réglementation
Question de :
M. Jean-Marc Germain
Hauts-de-Seine (12e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Marc Germain interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur l'application de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 1er juillet 2013. Il souhaite en particulier recueillir son appréciation sur l'efficacité de la nouvelle procédure régissant les projets de licenciements collectifs, créée par l'article 18 de ladite loi, au regard de l'objectif recherché de sécurisation de l'emploi. Il souhaite également connaître le nombre de procédures engagées depuis le 1er juillet 2013 et, parmi celles-ci, celles qui ont donné lieu à une négociation, à une homologation de l'administration, ou à un refus et les raisons de refus d'homologation. Il souhaite enfin savoir si les partenaires sociaux se sont saisis des accords de maintien dans l'emploi prévus par l'article 12, et dans quelle mesure ces accords ont, le cas échéant, permis de mieux encadrer les conditions dans lesquelles des ajustements du temps de travail ou des rémunérations peuvent être faits dans les entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles.
Réponse en séance, et publiée le 4 décembre 2013
APPLICATION DE LA LOI DU 14 JUIN 2013 RELATIVE À LA SÉCURISATION DE L'EMPLOI
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour exposer sa question, n° 419, relative à l'application de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.
M. Jean-Marc Germain. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conditions d'application de la loi du 14 juin 2013. Cette loi très importante, que vous avez présentée récemment, porte très bien son nom. Elle vise à sécuriser les parcours professionnels en créant des droits attachés aux personnes et non plus aux entreprises, je pense à la formation ou à la santé. Elle vise également à sécuriser les contrats de travail en favorisant le recours aux contrats à durée indéterminée plutôt qu'aux contrats précaires, aux CDD ou à l'intérim, par un système de bonus-malus qui sera instauré par le régime d'assurance chômage pour encourager les contrats longs et les embauches en CDI. En outre, et c'est sur ce point particulier que je souhaite vous interroger, elle vise à sécuriser le travail, en donnant de nouveaux pouvoirs aux salariés lorsque les entreprises vont moins bien, notamment lorsque des plans sociaux sont envisagés.
Je pense tout particulièrement à deux articles. L'article 18, tout d'abord, soumet à la codécision la question de l'élaboration des plans sociaux, qui font l'objet soit d'un accord d'entreprise entre les représentants de l'entreprise et les responsables syndicaux, soit d'une procédure d'autorisation administrative, appelée homologation. Pouvez-vous nous dire sur ce point, monsieur le ministre, avec un recul de six mois, comment se passent les choses ? Les partenaires sociaux ont-ils pu se saisir de cette négociation, par essence difficile puisqu'on demande à des syndicalistes, alors que cela va mal, de décider avec le chef d'entreprise des meilleures mesures qui doivent être prises ? L'objectif est évidemment d'éviter le maximum de licenciements, donc de donner aux salariés la possibilité de peser sur le contenu du plan, tout en prenant en compte les moyens de l'entreprise ou du groupe. Nous sommes en effet beaucoup plus exigeants avec un groupe qui a les moyens de recaser tous ses salariés ou de recréer des emplois dans le bassin d'emplois.
Par ailleurs, quand la négociation ne peut pas se dérouler, comment se passent les procédures d'homologation ? Comment vos services ont-ils pu se saisir de cette mission nouvelle qui leur est confiée ? Ils l'avaient remplie dans les années 1980, mais plus depuis 1986, et elle prend aujourd'hui une forme très différente puisqu'il y a une négociation préalable. Quelles instructions leur avez-vous données et comment cela se passe-t-il, d'un point de vue statistique ?
Je souhaite également vous interroger sur l'article 12 et les accords de maintien dans l'emploi. J'ai constaté que le groupe Peugeot, par exemple, ne s'est pas situé dans ce cadre, mais dans un cadre plus ancien, avec un plan social classique. Nous avions, pendant la discussion du projet de loi, évoqué cette possibilité que, le nouveau dispositif étant protecteur, l'ancien soit privilégié. Pouvez-vous nous donner un bilan d'application de ce dispositif visant à maintenir les emplois, quitte à faire des efforts pendant deux ans pour traverser une passe difficile ?
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député Germain, c'est un texte que vous connaissez particulièrement bien, vous aussi, pour en avoir été le rapporteur diligent et efficace. Il a donné lieu à des débats approfondis dans l'hémicycle – et ils méritaient de l'être.
Vous m'interrogez sur le bilan qui peut en être fait. Or ce texte n'est applicable que depuis le 1er juillet dernier, soit peu de mois, dont quelques mois d'été qui ne sont pas forcément propices à la mise en œuvre de cette loi dans de bonnes conditions. D'ailleurs, j'ai été très attentif à ce que des plans ne débutent pas juste avant afin de faire tourner le compteur de temps sans que la négociation puisse être de qualité.
L'article 12, le second que vous ayez évoqué, concerne les accords de maintien dans l'emploi. Je ne dispose que de peu d'éléments statistiques à leur égard, pour la simple raison qu'ils demandent du temps en termes de négociations. Vous avez signalé que certains accords, on peut penser à PSA mais aussi à Renault, se sont faits dans le cadre de dispositions antérieures ou ad hoc. Il ne s'agit donc pas de la procédure de l'article 12.
Des accords sont en cours de négociation, mais aucun n'a encore abouti. Aussi, je ne peux pas vous donner d'éléments statistiques. Je précise que ces accords de maintien dans l'emploi sont loin d'être simples à négocier puisqu'ils demandent des efforts de la part des salariés, avec des contreparties pendant la période de formation mais aussi une fois que les choses vont mieux dans l'entreprise. Ce sont souvent ces contreparties qui sont difficiles à négocier, mais elles sont absolument nécessaires à l'équilibre même du rapport entre la direction et les salariés.
Nous aurons certainement l'occasion de faire un point plus précis devant vous sur l'application de l'article 12 au début de l'année prochaine.
S'agissant de l'article 18, j'ai plus d'éléments à vous transmettre. Les DIRECCTE, avec le soutien au niveau central de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et de la Direction générale du travail, ont été extrêmement efficaces pour traiter le plus rapidement possible les plans de sauvegarde de l'emploi initiés dans le cadre de la nouvelle procédure. Au 7 novembre, 261 procédures avaient été ouvertes et 109 décisions avaient déjà été rendues. Compte tenu des délais, les procédures collectives, et principalement les redressements et liquidations judiciaires, représentent un tiers des dossiers, mais deux tiers des décisions. Hors procédures collectives, 76 % des cas ont donné ou donnent lieu à une négociation. J'ai demandé à mes services de privilégier l'accompagnement de ces négociations. La négociation est engagée en amont, parfois en parallèle à la consultation du comité d'entreprise. Bien évidemment, les plus petites entreprises négocient moins que les plus grandes.
Sur les 109 décisions prises par la DIRECCTE, il y a 71 homologations, 21 validations d'accords globaux, une validation-homologation et 16 refus. Hors procédures collectives, la part des accords majoritaires approche la moitié des décisions, même si l'échantillon est aujourd'hui trop réduit pour en tirer de grandes tendances pour la suite. Il n'en demeure pas moins que le niveau d'accords collectifs majoritaires est très élevé.
Parmi les 16 décisions de refus, 12 portent sur les homologations et 4 sur les validations. Sept des 16 décisions initiales de refus avaient donné lieu, au 7 novembre, à une nouvelle demande de la part de l'entreprise, avec cette fois-ci une décision favorable des DIRECCTE. L'entreprise avait donc amélioré sa proposition par rapport à celle qui avait été d'abord refusée.
Tels sont, monsieur le député, les éléments statistiques que je pouvais vous apporter à ce stade, principalement sur l'application de l'article 18 de cette loi essentielle.
Auteur : M. Jean-Marc Germain
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2013