos campagnes, mais aussi de nos quartiers. En effet, cette situation d'abord circonscrite au milieu rural concerne désormais tous les territoires. Chaque député, a dans sa circonscription, connaissance de difficultés à trouver un médecin. Dans sa circonscription, M. le député ne citera qu'un exemple, celui de la commune d'Athies qui compte 660 habitants. Le maire est totalement mobilisé pour trouver un remplaçant au médecin qui vient de partir à la retraite. Bien entendu, il a alerté l'Agence régionale de santé, puis a également lancé un appel plus large pour éviter que l'inéluctable ne se produise. Sans succès pour le moment. Malheureusement, ce cas est loin d'être isolé La région Picardie recense la plus faible densité médicale avec 230,9 médecins pour 100 000 habitants. L'inégalité territoriale est flagrante quand on songe que la région PACA enregistre la plus forte densité avec 352 médecins pour 100 000 habitants. Alors certes, la ministre répondra que le pacte santé et territoire 2 prévoit des mesures pour lutter contre ce fléau. 1 000 généralistes ou autres spécialistes devraient ainsi s'installer dans un territoire fragile grâce aux contrats de praticien général de médecine générale ou ambulatoire d'ici 2017. Le numerus clausus est également augmenté de 6,4 % ciblé dans 10 régions manquant de médecins. Pour la Picardie il est augmenté de 4 % soit 8 places supplémentaires. Ces mesures vont dans le bon sens mais sont trop timides pour répondre au défi majeur de la démographie médicale auquel nous devons faire face. Alors que 80 % des jeunes médecins s'établissent dans la région dans laquelle ils ont été formés, le concours de l'internat national favorise le déracinement d'étudiants de leurs régions de formation. Le système lui-même entretient et aggrave la fracture médicale et les inégalités d'accès aux soins quand en parallèle, les professionnels de santé restent peu enclins à contribuer volontairement au rééquilibrage de la démographie médicale. En effet, un sondage commandité par le Conseil national de l'ordre des médecins montre que 63 % des étudiants et 60 % des jeunes médecins n'envisagent pas de s'installer en zone rurale, en raison des fortes exigences de disponibilité requises et de l'isolement de ces zones (BVA, 2007). Il nous faut donc repenser notre modèle de santé de proximité et entrer dans une nouvelle dimension d'action. Il y a urgence ! L'article L. 1110-1 du code de la santé publique dispose : « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ». Le 11ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 qui fait partie du bloc de constitutionnalité déclare que la Nation « garantit à tous (...) la protection de la santé ». Aussi, il lui demande quelles sont les mesures complémentaires que le Gouvernement entend prendre afin de répondre à cet enjeu de santé publique et lutter plus efficacement contre les déserts médicaux.
Réponse en séance, et publiée le 17 février 2016
DÉSERTS MÉDICAUX EN PICARDIE
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 1291, relative aux déserts médicaux en Picardie.
M. Stéphane Demilly. Cette question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
« Recherche médecin désespérément » : tel est le titre de l'annonce que nombre de maires de communes rurales comme urbaines pourraient diffuser, car l'installation des médecins est devenue un véritable casse-tête pour les élus et pour les populations qu'ils représentent. La tendance s'alourdit d'année en année, et aggrave la désertification de nos campagnes et de nos quartiers. D'abord circonscrite au milieu rural, cette situation concerne désormais tous les territoires. Chaque député a eu connaissance, dans sa circonscription, de ce genre de difficultés.
Permettez-moi de citer un exemple emblématique dans ma circonscription : la commune d'Athies, qui compte 660 habitants. Le maire est totalement mobilisé pour trouver un remplaçant au médecin qui vient de partir à la retraite. Il a alerté à plusieurs reprises l'agence régionale de santé, et a lancé un appel plus large pour éviter l'irréparable, sans succès pour le moment.
Ce cas est loin d'être isolé. Avec 231 médecins pour 100 000 habitants, la densité médicale de l'ex-région Picardie est la plus faible. L'inégalité territoriale est flagrante, quand on songe que la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur compte 352 médecins pour 100 000 habitants, soit quasiment 50 % de plus !
Certes, vous me répondrez que le « pacte territoire santé 2 » prévoit des mesures pour lutter contre ce fléau. 1 000 généralistes ou autres spécialistes devraient s'installer dans un territoire fragile grâce aux contrats de praticien territorial de médecine générale d'ici 2017. Le numerus clausus est augmenté de 6,4 %, et ciblé sur dix régions manquant de médecins. Pour la Picardie, il est augmenté de 4 %, ce qui représente huit places supplémentaires.
Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles sont trop timides pour répondre au défi majeur de la démographie médicale dans notre pays – spécifiquement dans ma région. Alors que 80 % des jeunes médecins s'établissent dans la région dans laquelle ils ont été formés, le concours de l'internat national favorise le déracinement des étudiants par rapport à leur région de formation. Le système lui-même entretient et aggrave la fracture médicale et les inégalités d'accès aux soins ; parallèlement, les professionnels de santé restent peu enclins à contribuer volontairement au rééquilibrage de la démographie médicale. Un sondage commandité par le conseil national de l'Ordre des médecins montre que 63 % des étudiants et 60 % des jeunes médecins n'envisagent pas de s'installer en zone rurale, en raison des fortes exigences de disponibilité requises et de l'isolement de ces zones.
Il nous faut donc, madame la secrétaire d'État, repenser notre modèle de santé de proximité, et entrer dans une nouvelle dimension d'action. Il y a vraiment urgence ! L'article L. 1110-1 du code de la santé publique dispose que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. » Par ailleurs, aux termes du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, la Nation doit garantir à tous la protection de la santé.
Madame la secrétaire d'État, quelles sont les mesures complémentaires que le Gouvernement entend prendre afin de répondre à cet enjeu de santé publique et lutter plus efficacement contre les déserts médicaux ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, je comprends votre impatience. Je souhaite néanmoins replacer le problème dans son contexte. Pour cela, je vous ferai part de mon expérience en tant qu'étudiante en médecine au cours des années 1990. À cette époque, tout le monde savait qu'il y aurait, à partir de 2010, un manque cruel de médecins en France. Ces prédictions sont avérées : il y a bien, aujourd'hui, un manque cruel de médecins dans notre pays, que ce soit dans les hôpitaux, dans les établissements publics, ou en médecine de ville. Je dis cela pour rappeler que ce problème date d'il y a plus de vingt ans, qu'il est structurel : ce n'est donc pas par des mesures d'urgence qu'on pourra le résoudre !
Le « pacte territoire santé », qui a été lancé il y a trois ans, est largement reconnu. Il a permis d'impulser une dynamique nouvelle dans des zones en difficultés. À la fin de l'année 2015, Marisol Touraine a ouvert une nouvelle phase avec le « pacte territoire santé 2 », pour conforter les premières avancées et intégrer de nouvelles initiatives.
Parmi ces initiatives, il y a les contrats de praticien territorial de médecine général et la hausse ciblée du numerus clausus. Il y a aussi des mesures structurantes pour que des jeunes s'installent dans les territoires qui manquent de professionnels, comme le vôtre. Je pense notamment aux stages en cabinet réalisés au cours de la formation, qui sont essentiels pour faire connaître et apprécier l'exercice dans les zones considérées comme fragiles. Mme la ministre de la santé et des affaires sociales s'est engagée à ce que d'ici 2017, tous les étudiants de deuxième cycle accomplissent un stage de médecine générale. Cet effort portera aussi sur la pratique de stages ambulatoires dans les spécialités qui sont difficiles à pourvoir, comme la gynécologie médicale, la pédiatrie, la dermatologie ou l'ophtalmologie.
Ensuite, le développement des maisons et des centres de santé permet de répondre aux attentes des professionnels, en particulier des jeunes médecins qui veulent exercer autrement. Il y avait 174 maisons de santé pluri-professionnelles en 2012, nous en sommes à près de 800 fin 2015 !
Cette mobilisation se fait sentir dans la région Nord-Pas-De-Calais-Picardie : 51 maisons de santé sont ouvertes, et 106 projets font l'objet d'un accompagnement. L'ARS a également pris des mesures destinées aux maîtres de stage, en proposant des indemnités de compensation pour les jours de formation. Par ailleurs, plusieurs maisons de santé sont déjà implantées dans les communes environnant Athies afin de répondre aux besoins de la population.
Monsieur le député, je comprends et je partage votre impatience, mais il s'agit de mesures structurantes : c'est dans la durée que nous mesurerons la portée de ces efforts.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Puisque j'ai utilisé la totalité de mon temps de parole tout à l'heure, je serai très bref : il faut aller beaucoup plus loin, madame la ministre.
Auteur : M. Stéphane Demilly
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2016