Question orale n° 173 :
zones urbaines sensibles

14e Législature

Question de : M. Malek Boutih
Essonne (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Malek Boutih interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville, sur la question de la ghettoïsation ethnique dans le logement et les moyens de l'enrayer. Cette ghettoïsation a été mise en lumière par le dernier rapport de « l'Observatoire national des zones urbaines sensibles ». Alors que les immigrés et descendants d'immigrés composent 22 % de la population de France métropolitaine, ces derniers sont surreprésentés dans les « zones urbaines sensibles » : ils y constituent plus de la moitié des habitants de 18 à 50 ans. La précision de ce rapport nous apprend même que les immigrés originaires du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne représentent près des trois quarts de ces immigrés vivant en ZUS. Or qu'est-il intéressant de noter au-delà des origines de ces populations ? Que ces quartiers sont en souffrance dans tous les domaines la vie : le taux de pauvreté est près de trois fois plus élevé, l'emploi continue de reculer, l'activité économique se rétracte, l'école ne peut plus assumer sa mission, l'accès aux soins est plus difficile. Derrière les termes de « banlieues », « quartiers », la République cache donc les plaies de territoire. Ces blessures doivent être nommées : ce sont des ghettos. Il demande quelle action son ministère entend mener pour y remédier.

Réponse en séance, et publiée le 1er mars 2013

ACTIONS EN FAVEUR DES ZONES URBAINES SENSIBLES

M. le président. La parole est à M. Malek Boutih, pour exposer sa question, n° 173, relative aux actions en faveur des zones urbaines sensibles.
M. Malek Boutih. Monsieur le ministre chargé de la ville, ma question porte sur la ghettoïsation ethnique dans le logement et sur les moyens d'enrayer ce phénomène.
Cette ghettoïsation a été mise en lumière par le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Alors que les immigrés récents et leurs descendants composent 22 % de la population de la France métropolitaine, ces derniers sont surreprésentés dans les zones urbaines sensibles. Ils y constituent plus de la moitié des habitants de dix-huit à cinquante ans. Ce rapport nous apprend même que les immigrés originaires du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne représentent près des trois quarts des immigrés vivant dans les ZUS. C'est évidemment une moyenne et, dans certains quartiers, le taux peut aller jusqu'à 70, voire 100 %.
On sait que la politique de la ville, placée sous votre impulsion, a de grandes conséquences sur les questions sociales. Ce sont des quartiers en souffrance. Le taux de pauvreté y est trois fois plus élevé, l'emploi continue de reculer, l'activité économique se rétracte, l'école assume sa mission avec un grand courage mais beaucoup plus difficilement qu'ailleurs, l'accès aux soins est également plus difficile.
Au-delà des questions sociales et des enjeux urbains, la particularité de ces quartiers est la crise politique que crée une telle ghettoïsation, et l'on observe aujourd'hui un sentiment d'abandon, en particulier chez une partie de la jeunesse qui, à travers cet enfermement quasi physique, a le sentiment d'être rejetée et de ne pas être reconnue dans son pays lui-même.
Cette ghettoïsation, contrairement à ce qui est souvent dit, n'est pas simplement le fruit du hasard ou de la volonté de populations de se regrouper. Cela ne ressemble pas à ce que furent les quartiers d'immigrés il y a encore quelques années. C'est la conséquence de politiques discriminatoires qui peuvent exister, de politiques de peuplement clandestines qui cachent leur nom. Plusieurs arrêts de justice ont prouvé que des pratiques interdites avaient parfois été mises en place pour organiser les populations en fonction de leurs origines.
Cette discrimination frappe particulièrement la population noire de France, y compris quand elle n'est pas immigrée ou descendante d'immigrés, je pense en particulier aux populations antillaises -, qui se retrouve véritablement enfermée, dans une logique qui, on le voit, peut avoir des conséquences dramatiques sur le tissu républicain.
Mon expérience personnelle m'amène à vous dire que l'on se sent français en grandissant avec l'ensemble de la population. S'il faut du temps pour agir sur les questions sociales, si l'action volontaire du Gouvernement peut finir par produire un jour ou l'autre des résultats sur le terrain économique et social, les conséquences dramatiques de la ghettoïsation, elles, peuvent être irréversibles, et l'on voit un certain nombre de pays où ces questions raciales se sont totalement enkystées.
Par quels moyens comptez-vous lutter contre ces ghettos et ouvrir une perspective à cette jeune génération pour qu'elle puisse se reconnaître pleinement dans les idéaux républicains ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.
M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Vous avez raison, monsieur le député, le processus de ségrégation et de relégation des populations dans une partie des agglomérations de notre pays, et en particulier dans nos quartiers populaires, est une réalité.
Le ministère de la ville que je conduis s'attache à casser les ghettos et les concentrations de pauvreté. Le Gouvernement a pris la mesure de cette réalité et met en oeuvre un ensemble de mesures afin de lutter contre les effets liés à la ségrégation spatiale. C'est le sens des décisions du comité interministériel des villes de mardi dernier.
Il s'agit de renforcer les crédits de droit commun des différents ministères dans les quartiers prioritaires, ce qui veut dire territorialiser une grande partie des politiques publiques et mobiliser d'autres ressources, comme celles de la Banque publique d'investissement qui vient d'être créée, le plan interministériel en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, ou encore les zones de sécurité prioritaires, afin de mener des politiques ciblées à l'intérieur de ces quartiers.
Il s'agit également, je l'ai rappelé tout à l'heure en répondant à M. Laurent, de lancer une nouvelle génération d'opérations de rénovation urbaine, qui ont fait leurs preuves en matière de mixité sociale, de mixité urbaine ou de mixité fonctionnelle lorsqu'elles ont été bien menées, mais, je ne le cache pas, ce ne sera pas suffisant et il faut s'attaquer aux politiques de peuplement.
Je ne souhaite pas, contrairement à certains aujourd'hui, abandonner l'objectif de mixité sociale à l'intérieur de ces quartiers. Cette mixité sociale ne se décrète pas : elle se construit, notamment par le biais des mécanismes d'attribution de logement. Vous savez que la ministre de l'égalité des territoires et du logement a lancé une large concertation sur le sujet ; je ferai des propositions dans ce cadre, car je partage votre sentiment : on ne peut continuer dans cette logique qui veut qu'une famille en difficulté quittant un quartier est automatiquement remplacée par une autre famille ayant encore plus de difficultés.
De même, la surreprésentation de populations immigrées, et tout particulièrement de primo-arrivants, dans les quartiers prioritaires doit être traitée en tant que telle par les mécanismes d'attribution. La spécialisation de ces quartiers ne doit plus être la règle.
Je suis donc prêt à travailler avec la représentation nationale dans les jours qui viennent afin de faire des propositions concrètes, tout en étant conscient, comme vous, qu'il s'agit d'un sujet complexe, susceptible de réveiller extrémismes et populismes, et que nous devons donc être le plus précis possible.
M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Malek Boutih

Type de question : Question orale

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : Ville

Ministère répondant : Ville

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 2013

partager