Question orale n° 366 :
établissements

14e Législature

Question de : M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Union des démocrates et indépendants

M. Philippe Vigier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation du centre de détention de Châteaudun. La presse du 12 décembre 2012 s'est en effet faite l'écho du témoignage d'un détenu à la prison de Châteaudun qui n'avait pas regagné son lieu de détention à la suite d'une permission de sortie. Les différents articles de presse faisaient état d'actes de violence et de trafics dans cet établissement. Afin de faire toute la clarté sur ces informations, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur la situation du centre de détention de Châteaudun et les mesures qu'il envisage de prendre pour y apporter une réponse adaptée. Il lui demande en particulier si une mission d'inspection va être diligentée afin de pouvoir s'assurer que la sécurité du personnel pénitentiaire est assurée dans l'établissement mais également de faire toute la lumière sur les trafics de stupéfiants relatés par les articles de la presse et les mesures envisagées, le cas échéant, pour y remédier dans les meilleurs délais.

Réponse en séance, et publiée le 14 juin 2013

SÉCURITÉ DU CENTRE DE DÉTENTION DE CHÂTEAUDUN

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour lui exposer sa question, n° 366, relative à la sécurité du centre de détention de Châteaudun.
M. Philippe Vigier. Le 12 décembre 2012, l'Écho républicain, journal d'Eure-et-Loir, s'est fait l'écho du témoignage de M. Stéphane Raye, détenu à la prison de Châteaudun, qui n'avait pas regagné son lieu de détention à la fin d'une permission. Les différents articles de presse faisaient état de violence et de trafics dans cet établissement.
Cette situation, madame la garde des sceaux, m'a conduit à y effectuer une visite inopinée avec le sénateur et président du Conseil général d'Eure-et-Loir, dans le cadre de l'article 719 du code de procédure pénale. Après un entretien avec la direction du centre de détention, nous avons pu rencontrer le personnel et nous entretenir également avec des détenus.
Afin de faire la clarté sur toutes ces informations, nous vous avions écrit le 9 janvier dernier afin de connaître votre position sur la situation de ce centre de détention et sur les mesures que vous envisagiez de prendre pour y apporter une réponse adaptée. Cette interpellation, renouvelée à plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, est restée à ce jour sans réponse. Or la situation est critique.
Le 10 juin dernier s'est tenue l'audience de ce détenu, Stéphane Raye. Il dit avoir fui la prison lors d'une permission, par peur de représailles. Il a expliqué que lui et sa compagne avaient été contraints à plusieurs reprises de faire rentrer des stupéfiants dans la prison. Il a également fait état de ce qu'il avait subi des pressions et des violences physiques.
Ce témoignage semblait crédible à plusieurs titres. Lors de notre visite dans cet établissement, que je connais bien pour y avoir travaillé comme professionnel de santé pendant une quinzaine d'années avant de devenir parlementaire, nous avons effectivement pu constater de réels dysfonctionnements.
Ainsi, on relève un nombre croissant d'agressions physiques - vous connaissez les statistiques comme moi, madame la garde des sceaux : vingt-cinq en 2010, vingt-sept en 2011, trente-six en 2012. Cet établissement n'a que vingt ans, mais sa zone périmétrique est mal protégée, ce qui facilite évidemment trafics et violences. Les effectifs du personnel pénitentiaire sont faibles comparés aux établissements de taille comparable. Le témoignage de ce détenu, M. Stéphane Raye, est corroboré par le délégué syndical de Force Ouvrière, que j'ai rencontré à plusieurs reprises : " Il y a à Châteaudun de nombreuses violences. Certains détenus ont pris le contrôle. D'autres sont menacés ainsi que leurs familles ". Ce témoignage est confirmé par celui d'un ancien détenu, qui déclare à propos de cet établissement : " C'est un concentré de violences. "
Enfin, je note que la peine retenue à l'encontre de M. Raye, un an de prison avec sursis alors que le délit d'évasion est habituellement sanctionné par plusieurs mois fermes, semble démontrer que le juge a pris en compte les carences du système pénitentiaire.
C'est pourquoi, madame la garde des sceaux, je vous interpelle à nouveau à propos du centre de détention de Châteaudun. Il est important que vos services prennent conscience de la gravité de la situation et qu'enfin on agisse pour y remédier. Je voudrais donc savoir si vous comptez diligenter une mission d'inspection afin d'assurer la sécurité du personnel. Je rappelle qu'un gardien est décédé il y a un an et demi, et que l'administration a mis de longs mois pour reconnaître que c'était dans le cadre de ses activités professionnelles. Il y a donc un aspect émotionnel très fort dans cette affaire. Je souhaite que l'on fasse la lumière sur les trafics de stupéfiants relatés par ces articles de presse, trafics qui donnent une image délétère de ce centre de détention qui avait pourtant été accueilli, il y a une vingtaine d'années, dans les meilleures conditions par toute la population du sud du département de l'Eure-et-Loir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je me réjouis d'apprendre, monsieur le député, que vous avez effectué une visite inopinée. Je souhaite que les parlementaires, comme leur en fait droit la loi du 15 juin 2000, se déplacent très librement dans nos établissements pénitentiaires. J'ai du reste présenté hier en Conseil des ministres un projet de loi qui permettra aux parlementaires qui le souhaitent de se faire accompagner par des journalistes à l'occasion de ces visites.
Vous faites état d'une lettre que vous m'auriez adressée en janvier et à laquelle vous n'avez pas reçu de réponse. J'en suis profondément désolée, mais je n'en ai pas eu connaissance. Je fais preuve pourtant d'une grande vigilance pour que les questions écrites et aux autres courriers des parlementaires reçoivent une réponse. Quoi qu'il en soit, je me réjouis de pouvoir vous répondre ce matin et je vous remercie donc d'avoir obstinément poursuivi votre objectif en me posant cette question.
Vous évoquez des informations qui vous ont été données par une organisation syndicale, mais je vous invite à consulter aussi les autres pour recueillir des points de vue plus divers. En effet, certaines participent aux réunions auxquelles je les invite tandis que d'autres choisissent systématiquement de ne pas venir, ce qui n'offre pas les meilleures conditions pour aider les informations dont nous disposons à circuler.
Vous savez que la sécurité dans et autour des établissements pénitentiaires est une de mes priorités. J'ai présenté la semaine dernière un plan de sécurisation de tous nos établissements, ce qui suppose un effort non négligeable du ministère de la justice : 33 millions d'euros.
Le centre de détention de Châteaudun pose en effet depuis plusieurs années un certain nombre de problèmes. Il accueille des détenus, provenant en grand nombre de la région parisienne, condamnés pour des violences aggravées ou pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Or les centres de détention, vous le savez, sont orientés vers la réinsertion sociale et se voient de ce fait appliquer un régime autorisant une certaine liberté de mouvement puisqu'il s'agit de faciliter la socialisation, l'acquisition de l'autonomie dans un but de réinsertion. Cette liberté de mouvement peut aboutir à une augmentation des violences et des trafics : c'est ce qui a été constaté, fin 2011, par la direction de ce centre de détention - autrement dit, rappelons-le, sous l'ancienne majorité : il s'agit donc d'un problème récurrent.
Une initiative tout à fait intelligente a alors été prise : un plan d'action a été conçu, pilotée par la direction interrégionale. Dès fin 2012, j'ai veillé à faire évaluer ce plan en diligentant un audit de l'inspection des services pénitentiaires. Celui-ci a eu comme résultat d'amener à repenser l'organisation générale du fonctionnement de l'établissement, y compris l'affectation des détenus dans ces centres de détention à régime portes ouvertes ou dans des établissements pour peine à régime complètement fermé, qui a été rationalisée.
Pour ce qui concerne le centre détention de Châteaudun, une série de dispositions ont été mises en oeuvre : l'accompagnement des personnes détenues entre les unités a été renforcé, les mouvements de réintégration à l'issue des promenades ont été réorganisés et s'effectuent désormais par groupes de cinq détenus au maximum, les mouvements liés aux activités sportives se déroulent dorénavant systématiquement sous le contrôle des moniteurs et la distribution des repas a été repensée de façon à éviter les croisements de détenus séjournant dans des bâtiments différents.
En ce qui concerne les pratiques professionnelles, nous avons associé les organisations syndicales et les personnels à la lutte nécessaire contre la violence comme nous les avions associés à la réorganisation générale du fonctionnement de l'établissement. Cela a abouti à de nouvelles procédures telles que la fermeture des secteurs au moment de la fouille des cellules ou du sondage des barreaux, permettant ainsi de doubler le nombre des opérations de fouilles par mois. Nous avons également réalisé des travaux de sécurisation des cours de promenade pour éviter les franchissements et les échanges avec l'extérieur. Il a en outre été procédé au transfert de détenus qui, par leur comportement, perturbaient le fonctionnement de l'établissement : une quinzaine de transferts en 2011, une vingtaine en 2012, et seulement quatre se sont avérés nécessaires depuis le début de cette année.
S'agissant de la personne que vous évoquez, elle a fait des déclarations à propos des violences auxquelles elle était soumise. Arrêtée le 27 avril 2013, elle a été écrouée à la maison d'arrêt de Chartres. Suite à ses déclarations et à leur écho médiatique, nous avons décidé par sécurité de la transférer dans une autre maison d'arrêt.
Voilà, en substance, ce qui a été mis en oeuvre à la suite de cet audit et de ce plan d'action. Vous en conviendrez, me semble-t-il, qu'il n'y a pas nécessité immédiate d'une nouvelle mission d'inspection.
Mme la présidente. Je vous prie de conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ma réponse est peut-être trop longue,...
M. Jacques Alain Bénisti. Mais elle est intéressante ! Nous vous écoutons avec attention !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ...mais j'avais scrupule à répondre le plus exhaustivement possible à M. Vigier. Je reprends en détail les statistiques concernant les violences : on est passé de soixante-sept actes de violence physique en 2011 à quarante et un en 2012 et à douze depuis le début de l'année. Quant aux saisies de produits illicites, on en dénombrait 205 en 2011, 147 en 2012 et 84 depuis janvier.
Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, nous comprenons votre passion, mais je vous rappelle que le temps maximum prévu est de six minutes pour la question et la réponse.
Je redonne la parole à M. Philippe Vigier, mais pour trois mots seulement.
M. Philippe Vigier. Je vous remercie, madame la garde des sceaux pour votre engagement, ainsi pour le contenu de votre réponse.
Mme la présidente. Cela fait plus de trois ! (Sourire.)
M. Philippe Vigier. Au-delà du cas du centre de détention de Châteaudun, mes collègues et moi-même ne manquerons pas d'aller contrôler la concrétisation au niveau national des mesures prises.

Données clés

Auteur : M. Philippe Vigier

Type de question : Question orale

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2013

partager