Question orale n° 393 :
DOM-ROM : La Réunion

14e Législature

Question de : Mme Monique Orphé
Réunion (6e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Monique Orphé attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur la crise du logement touchant gravement les départements d'outre-mer. La Réunion doit en effet faire face à un déficit de logements sociaux important, avec plus de 20 000 demandeurs insatisfaits et un nombre de logements locatifs sociaux de 64 pour 1 000, soit 5 points en-dessous de la moyenne nationale, et cela dans un contexte de croissance démographique soutenue et sur un territoire doublement contraint par sa topographie et son exposition aux risques naturels. Lorsqu'une famille est dépourvue de logement, c'est sa dignité qui est touchée. Beaucoup de ces familles n'aspirent aujourd'hui qu'à un seul rêve : accéder à un logement pour vivre dignement. Des situations insoutenables et inacceptables dans notre belle démocratie. La mission outre-mer a annoncé la construction de 10 000 logements sociaux par an en outre-mer pour répondre à la demande. Si le Gouvernement a une ambition affichée pour répondre aux besoins de nombreux ménages, encore faudrait-il lever les freins à la réalisation des objectifs avancés. La garantie d'emprunt est un de ces freins. En raison du désengagement du département réunionnais, les bailleurs doivent obtenir quatre garants pour financer les opérations de construction de logements sociaux. Cette multiplication des garants freine la sortie des projets. Cette difficulté se posera d'ailleurs en métropole. Les garants n'auront en effet plus la capacité financière pour faire face à l'objectif de construction de 500 000 logements à la fin de ce quinquennat. La CGLLS n'a pas la capacité financière pour se substituer à ses garants. Ce ralentissement en matière de construction fragilise, le secteur du BTP, créateur de nombreux emplois. Dans une île qui compte 30 % de chômage, ce n'est pas négligeable. À l'heure où le Président de la République défend "le choc de confiance" pour relancer le bâtiment "face à l'urgence économique, sociale et environnementale", et a affiché son souhait de lever "tous les freins à la construction", il apparaît opportun de simplifier la procédure en supprimant des garants. Elle souhaite donc connaître la politique gouvernementale qui va être menée pour lever ce frein.

Réponse en séance, et publiée le 20 novembre 2013

SITUATION DU LOGEMENT À LA RÉUNION
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Orphé, pour exposer sa question, n°  393, relative à la situation du logement à la Réunion.

Mme Monique Orphé. Madame la ministre de l'égalité des territoires et du logement, comme l'Hexagone, les départements d’outre-mer souffrent de la crise du logement. La Réunion, territoire dont je suis élue, doit faire face à un déficit de logements sociaux important, avec plus de 20 000 demandeurs insatisfaits, et cela dans un contexte de croissance démographique soutenue et sur un territoire contraint par sa topographie. Or 80 % de ces demandeurs sont éligibles à un logement social.

Vous n'êtes pas sans savoir, madame la ministre, que l'absence de logement favorise l'exclusion, contribue à l'échec scolaire et atteint certaines personnes dans leur dignité, notamment celles et ceux qui dorment dans la rue ou vivent dans des logements surpeuplés – 22 % des ménages réunionnais vivent dans un logement exigu. J'ai rencontré beaucoup de ces familles dans ma circonscription. Ces situations insoutenables sont inacceptables dans un département français.

La mission « Outre-mer » prévoit la construction de 10 000 logements sociaux par an en outre-mer pour répondre à la demande. Si cette ambition est proclamée, encore faut-il lever les freins à sa concrétisation. Après de nombreux entretiens avec les principaux bailleurs de l'île et après l'interpellation des entreprises de BTP, un de ces freins a été identifié. Il s'agit de la garantie d'emprunt.

En effet, le désengagement du département de La Réunion depuis un an a conduit les bailleurs à chercher en urgence des solutions. Un protocole d'accord a été signé, valable jusqu'en décembre 2014, et pas moins de quatre collectivités sont sollicitées pour garantir un emprunt, multiplication des garants qui a porté un coup d'arrêt aux opérations de construction de logements : l'année dernière, la construction de 2 000 logements a dû être reportée. Ce ralentissement des constructions a contribué à fragiliser le secteur du BTP, déjà en crise, alors que c'est un des plus gros créateurs d'emplois à La Réunion. Sachant que la construction de logements génère 1,5 emploi par logement, l'année dernière 3 000 emplois auraient donc pu être créés, ce qui n'est pas négligeable dans un département qui compte 30 % de chômeurs.

Madame la ministre, à l'heure où le Président de la République défend un choc de confiance pour relancer le bâtiment, et souhaite lever tous les obstacles à la construction – il a également parlé de choc de simplification des actes administratifs –, il apparaît opportun de simplifier cette procédure en limitant le nombre de garants à deux, voire, dans certains cas, de supprimer cette exigence. Madame la ministre, quelle politique comptez-vous mener pour lever ce frein que j'ai évoqué ? Pourrais-je compter sur votre soutien quand je défendrai un amendement en ce sens au cours de l'examen en deuxième lecture du projet de loi ALUR ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Madame la députée, vous évoquez les difficultés particulières rencontrées à La Réunion en matière de logement. Votre question a porté plus particulièrement sur la garantie des emprunts aidés pour la construction de logements locatifs sociaux.

Je tiens d'abord à vous dire qu'avec mon collègue Victorin Lurel, nous travaillons beaucoup sur la spécificité des enjeux liés au logement dans les outre-mer, tout particulièrement à La Réunion, où je sais que la situation est délicate. Nous travaillons plus particulièrement à la question de la garantie.

Le principe d'une garantie obligatoire repose sur la nécessité de protéger les épargnants dont les dépôts sur livret A et livret de développement durable permettent un financement avantageux des organismes HLM. Cette garantie permet la solidité du financement de la construction locative sociale. Nous ne pouvons donc pas remettre en cause ce principe. En comparaison des garanties proposées par le secteur bancaire, les garanties apportées par les collectivités territoriales offrent des atouts indéniables en termes de surface financière et de tarification, puisque leur gratuité permet de limiter le coût des opérations de construction. En contrepartie, les collectivités bénéficient d'un droit de réservation de 20 % sur les logements ainsi financés.

L'intervention de la Caisse de garantie du logement locatif social est donc prévue pour être subsidiaire. En effet, le coût des garanties de la CGLLS s'impute in fine sur le loyer d'équilibre des opérations. Cette caisse est contrainte de mobiliser des fonds propres importants pour respecter les ratios prudentiels qui lui sont applicables. Une intervention plus systématique de la CGLLS l'obligerait élever encore plus ses fonds propres et donc à augmenter les cotisations qui lui sont versées, ce qui limiterait la capacité d'investissement des bailleurs.

En apportant leur garantie, les collectivités territoriales marquent également leur engagement en faveur du logement social. À La Réunion, grâce à la mobilisation de l'ensemble des acteurs, la production de logements locatifs sociaux s'est considérablement accélérée. L'État a fait un effort financier sans précédent – 51 millions d'euros au titre des aides directes et 230 millions d'euros d'aides fiscales rétrocédées – pour rendre possible cette dynamique. Il est donc essentiel que les collectivités contribuent à cet effort en continuant à garantir les prêts aidés des bailleurs sociaux.

L'augmentation des encours ne doit pas non plus inquiéter les collectivités plus que de raison. La situation financière des bailleurs sociaux est en effet suivie avec vigilance tant par l’État que par les fédérations professionnelles. Dans les rares situations de défaut, un mécanisme d'intervention associant la collectivité garante, l'organisme de logement social, l'État, la Caisse des dépôts et consignations et la CGLLS agit en amont afin de résoudre le problème de manière collégiale. J'insiste sur le fait que ces situations de défaut sont très marginales.

Malgré la faiblesse des risques encourus, les collectivités réunionnaises ont souhaité les mutualiser, chacune d'elles apportant une fraction des garanties exigées pour financer les projets locaux. Vous estimez, sans doute à raison, que ce dispositif alourdit les démarches des bailleurs sociaux. En tant que ministre, je me bornerai à reconnaître que la mise en place de ce dispositif relève d'un choix des collectivités territoriales. Il appartient donc à celles-ci de le faire évoluer. La garantie d'une seule collectivité est tout à fait possible – c'est le cas pour énormément d'opérations de construction de logements locatifs sociaux – si cela s'avérait plus efficace pour les politiques du logement. Je pense pour ma part que c'est en effet plus efficace, mais vous comprendrez que cela relève de la responsabilité directe des collectivités territoriales concernées.

Données clés

Auteur : Mme Monique Orphé

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Égalité des territoires et logement

Ministère répondant : Égalité des territoires et logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2013

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