gendarmerie et police
Question de : Mme Viviane Le Dissez (Bretagne - Socialiste, écologiste et républicain)
Mme Viviane Le Dissez interroge M. le ministre de l'intérieur sur la transposition de la directive européenne 2003/88/CE du Parlement européen du 4 novembre 2003 relative à l'aménagement du temps de travail et plus particulièrement son application aux personnels des unités de gendarmerie. Depuis le 1er septembre 2016, une instruction de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) est entrée en vigueur. Cette instruction 36 132 impose un repos physiologique journalier minimal de 11 heures consécutives. Ce nouveau dispositif génère une diminution du taux d'activité des gendarmes estimée à 6 %. Si les objectifs de cette directive sont louables et qu'il est incontestable que les gendarmes doivent disposer de temps de récupération, on ne peut ignorer que la charge missionnelle de la fonction militaire s'est accrue sensiblement depuis 2016 pour prendre notamment en compte les missions telles que la lutte contre le terrorisme. Bien que les unités témoignent d'une mobilisation et d'une implication sans faille, l'application de cette instruction pose de grandes difficultés quant à l'organisation des services. Elle souhaiterait connaître ses intentions afin de mettre en place une directive plus pérenne et faire face aux difficultés rencontrées par les commandants d'unités.
Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2017
TEMPS DE TRAVAIL DANS LA GENDARMERIE
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour exposer sa question, n° 1602, relative au temps de travail dans la gendarmerie.
Mme Viviane Le Dissez. Madame la secrétaire d'État chargée de l'aide aux victimes, j'ai été interpellée dans ma circonscription, comme bon nombre de mes collègues, sur la transposition de la directive européenne 2003/88/CE du Parlement européen du 4 novembre 2003 relative à l'aménagement du temps de travail et, plus particulièrement, son application aux personnels des unités de gendarmerie.
Au cours des deux dernières années, la gendarmerie a été l'objet de plusieurs procédures tant devant la Commission européenne que devant le Conseil d’État, la conduisant à abroger ou à modifier des textes internes pour non-conformité à la directive européenne précitée relative au temps de travail.
Depuis le 1er septembre dernier, une instruction provisoire de la direction générale de la gendarmerie nationale, la DGGN, est entrée en vigueur afin de pallier l'absence de texte résultant de cette abrogation.
Cette instruction 36-132 impose un repos physiologique journalier minimal de onze heures consécutives. Le nouveau dispositif génère une diminution du taux d'activité des gendarmes estimée à 6 % comme cela a déjà été indiqué par la DGGN en audition devant la représentation parlementaire. Par ailleurs, on souligne également l'absence de mise en place d'une durée hebdomadaire moyenne de travail.
Enfin, la transposition à une force armée de cette directive suscite des interrogations de la part des gendarmes sur le risque d'une banalisation de l'état militaire, fondé sur la disponibilité permettant un service « en tout temps et en tout lieu », comme le prévoit l'article L. 4121-5 du code de la défense.
Cet impact sur le statut militaire et l'identité propre de la gendarmerie nationale, force armée de protection du territoire et des populations, n'est pas mesurable.
Les unités témoignent chaque jour d'une mobilisation et d'une implication sans faille, et on ne les honorera jamais suffisamment d'être à proximité et à l'écoute des citoyens en assurant notre sécurité. À cet égard, les cérémonies des vœux sont aussi l'occasion de féliciter nos forces de sécurité sur le terrain.
Si les objectifs de cette directive sont louables et s'il est incontestable que les gendarmes doivent disposer d'un temps de récupération, on ne peut ignorer que la charge de la fonction militaire correspondant à ses missions s'est accrue sensiblement depuis 2016 pour prendre notamment en compte les missions telles que la lutte contre le terrorisme.
L'application de cette instruction pose de grandes difficultés pour l'organisation des services et je souhaiterais connaître vos intentions sur la mise en place d'une directive plus pérenne permettant de faire face aux difficultés rencontrées par les commandants d'unité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’aide aux victimes.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État chargée de l’aide aux victimes. Le ministre de l'intérieur, ne pouvant être là aujourd'hui, madame la députée, m'a chargée de vous répondre.
Pour la gendarmerie nationale, la transposition de la directive est conduite en étroite liaison avec le ministre de la défense.
S'agissant de la méthode, un groupe de travail de haut niveau, piloté par les cabinets intérieur et défense et associant le SGAE, a pour mission de conduire les échanges avec la Commission européenne. Parallèlement, un groupe technique intérieur-défense prépare la rédaction du projet de décret de transposition relatif aux personnels sous statut militaire, pour préserver la spécificité de ce statut.
Depuis près d'un an, les travaux sont menés avec la Commission européenne. Dans le contexte que nous connaissons, nous devons nous inscrire dans la durée. C'est pourquoi nous avons avisé la Commission que le décret de transposition ne pourrait intervenir avant le second semestre de 2017.
Pour autant, compte tenu du contentieux engagé par deux associations, la DGGN a dû prendre des mesures immédiates et met donc en œuvre, depuis le 1er septembre 2016, une instruction provisoire prenant en compte la réglementation européenne dans l'attente du décret de transposition. Un premier bilan sera établi d'ici à quelques semaines. On a tout de même constaté une perte de capacité opérationnelle.
Pour la police nationale, à la suite d'un avis motivé de la Commission européenne du 25 septembre 2014 s'orientant vers une condamnation de la France, plusieurs modifications réglementaires du temps de travail dans la police nationale sont envisagées afin de transposer le droit communautaire.
Ces modifications visent à décompter l'ensemble des heures de travail réalisées, à apprécier la durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures sur le semestre, à garantir un repos quotidien minimal de onze heures consécutives et un repos hebdomadaire minimal de vingt-quatre plus onze heures consécutives et, enfin, à garantir la prise de périodes équivalentes de repos compensateur en cas de réduction ou de suppression d'un repos quotidien ou hebdomadaire.
Ce projet de décret a été soumis aux instances consultatives compétentes, le comité technique de réseau de la police nationale le 5 juillet 2016, où le texte a été majoritairement rejeté, le comité technique ministériel le 7 juillet 2016 et le Conseil supérieur de la fonction publique d'État le 26 septembre 2016.
Dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen du texte par le Conseil d’État, une réunion de travail a été organisée le 8 décembre 2016 par le rapporteur en charge de cette affaire. Le projet de décret a été adopté par le Conseil d’État le 3 janvier dernier.
En parallèle, les instructions générales relatives à l'organisation du travail du 18 octobre 2002 seront complétées par les nouvelles dispositions transposées et une circulaire d'accompagnement sera rédigée. Elles seront soumises à l'avis des comités techniques compétents.
Auteur : Mme Viviane Le Dissez (Bretagne - Socialiste, écologiste et républicain)
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2017