Question orale n° 1401 :
médecins

14e Législature

Question de : M. Jean-Charles Taugourdeau
Maine-et-Loire (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Charles Taugourdeau attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le problème de désertification médicale en marche à Saumur. D'ici aux deux prochaines années, de nombreux médecins cesseront leur activité sans être remplacés. Les témoignages des médecins installés sont de plus en plus nombreux, corroborant ceux de patients qui confirment que les cabinets médicaux ne peuvent plus répondre aux besoins. De nombreux projets pourraient exister, même d'initiative privée. Cependant, les initiatives semblent bloquées dans la mesure où Saumur ne serait pas classée en zone en désertification qui autoriserait alors à ce que de jeunes praticiens, ayant bénéficié d'aides aux études en échange d'installations dans ce type de territoire, viennent dans la commune. Ainsi il lui demande quelles sont les démarches engagées par le ministère aux fins d'assurer à Saumur une couverture médicale.

Réponse en séance, et publiée le 27 avril 2016

DÉSERTIFICATION MÉDICALE À SAUMUR
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour exposer sa question, n°  1401, relative à la désertification médicale à Saumur.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le très grave problème de la désertification du milieu rural en matière de services au public en général, mais plus précisément, en ce qui concerne Mme Touraine, sur la dégradation des services de santé, à commencer par le premier d'entre eux : la disparition, prévue et programmée depuis de nombreuses années, des médecins généralistes, jadis appelés « médecins de campagne ».

Le mal progresse jusque dans les villes de sous-préfecture. C'est le cas à Saumur, ville du cheval, du Cadre noir, de l'École nationale d'équitation, ville dont les effectifs militaires ont été renforcés pendant la législature précédente.

D'ici à sept ans, quinze médecins sur trente et un cesseront leur activité, sans compter ceux qui pourraient partir entre-temps. Il y a dix ans, on comptait trente-six généralistes et, parmi les spécialistes, quatre gynécologues – il n'y a en plus qu'un, qui partira en retraite dans six mois –, trois rhumatologues – il n'y en a plus aucun –, deux dermatologues – il n'y en a plus aucun –, quatre cardiologues – il en reste deux –, et trois ORL – il en reste deux.

Que deviendront les habitants de nos campagnes si même les villes de sous-préfecture n'ont plus suffisamment de médecins généralistes, sans parler des spécialistes, des pharmaciens et des professions paramédicales ?

Des associations se sont spécialisées en France dans le recrutement de médecins roumains francophones. Le coût du recrutement est de 10 000 euros hors taxes pour un généraliste et de 13 000 euros hors taxes pour un spécialiste. La belle affaire !

Des cabinets en excellent état restent désespérément vides. Nombre de jeunes médecins abordant leur vie professionnelle choisissent la sécurité et privilégient leur qualité de vie dans des organismes où, en fait, ils n'exercent pas la médecine.

Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de n'autoriser, dans tous ces organismes publics ou privés, que le recrutement de médecins dont le curriculum vitae atteste qu'ils ont exercé deux ou trois ans dans un milieu rural ou en voie de désertification, et qu'il serait temps de classer Saumur en zone fragile ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, améliorer l'accès aux soins et réduire les inégalités entre les territoires sont des objectifs prioritaires du Gouvernement, comme l'atteste le pacte territoire santé, que Marisol Touraine a lancé fin 2012.

Le pacte repose sur une approche concrète et, trois ans après sa création, les premiers résultats sont au rendez-vous. La ministre a d'ailleurs annoncé fin 2015 le pacte territoire santé 2, confortant les premières avancées de ce programme et intégrant de nouvelles initiatives.

Le pacte territoire santé tire sa force de la diversité des mesures qui interagissent les unes avec les autres. Qu'il s'agisse de la formation des professionnels ou des conditions d'exercice, des mesures variées visent à attirer les jeunes médecins dans des zones manquant de professionnels.

Vous évoquez la situation de Saumur. Je conviens que certaines incitations sont réservées aux territoires identifiés comme en tension ; c'est un choix, mais il faut que les territoires les plus en difficulté bénéficient en premier de toute notre attention.

Cependant, notre démarche n'est pas figée. Je veux vous rassurer sur ce point. La carte de ces territoires sera revue en 2017. Si cela paraît pertinent, la ville de Saumur sera alors susceptible d'être intégrée dans le dispositif.

Au-delà des aides directes à l'installation, que vous avez rappelées, le pacte comporte des dispositions particulièrement importantes pour agir sur l'attractivité d'un territoire et y renforcer durablement l'offre de soins, notamment en innovant pour la formation des futurs professionnels de santé et leur exercice dans les territoires.

Je puis citer quelques exemples.

Nous avons augmenté le nombre de médecins à former dans dix universités situées dans des régions où les densités médicales sont les plus faibles.

Le numerus clausus actuel a été augmenté, puisqu'il s'établit actuellement à un niveau deux fois supérieur à celui du début des années 2000 : 8 000 médecins sont formés chaque année, contre 3 500 à 4 000 dans les années 1990-2000. Mais, plutôt que d'augmenter globalement ce numerus clausus, nous privilégions son augmentation ciblée dans les régions déficitaires.

Les stages dans un cabinet de médecine générale ont également été renforcés. Pour attirer les jeunes vers la médecine libérale, il est essentiel de les former non pas seulement à l'hôpital ou dans un seul cabinet de médecine générale, mais dans les conditions réelles de leur futur exercice. On pourra ainsi leur donner le goût de l'exercice libéral en milieu rural.

Le soutien à l'émergence de projets collectifs de professionnels de santé est également au cœur de notre action. Sur ce point, je le sais, l'agence régionale de santé est en contact étroit avec le maire de Saumur.

Monsieur le député, la réponse aux difficultés d'accès aux soins et au défi de la démographie médicale n'est pas unique. Il existe non une solution miracle mais une diversité de mesures. Mais surtout, c'est la concertation avec les professionnels et les élus des territoires qui permettra d'agir efficacement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Merci de votre réponse. J'espère qu'il ne se trouve pas d'esprit diabolique, dans la haute administration du ministère, qui voudrait fonctionnariser les médecins libéraux pour mieux contrôler les dépenses de santé. Je le dis non par provocation, mais parce que la concordance de nombreux indices nous le laisse penser.

Données clés

Auteur : M. Jean-Charles Taugourdeau

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 avril 2016

partager